Gods Games
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Sommes-nous les jouets des dieux ?
Dans ce forum RP, des rencontres crues impossibles pourront avoir lieu
entre d'illustres ressuscités et des personnes de notre siècle

 
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 Destination inconnue

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Achille, héros de Troie

Achille, héros de Troie


Messages : 1448
Date d'inscription : 13/02/2011

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MessageSujet: Destination inconnue   Destination inconnue EmptyLun 6 Mai - 22:40

La guerre et les femmes. Il était né pour faire la première et pour plaire aux secondes. Et ne s’en était jamais plaint. Sa vie n’avait pas été bien longue mais avait suffi pour persister dans la mémoire des hommes. Sa légende avait parcouru les siècles, le suivant dans cette renaissance extraordinaire, entre tant d’autres, qui comme lui, avaient eu droit à une deuxième chance.

Deuxième chance pour quoi faire ? C’était la question qu’il s’était souvent posé alors qu’un souvenir imprécis le taraudait. Il l’avait su en temps voulu et alors un seul regard avait suffi pour le convaincre qui si deuxième chance il y avait, elle lui avait été donnée pour LA retrouver. ELLE, la seule, l’unique. Il savait, sans savoir pourquoi, que celles-ci étaient des retrouvailles, parce que la sensation de l’avoir perdue avait hanté ses rêves. Et dès ce jour, au bord du fleuve, rien n’avait été pareil. Mettre de l’ordre dans sa vie de bourreau de cœurs, donnant l’exclusivité de régner dans son cœur à son Élue, avait déchainé des bourrasques passionnelles. La fin tragique de deux de ses ex n’avait pas entaché le moins du monde son bonheur. Il est des choses qui doivent être et qu’on ne peut éviter ! La troisième, femme astucieuse, avait préféré chercher un homme moins sollicité et vivre en paix.

Venir à bout du Boss et sa bande de mécréants écumeurs de la vallée, était devenue une priorité que personne ne pouvait ni voulait ignorer. Lui, le tout premier. Achille s’était mis en tête de pacifier la zone pour avoir la paix et une fois ceci fait, laisser la cause au bon soin d’une autre âme charitable et aller vivre sa renaissance tranquillement dans un autre coin moins fatigant.

Aimer une femme comme Elisabeth n’était, n’empêche, affaire de tout repos. Faire les choses à sa façon n’entrait pas en question. Il la voulait pour lui, la désirait comme un dingue mais cette merveilleuse femme avait des principes, dont certains échappaient à Achille, et n’était pas prête à en démordre.

Entre ceci et cela, il fallait encore gérer l’affaire de manière convaincante, puisqu’on voulait voir en lui le chef de cette nouvelle épopée. Investir le camp du Boss fut le suivant pas à faire. Sans mal, avec les stratégies de Louis et l’appui logistique des autres. Mais bien entendu, il fallut défendre son droit de conquérant. Ulric, alias le Boss n’était pas quantité négligeable. Si celui-ci défendait son honneur de vaincu, Achille défendait celui de vainqueur ! Le Wisigoth n’était pas ennemi à mépriser. Il s’en prit pour son grade mais, comme tout héros de légende qui se respecte, prit le dessus et expédia le Boss retrouver ses ancêtres. Si tant d’effort mérita un dédommagement conséquent, on peut dire qu’il resta encore sur sa faim. À peine s’il se reprenait de cette honorable joute qu’on sonnait déjà l’alarme d’une attaque en toute règle de la part d’un ennemi pressenti.

Mais, par Zeus…pas pressenti de la sorte ! D’où sortaient ces monstres à longues défenses ? D’où, par Héphaïstos, ces minables avaient ils conçu une telle stratégie ? Sans temps pour poser des questions et encore moins pour en trouver les réponses, on fit ce qu’on put avec les moyens existants, qui n’étaient pas des moindres, le squelette du monstre ayant fourni des armes très performantes, qu’il avait suffi de mettre en main des éléments conséquents.
Et pour un élément, on pouvait dire que l’homme du futur comptait facilement pour dix. Il n’avait jamais vu une technique pareille. Sans faille, avec hallucinante précision, Alpha fauchait les ennemis, comme qui le blé.


*Il tue sans sentir…il n’ y a pire ennemi !*

La bataille fut assez rapidement emportée. L’ennemi prit la débandade et la victoire fut dûment annoncée. Combien de temps pourrait durer cette paix ? Tout était si relatif dans ce monde étrange, tout aussi relatif que leur connaissance des faits. La logique voulait pourtant que s’ils avaient vaincu cet ennemi-là, rien ne portait à croire qu’il fut le seul. S’en suivit une belle discussion, tout ce qu’il y a de plus passionnée et véhémente, surtout les interventions de Louis. Richard se montra, comme toujours, la mesure même. Alpha, qui semblait assez abattu, ne participa que quand on demanda son avis. En spectatrices, Elisabeth, Hélène et Amelia suivaient ces échanges, sans piper mot. D’Isabel, pas de trace, ce qui était sans doute la raison de tant de morosité chez l’homme du futur.

Et puis, quand le ton menaçait de s’échauffer. Sissi se leva et prit la parole. De son temps, aucune femme n’aurait songé à interrompre un débat tactique ou débat tout court. Mais là, vraisemblablement, la donne était autre. Achille fit un effort pour sembler poli au lieu de grogner comme un ours. Ce n’était pas toujours facile concorder avec la façon d’être d’une femme née 30 siècles ou plus après lui. Leurs coutumes étaient extraordinairement différentes et il se demandait, très souvent, comment cette délicieuse créature, issue d’un monde d’exquis raffinements, pouvait avoir posé son regard sur un guerrier antique, qui à ses yeux d’impératrice autrichienne du 19ème siècle devait faire figure de barbare mal dégrossi. Mais peu importait ce qu’il pensait, un fait demeurait : elle l’aimait tel quel il était.

…nous venons de réfréner une grande injuste mais il faut se convaincre que nous ne sommes pas assez nombreux pour les contrer toutes. Alors, Amelia, fais-nous quitter ces lieux, et vite ! À votre santé !

Perdu dans ses réflexions, il avait raté le gros du discours mais la fin voulait déjà tout dire.

Oui, je suis du même avis…Amelia, nous comptons sur toi ! Ton projet a toute priorité…le plus vite sera le mieux !

Du coup, il avait une envie folle d’en finir avec son rôle de Maître de la Colline, pacificateur malgré lui. Si deuxième chance il y avait, Achille comptait bien en profiter et ce ne serait pas en répétant les faits d’armes de sa première vie qu’il y arriverait. Il voulait être libre d’agir à sa guise, d’aimer la femme choisie, de découvrir d’autres horizons, avec elle…

Oui, il voulait à tout prix cette nouvelle vie et cette femme ! Rien d’autre. Juste ça ! C’était son droit, après tout…être heureux, comme un mortel commun ! Mais bien entendu, entre ses désirs et la réalité moyennait un détail dont il se serait volontiers passé : les principes d’Elisabeth ! Pour elle, peu importait être morte et avoir eu droit à une nouvelle opportunité, principe étant principe, cela restait ancré au plus profond de son esprit et même l’amour ressenti envers lui ne la ferait changer d’avis en mille ans ou trois renaissances de plus ! Elle croyait dur comme fer en la sacralisation de leur union…pour qu’union soit ! Fameux dilemme qu’il faudrait résoudre sous peine d’y laisser le peu de maitrise de soi qui lui restait !

Je comprends et accepte, ma douce…dis moi ce qui doit être fait…la seule chose que je désire est t’avoir toujours auprès de moi et si pour y parvenir tu as besoin d’une sacralisation…et bien…que ce soit ainsi.

Le problème suivant à se poser était l’absence marquée d’officiant adéquat. Sissi avait été élevée dans la foi catholique, dont Achille ignorait l’existence et lui dans la croyance que de multiples dieux régissaient sa vie, ce qu’elle n’acceptait pas. Il était prêt à passer un trait sur ces différences, après tout ses dieux à lui ne lui avaient jamais servi d’autre chose qu’à transformer son existence en un enjeu de puissance avec le résultat déjà connu.

Le seul, à répondre, à peu près aux réquisits serait…Tsang…c’est un moine, non ?

Pas exactement ce à quoi sa belle impératrice avait songé mais tenant compte de l’étroitesse de choix et de la situation…D’autant plus qu’avant d’avoir pu faire part au moine de leur souhait, il fallut l’aider à soigner les victimes de leur petite guerre et ils n’étaient pas les seuls. Louis et son Hélène, mus, dirait-on par le même besoin se trouvaient là aussi, ainsi qu’Isabel et son guerrier du futur.

Âmes, cœurs et corps souriront. Soyez en paix avec l’univers, qu’il en soit ainsi !

La main de Sissi avait serré la sienne, avec force et l’éclat de ses yeux avait signifié plus que mille mots. Curieuse cérémonie qui ne ressemblait sans doute en rien à ce qu’elle espérait mais puisque cela lui suffisait, ce n’était pas lui qui le mettrait en doute.

Merveilleuse vie ? À d’autres ! Si bien il avait réalisé tous ses propos et était uni à la plus parfaite des femmes, les besoins des autres étaient toujours là pour s’interposer. Étant encore le chef il devait faire face à infinité de détails, petits ou grands, qui devaient être tous tenus en compte. Le projet d’Amelia occupait les esprits de la majorité et depuis un temps, tout semblait tourner uniquement autour du fameux dirigeable.
Le chantier était énorme. Au début, il s’était demandé, comme tout le monde d’ailleurs, sur la raison de telle démesure. Pour comprendre, il avait fallu voir s’ériger la solennelle carcasse de ce qu’Amelia, les yeux rêveurs, appelait son bébé. Un bébé surdimensionné. L’aviatrice avait pris pas mal de temps à éclairer les lanternes de tous ces ignorants réunis et peu à peu, tous et chacun, avaient une idée très claire de ce qu’on bâtissait là. Le seul qui avait, époque oblige, pigé depuis le tout début était Alpha, qui se montrait très engagé dans le projet.

Cabines, salles de bain, cuisine…ce qu’il appelle électricité…oui, je sais, tu connais aussi…moi, non mais c’est rudement utile…une histoire de panneaux solaires…Richard et moi on a pigé trois fois rien…Louis pas beaucoup plus, mais l’idée l’enchante…Roi Soleil…trucs solaires, tu vois bien…

Sa belle épouse souriait mais l’éclat de ses yeux démentait tout enthousiasme, en la serrant contre lui, il lui flatta la joue avant de l’embrasser.

Je sais que cela ne te plait pas trop, mon amour…si on avait voulu que les hommes volent, on aurait des ailes et des plumes…mais puisque, selon Amelia, c’est faisable, l’aventure est tentante !

Il n’aurait voué, même sous torture, que l’idée de défier les Dieux de la sorte ne finissait pas de le convaincre tout à fait. Il n’était pas homme à connaître la crainte et ce ne serait pas dans cette nouvelle vie que cela allait changer. Tout au plus on pourrait parler du juste respect pour l’inconnu.

*S’il se trouve on n’ira pas bien loin et ils nous la joueront comme avec le pauvre Icare !*

Mais bien entendu, il se garda bien d’en faire le commentaire.

Travailler pour le Projet demandait efforts et sacrifices. Les volontaires ne manquaient pas, même si jamais ils n’entreprendraient l’aventure. Un idéal en commun avait suffi pour réunir un petit monde bigarré, qui se côtoyait, en égalité de conditions. Rangs et titres abolis. Achille travaillait d’arrache-pied, comme tous et chacun, sans oublier ses autres obligations, comme la plupart, sauf que lui était à la tête de cette nouvelle société en éclosion. Le résultat n’était pas des plus engageants. Si bien le Projet avançait, tous commençaient à se sentir comme des esclaves aux galères. On se reposait le strict minimum, on s’échinait à l’épuisement. Plus de temps pour se réunir autour d’un bon repas, on avalait ce qu’on pouvait sur le pouce et le soir, si les horaires coïncidaient on ne pensait qu’à retrouver son lit pour dormir…Tout l’amour du monde ne peut fleurir dans des conditions si laborieuses. La fatigue était à point de l’emporter sur le reste quand Louis eut une idée révolutionnaire, béni soit-il : instaurer un jour libre pour tous. Sans boulot. Rien que pour faire ce que chacun voudrait.

Et c’est justement un de ces jours de relâche, nommés dimanches par les entendus, alors qu’il se prélassait, enfin, auprès de sa bien-aimée qu’arriva un messager de la Colline. Il était blessé mais parvint à faire un rapport succinct.
La situation au campement de la Colline était plus grave que supposée. Des nouveaux étaient arrivés, entre lesquels, des éléments de forces du Boss en déroute. Hopi, l’ex-aurige, resté comme chef par intérim, avait été demis de son poste et gardé prisonnier. La dissidence menaçait. Les « nouveaux » s’étaient emparés des installations et comptaient instaurer une nouvelle force d’attaque pour se lancer dans la Vallée et reprendre le pouvoir.
Une action rapide s’avérait nécessaire. Achille réunit son État-Major d’urgence pour annoncer son départ imminent à la tête d’un détachement armé. Les insurgés devaient être réduits d’une bonne fois pour toutes si on voulait que la région puisse vivre en paix.
Sissi n’agréa en rien cette décision de partir en guerre mais ne put que l’accepter, la mort dans l’âme.

J’en finirai le plus vite possible et serai bientôt de retour, ma douce…je le promets !

Mais il est des promesses qu’on ne peut tenir même en le désirant de toute force. La situation de la Colline prit bien plus de temps que prévu à être éclaircie. Les insurgés résistèrent avec acharnement et le fait qu’ils occupent un point aussi stratégique n’aida en rien à la tâche. Et il fallut que les forces de la nature, déchaînées y mettent de leur part, pour venir à bout de tant d’obstination. Et ce fut au milieu d’une tempête d’apocalypse qu’Achille put mener les siens au sommet de la Colline pour reconquérir la place alors que les feux du ciel éclairaient la nuit.

Depuis quelques jours, les nouvelles via signaux, venant de la Vallée, s’étaient raccourcies au maximum et restaient toujours les mêmes. Partant de la simple idée que pas de nouvelles sont des bonnes nouvelles, Achille poursuivit avec son travail de reconstruction et mise en ordre à la Colline. L’arrivée impromptue d’un messager éreinté le surprit, ce qu’il raconta encore plus.
Le Projet était parti en fumée, le soir du gros orage. Si cette nouvelle en soi était déjà assez navrante, la suite eut le don de l’horrifier pour de bon. L’incendie qui avait ravagé les lieux en un rien de temps et qui avait coûté la vie à 20 travailleurs du tour de nuit, n’avait pas été accidentel mais intentionnel. On avait arrêté la coupable. Isabel Kittredge. Elle serait passée aux aveux, un tribunal instauré à la hâte, l’avait jugée et condamnée à périr dans le fleuve.


*Mais c’est insensé...pas elle qui est…si pieuse…un peu comme ma Sissi !*

Sans délai, Achille prit le chemin du retour. Il arriva trop tard pour éviter que la sentence soit commuée. Isabel avait été exécutée. Il sombra dans une colère innommable et convoqua illico les responsables, sans même avoir rencontré Sissi. Sven, futur chef avec pleins pouvoirs, fut un des premiers à se pointer et subit en exclusive, une de ces colères épiques qui avaient nourri la légende.

Comment est-ce possible que tu aies permis pareille ignominie ?...Où reste la justice !?...Exécuter une femme parce qu’on la tient pour coupable !...parce que ce tribunal…il me semble très hâtif à prendre sa décision ?...Que voulais tu ? Gagner le cœur du peuple ?...Bande d’ignorants…Qu’as-tu gagné, barbare !?...Te respectes tu plus pour cela ?

Hors de lui, il frappa le viking avec tant de force que le grand bonhomme chancela, mettant un genou à terre. L’arrivée de Richard évita qu’il le démolisse à coups. Il faillit se tourner contre l’anglais mais le regard cinglant de celui-ci le ramena quelque peu à la raison. L’entrée en scène de Louis, mains bandées, cheveux cramés, et ses explications remirent un peu les pendules à l’heure. Achille se laissa tomber sur un banc, se sentant absolument largué.

Quant à l’homme du futur, il n’avait pas bougé un doigt. Imbu de la certitude que sa femme était coupable, il semblait emmuré dans ses principes et n’avait rien fait pour éviter l’exécution. Accablant. Il voulut savoir plus sur le tribunal. Constitué à la hâte pour faire justice exemplaire, Sven reconnut avoir engagé trois comparses dont l’histoire semblait concorder à souhait avec leurs besoins.

Les tiens, voudras tu dire…qui étaient ces gens !?

Peu importait, à la fin. Richard avait agi et fait arrêter ces trois là. Ils avaient torturé Isabel pour lui soutirer la confession qui la condamnait. Ils étaient à présent en prison en attente de sentence. Ce qui ne calma pas pour autant sa vindicte.

Il fit mander l’Ayerling qui se présenta sans tarder. C’était comme avoir en face un mur de glace que ses paroles n’atteignaient pas. Ce serait en vain essayer de tirer une quelconque émotion de cet individu, dont la froideur résultait presque inhumaine.

Exténué, Achille préféra gagner sa tente. Sissi, prévenue de son arrivée, l’y attendait depuis un long moment, son expression d’intense chagrin l’atteignit comme un reproche douloureux.

J’aurais dû être là…je sais…QUOI ? Un messager ?...Il n’est arrivé qu’hier…ah bon ? C’était le second…mais que diables…c’est quoi cette espèce de complot !? Ils ont tué la pauvre Isabel pour calmer l’émoi populaire…mais dis-moi, que s’est-il vraiment passé ?

Elle lui raconta par le menu l’odyssée vécue, l’impuissance pour éviter la tragédie. Cela ne l’aida pas à se sentir mieux.

Les jours qui suivirent furent mornes comme un deuil trop lourd. La nouvelle donnée par Amelia quant à la poursuite du Projet, quoiqu’en moindre dimension, ne parvint pas à enrayer tout à fait le malaise. Croiser l’Ayerling, impavide au début, complètement déboussolé peu de jours après, l’incommodait. Il fallut que Tsang se présente un soir et lui tienne des propos ahurissants, pour parvenir à saisir un peu tenants et aboutissants.


Il m’a parlé d’une…induction…ou quelque chose dans le genre …je n’ai pas trop bien compris…mais cela n’empêche pas qu’une innocente soit morte…m’en voudrai toujours de ne pas avoir pu éviter cela…

Mais d’une façon ou d’une autre, justice fut faite. Les trois tortionnaires d’Isabel Kittredge connurent la fin méritée de main d’un vengeur que personne ne vit ni entendit. Personne n’eut pourtant le moindre doute sur son identité.

*Bonne manière de se prouver être humain...grand bien lui fasse !*

Après tout, cela ne changeait pas grand-chose. Le mal était fait et rien ne pourrait changer cela.

Le nouveau Projet avançait à grands pas. Moins ambitieux que l’énorme dirigeable, le ballon conçu n’offrirait certes pas tout le confort promis mais leur permettrait autant de quitter la Vallée.


Nous partons demain, mon ange…à l’aube. Amelia assure que c’est le meilleur moment …Tout ira bien…Oui, je sais…tu n’aimes pas trop l’idée…

Tout en empaquetant leurs affaires, Sissi avoua avoir parlé avec l’Ayerling et lui avoir confié certaines démarches faites auprès de la Houle, la veille de l’exécution d’Isabel.

Avec un peu de chance elle s’en sera sortie…je le lui souhaite…autant que je souhaite qu’il la retrouve parce qu’il ira la chercher, si ce que dit Tsang est vrai…même si je suis aussi sûr qu’elle le tuera s’il s’approche…Tu ferais la même chose avec moi dans une situation pareille, non ?

Heureusement pour lui, ce n’était pas le cas.

Les premières lueurs du jour éclairaient l’horizon quand Amelia, rayonnante, donna le signal de départ. Lest lâché, amarres coupées, le grand ballon s’éleva. Sissi réfugiée dans ses bras entama une prière. Hélène, verte, essayait de partager l’enthousiasme de son curieux de mari qui se penchait sur le bord de la nacelle. L’expression de Richard était indéchiffrable. Tsang invoquait son Dieu de paix et concorde sans perdre le sourire. Lui, sentit une pointe d’appréhension lui serrer le cœur. Ils survolèrent le village, puis la berge. Il le vit clairement, solitaire, l’Ayerling assistait à leur départ.

*Bonne chance, l’ami !*

Le ballon enfila le cours du fleuve, s’élevant au fur et à mesure dans l’air frais du matin. Amelia contrôlait la direction grâce aux moteurs fournis jadis par l’homme du futur et adaptés au besoin.

Sissi voulut savoir vers où ils allaient. Force fut de reconnaître l’ignorer.

Au gré des vents, ma douce…destination inconnue !
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Sissi

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MessageSujet: Re: Destination inconnue   Destination inconnue EmptyDim 12 Mai - 16:10

Après le dîner de victoire où s’étala le grand projet d’Amelia, les discussions allèrent bon train.
Quelque part, Sissi était heureuse que la soirée se prolonge car, il faut l’avouer, elle craignait un peu le retour du guerrier ! Il devenait de plus en plus difficile, voire ridicule de repousser les doux assauts de son chéri. Même en l’aimant de tout son cœur, l’ex-impératrice refusait une intimité accrue avec son Achille sans qu’une officialisation de leur union n’ait lieu. Par bonheur, le beau Grec ne se moqua pas de ses principes et l’affaire fut rondement menée par le seul officiant en place : Maître Tsang. Pas de tintamarre de cloches, de tapis rouge, fleurs, traîne à rallonge et bijoux pesant cette fois ! Tant mieux, d’ailleurs car, avec l’absence de décorum, cela sonnait nettement plus vrai qu’à son grand mariage avec François-Joseph.  Par cette sacralisation toute simple, elle se donnait à Achille et le recevait pour époux, rien d’autre que la fusion des cœurs.
Les suites furent tout aussi différentes… Franz s’était comporté comme un hussard un soir de beuverie, pas Achille. Il prit tout son temps pour lui faire découvrir les plaisirs de la chair. Oui, chose étonnante pour Sissi, il pouvait ressortir du plaisir de cet acte jugé obligatoire et répugnant jusqu’ici…  
Elle ne devint pas accro au sexe pour autant. D’ailleurs, les conditions de vie au camp ne laissaient guère de temps au romantisme, au contraire. Tout allait à un train infernal de labeur quotidien, tellement intense que les corps ne songeaient qu’à s’écrouler sur le matelas pour y ronfler. Dans la journée, si on ne vaquait pas à de multiples tâches – coudre, coller des toiles, jouer les infirmières auprès des inévitables blessés du chantier, veiller à l’approvisionnement en matières premières pour gens et plan,  s’essayer à la scie, marteau, visseuse, etc – les discussions tournaient invariablement autour du même sujet : le projet !  Ainsi, lors d’un rare moment de relâche, Achille lui détailla les futures installations après qu’elle eut innocemment demandé :

Qu’est-ce que l’on fabrique, au juste maintenant ?

Cabines, salles de bain, cuisine…

Et… ça fonctionnera comment ?  

 Par ce qu’il appelle électricité…oui, je sais, tu connais aussi…moi, non mais c’est rudement utile…une histoire de panneaux solaires…Richard et moi on a pigé trois fois rien…Louis pas beaucoup plus, mais l’idée l’enchante…Roi Soleil…trucs solaires, tu vois bien…

Ouais ! Ce qu’elle voyait surtout c’est qu’il était devenu impossible d’avoir une conversation qui s’éloignait du « dirigeable »
Timide, elle osa tordre un sourire :


Dirigeable ou pas, cette machine ressemble à une galère !  

Il compatit à sa façon mais, au fond de lui – elle en était certaine – Achille n’était pas entièrement convaincu par le « bébé » d’Amelia.

Le temps passa avec ses lots de contraintes devenues leur ordinaire jusqu’au jour où, inspiré Dieu sait comment – Louis eut une idée absolument géniale : le congé hebdomadaire !
Cela changea radicalement l’humeur de tous les travailleurs ainsi que celle de leurs patrons.  

Les tâches parurent plus légères, l’entrain remonta en flèche en l’attente du jour béni de relâche générale.  
Que de bons moments passa-t-elle ainsi en compagnie de son époux ! Qui aurait cru que le héros de Troie possédait une telle sensibilité au fond de son âme, une grande curiosité sur l’humanité, des désirs si simples ?
Hélas, sa qualité de chef le poursuivait encore. Le camp de la Colline le réclama d’urgence.
Sven, désigné depuis longtemps comme son successeur, commença une régence forcée.
Pas mauvais bougre, assez sensible, il commit cependant une terrible erreur peu après le soir d’ l’horreur.
Un orage comme jamais subi éclata de nuit. Seule dans la couche désertée par son mari faisant face à ses obligations, Sissi crevait de trouille.  Elle aurait aimé avoir reçu, comme Isabel, un compagnon poilu qui lui aurait tenu chaud en la rassurant. Hélas, elle ne put compter que sur ses prières, couvertures et oreiller.  


* C’est justice du ciel ! *

Au-delà du crépitement incessant du déluge et des coups de tonnerres effroyablement proches, elle perçut :

AU FEU !!

Tout homme, depuis qu’il existait sur Terre, avait été confronté à la magie de cette force tantôt bénéfique, tantôt fléau.  Quand elle se mettait à ravager, on pouvait prier sérieusement.  
Comme beaucoup surpris dans leur sommeil ou le cherchant, Sissi se précipita dehors.
Le spectacle était hallucinant : une partie du hangar abritant le projet était la proie des flammes !
Malgré les trombes d’eau du ciel, un vrai brasier avait éclaté.


*L’équipe de nuit !!! Hélène !!!*

Comme une folle, insensible à la pluie diluvienne, elle pataugea en courant secourir les ouvriers pris au piège.  Hélène n’en était pas. Elle la croisa sur le même chemin qu’elle :

Tu es sortie ?? Dieu merci !... Louis ? Il est là-dedans ?

Seigneur, il avait pris sa place dans l’équipe !
De longues chaînes de seaux allant des réservoirs jusqu’au brasier s’allongeaient. Les cris affreux que l’on percevait donnèrent encore plus de vigueur encore aux combattants du feu.
On cria
:

ICI ! ILS SORTENT !

Rompant la chaîne, Sissi et Hélène volèrent à l’appel. Toussant, crachant, peu ressortirent.
Le dernier ne fut autre qu’un roi soleil en piteux état. Sissi laissa l’épouse de Louis s’en occuper et se dépensa sans compter jusqu’à l’extinction complète du brasier avant d’aller prêter main forte à l’infirmerie.  
Le bilan était lourd, très, trop lourd : vingt personnes !
Ce qu’il restait ou pas du bébé d’Amelia, franchement Sissi s’en moquait. Elle erra à gauche et à droite, aussi hagarde que la plupart non sans que ses oreilles ne captent des bruits alarmants. Il se disait, sous le manteau, que la milice fraîchement instaurée par Sven enquêtait sur le possibilité d’un acte criminel :


*Qu’il soit pendu, le coupable !*  


Lasse à en mourir, Elisabeth s’octroya deux heures de repos après avoir été, vaille que vaille, consoler veufs et veuves du sinistre.  
Elle sortait de sa tente pour se doucher d’une nuit de suies et boues quand elle surprit une arrestation assez musclée.  Sven flanqué de Richard suivait deux gardes qui traînaient Isabel Kittredge en chemise de nuit. En retrait, Alpha, le mari d’Isabel, tentait de museler la « chatte » furieuse. Malgré sa pauvre mise, Sissi courut vers Richard :


Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi… ?

Hein ? Les preuves étaient là ? Quelles preuves ? De quoi accusait-on Isabel ?

C’est une plaisanterie, Richard !?

Air fermé et mutisme parlèrent pour lui.  
Elle n’osa pas s’approcher de l’Ayerling déjà trop occupé avec Artémis qu’il fallut encager.
Elle réfléchit à la hâte. Pensant que, comme de son temps, entre arrestation et accusation formelle, du temps s’écoulerait, elle osa aller se rafraîchir et se vêtir correctement.
Aussitôt après, elle se mit en quête de renseignements. Tout allait à vaux l’eau. Cantine en pagaille, pleurs, abattements et… discussions :


C’est elle !


On dit qu’elle a cassé volontairement la lampe étrange pour cramer le bazar.

Elle détestait ce projet ! Elle est folle !  

Sissi n’avait pas été sans remarquer le peu d’entrain d’Isabel les jours derniers. N’empêche que la connaissant assez bien, elle l’imaginait mal à en venir à de telles extrémités !  Pourtant… tout semblait pencher en sa défaveur selon la rumeur. Il paraissait même que l’accusée n’allait pas tarder à passer aux aveux.
Quand une Hélène affolée surgit sous la tente où Sissi tentait de rassembler ses idées, ses dires renforcèrent ses doutes. Louis l’affirmait innocente, les engageant la visiter.

Si Isabel était coupable, elle était aussi une comédienne-née. Ses questions, ses appels envers son époux absent, la remuèrent.

Les faits sont là… tous tendent à te désigner… Mais je crois plutôt Louis…
tenta-t-elle de rassurer la prisonnière.  

L’abandon d’Alpha était affreux à subir. Qu’est-ce que c’était que cet « homme » qui balançait sa femme sans remords apparents ?  

Dieu sait si elle se démena avec Hélène et Louis pour convaincre Richard qu’une erreur monumentale se produisait.


Isabel n’aimait pas le projet, ben moi non plus ! Je le supporte parce que… Achille aussi et toi Richard, c’est pareil, avoue !... Aveux ? Elle a avoué ? Quoi, comment ?  

Cela tempêta longuement mais Burton finit par prendre les mesures nécessaires pour qu’Isabel soit « jugée » impartialement suite à des pratiques irresponsables.

Mais que faisait Achille ? Il aurait dû revenir bien plus tôt ! Un messager lui avait été envoyé mais…

Avec Hélène, elle réfléchit parfois :

C’est trop d’injustice, cette pseudo-justice de Sven ! Si Achille n’arrive pas…

Elle imagina le pire qui finit par arriver.
On ne tint pas compte des aveux tirés sous la torture, déjà ça. Louis déposa sur la Bible que seule la foudre était en cause. Rien n’y fit : coupable !  

Il ne restait que quelques heures à la condamnée pour subir son châtiment. L’x-roi de France ne démordait pas sur l’innocence d’Isabel. En cati mini, il dévoila un plan audacieux : une évasion.
Selon lui, si Hélène et Sissi arrivaient à amadouer les gardiens…
Hélas, ceux-ci étaient des femmes. Tout foira.  

Restait une ultime visite à la condamnée. Sissi eut un mal fou à retenir ses larmes quand Isabel lui remit son alliance d’or, « cadeau » de son soi-disant époux si absent pendant ces heures pénibles.
On se dit des adieux très douloureux. Mais…


*C’est impossible !*

Jamais Sissi ne tolérerait telle infamie.  Le soir même elle plongea dans le fleuve complice.
Celui que l’on nommait la Houle ne se manifesta pas. Trop loin, trop ou pas assez intéressé, il ne vint pas. Néanmoins, Sissi utilisa le langage issu d’on ne sait où pour hurler à chaque créature des lieux :


Au lever du soleil, une femme sera lestée dans nos eaux. ÉPARGNEZ-LA !!

Marchera, marchera pas ? Elle pria beaucoup jusqu’à l’aube fatale.  
Les derniers  mots de Mrs. Alpha sur sa planche de plonge – durs, fustigeant - ne s’adressèrent qu’à son pseudo mari qui assista à tout sans broncher, détaché.


Elle pleura longtemps en se jurant que si Achille démontrait un jour une telle attitude envers elle, elle l’expédierait aux enfers illico.  Elle en voulait à beaucoup de leur manque de discernement. Elle battit froid Amélia en raison de son détachement de cette cruelle affaire. Le projet était ruiné, et alors ? Qui s’en plaindrait sinon elle ?    
Et il fut enfin de retour, son amour, celui dont elle se désespérait. Elle le sut par des échos perçus au hasard d’une de ses errances au camp. Qu’il ne soit pas directement venu la concerter lui fit mal, très mal.


*Décidément, les hommes ne changent guère… Les femmes comptent pour du beurre, comme d’hab !*

Fréquenter des femmes « modernes », telle Isabel et Amelia ainsi que d’autres dégotées par hasard, lui avait donné certaines idées dont toutes ne plairaient  sûrement pas à son mari…  

Quand enfin il lui fit grâce de sa présence, elle tut des reproches cinglants.  Que faire d’autre sinon lui narrer les faits tels quels ?


On l’a torturée d’ignoble façon pour lui faire avouer n’importe quoi. Son déni du projet a pesé lourd dans la balance… Je te signale que, moi non plus je n’aimais pas ce « bébé » !

On s’en tint là avec regrets et remords.
Amelia, avec le peu sauvé du hangar, tenait toujours à un projet revu et corrigé. Cela occupa mains et esprit, au moins…
Ce qui gâchait surtout l’ambiance était l’Ayerling. Beaucoup de portes se fermèrent à son nez, conséquence de son inaction envers sa femme que Louis démontra finalement innocente.
Quelque chose avait changé chez Alf après un plusieurs passages chez Tsang. Quoi ? Bonne question ! Même le « chat » l’avait abandonné ; tous lui tournaient le dos. Il faisait peine à voir.
Peu avant l’envol prévu, Elisabeth ne put lui cacher sa tentative envers la Houle, juste de quoi lui redonner espoir que, peut-être, Isabel ait survécu.  
Elle l’avoua à son mari en lui confiant ses peurs sur cet envol vers l’inconnu.
L’aube claire réunit un public nombreux. Nul ne voulait rater le décollage de cet étrange ballon gonflé d’air chaud dont l’enveloppe s’ornait de motifs solaires.  


Où allons-nous ? s’écria-t-elle  verte en s’accrochant à son fort époux.

 Au gré des vents, ma douce…destination inconnue !

Belle affaire !
Très vite, il apparut que le ballon ne suivrait que le cours du fleuve. Amelia ne sut expliquer ce phénomène.
À quelle hauteur était-on, à quelle vitesse progressaient-ils ? Des estimations s’émirent, sans plus.  
Lâchés à la fantaisie des éléments, les voilà fins !  
Vu d’en haut, le paysage était extraordinaire.  Jamais ils n’auraient imaginé que le fleuve puisse être nanti de tant de méandres. Tantôt ils allaient plein sud, puis par un brusque coude, ils filèrent plein nord.
Beaucoup de forêts bordaient le fleuve. Ils virent des groupuscules humains ici ou là, la plupart en train de s’entretuer, hélas. Parfois on leva la tête vers eux ; certains les saluèrent, d’autres leur lancèrent flèches, javelots, cailloux…  

Partout le même chaos. Mais à sinuer ainsi, on va se retrouver au point de départ à ce rythme, se risqua-t-elle à chuchoter à l’oreille adorée.

Quoiqu’Amelia et Richard tentent pour modifier le cap, le fleuve les « téléguidait ».
Ils errèrent jusqu’à l’approche du soir. Hormis les vomissements intempestifs de celui nommé de plus en plus souvent Loulou, on ne déplora que quelques inconforts… féminins. Manger, boire en compagnie, va et passe. Uriner était autre chose…
Sissi se vit tendre un récipient de secours par Léontine. Elle l’écarta. Plutôt se faire dessus que de s’abaisser devant tous. Avec ses remèdes de sorcière, la compagne de Tsang parvint à maîtriser les ardeurs vésicales féminines.  Les hommes, évidemment, ne connurent pas ces déboires intimes.    
Enfin, jouant des manettes et leviers, Amelia entama la descente vers la terre ferme.
Sitôt touché le sol, les dames s’égayèrent dans la nature s’y soulager, belle course qui fit rigoler les hommes !  
Au moins avaient-ils aménagé un peu l’environnement quand elles s‘y pointèrent de nouveau.
Bien calée dans les bras d’Achille près du feu de bivouac, Sissi soupira :


Pas de doute, je préfère le plancher des vaches, même si on n’a pas vu ces ruminants !

On rit, cela fit du bien.
Où en était-on au juste laissa un flottement. Calculs savants – incompréhensibles aux profanes – les déductions étaient similaires : nul ne savait !
Les fameuses conserves de Louis furent de bon aloi et consommées avec modération. Pas de Pierre repérée alentours ; ils verraient au matin
.  

Bien nichée au creux des bras de son mari, dans un abri de toile « moderne » - cadeau d’adieu de l’Ayerling- Sissi ne put s’empêcher de ronronner :

Finalement, c’est pas si moche que ça… J’avoue avoir cru être foudroyée dès le décollage… Ça change beaucoup de ne rien faire les trois quart du temps !... Curieusement, il m'a semblé que... Toi aussi?... C'est étrange cette impression d'avoir déjà vécu cela, non? ... Bien sûr, ça, ça ne change pas, ni maintenant, ni jamais: je t’aime !

Tôt le matin, ils se rafraîchirent sommairement et explorèrent les environnements immédiats à la recherche d’un caillou, surtout.
Point de Pierre dans le secteur mais la chasse fut bonne. Louis et Hélène ramenèrent deux lièvres, Richard et Achille une espèce de porc sauvage. Les bestiaux furent débités et préparés rapidement. Ils avaient de quoi tenir plusieurs jours avec ces provisions. Amelia et Sissi s’étaient occupées de l’eau.
Ce n’était pas facile pour l’impératrice de converser comme si rien avec l’aviatrice. Les opposait la question « Isabel ». Son innocence établie clairement, Amelia semblait lui conserver une certaine rancune.
Penchées sur une rivière, elles remplissaient les outres quand, mue par Dieu sait quoi, Sissi dit simplement :


Ce ballon me plait bien plus que l’autre…

La réaction d’Amelia fut jugée hors norme. Choquée, Sissi répliqua :

Oui, Isabel a volé du matériel, ralenti la construction, et alors ? Moi non plus je n’aimais pas ce projet !... D’accord, je n’ai rien fait contre mais…

Rien à faire, Amelia était butée, allant jusqu’à se réjouir de la disparition e la jeune femme.
Sissi prit la mouche :


Eh bien moi, j’espère qu’elle s’en est sortie, que la Houle m’a obéie !... Bien sûr que je l’ai appelée !

Houla ! Miss Earhart en rajoutait. Sissi coupa net en achevant sa tâche :

Tu es fatiguée Amelia, à cran depuis des mois ! Essaye de te décharger sur plusieurs d’entre nous au lieu de vouloir tout diriger toi-même. Tu en as besoin, crois-moi !

L’incident n’eut pas de suites immédiates.  
Cependant, au nouveau décollage, Sissi vit avec plaisir Amelia apprendre à Richard comment fonctionnaient certains instruments de bord.

La navigation resta identique à celle de la veille. Des relais s’opéraient à la surveillance des bidules électriques. Il fallait éviter les surtensions.
Qui aurait pu prévoir que leur trajectoire croiserait celle d’un vol compact d’oiseaux étranges ?
Repérée de loin, grâce à Louis qui s’amusait avec des jumelles identiques à celles d’Alpha, la masse se dirigeait droit sur eux. Ils eurent beau tenter de modifier le cap, l’altitude, rien n’y fit.
Qui cria « aux armes » ? Pas elle, en tout cas !
Arcs, arbalètes et javelots se pointèrent contre l’ennemi qui leur fonçait dessus.
Insensibles aux traits qui en abattirent quelques uns, ces volatiles au long bec dentu et serres aiguisées poursuivirent leur progression. L’impact fut d’une violence inouïe.
Piqûres, lacérations multiples endommagèrent l’enveloppe. Un panneau vola en éclat.
Bataillant avec tout l’attirail emporté, les aéronautes en perdition se virent infligé nombre d’égratignures par les monstres volants. Quelqu’un faillit tomber de la nacelle.  Il fut rattrapé mais la dégringolade était incontournable.
La brutale perte d’altitude les soustrait à l’attaque mais trop de dégâts empêchaient la normalité.
Ils churent…
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Achille, héros de Troie

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MessageSujet: Re: Destination inconnue   Destination inconnue EmptyLun 1 Juil - 15:06

Voler ! Drôle d’idée. Amelia avait un jour assuré, tout émoustillée, que de son temps les gens volaient par pur plaisir. Pour Achille cela restait à revoir. Lui était un type terrestre, il aimait avoir les pieds bien plantés sur un sol ferme. Cette sensation de voguer doucement sur un nuage ne finissait pas de le convaincre et ne le ferait sans doute jamais. Son penchant, très légitime pour un grec, à la tragédie, prêtait à cette aventure une fin malheureuse, mais fidèle à l’image qu’on avait de lui : celle de guerrier audacieux n’ayant connu de crainte, il tut ses appréhensions.

À quoi bon en rajouter une couche, d’ailleurs ? Tous, sauf Amelia très dans son élément, étaient, en divers degrés, aussi remués que lui. Bon, il y en avait qui l’étaient plus. Sissi voulait sembler courageuse  mais il savait bien qu’elle aurait bien préféré se trouver ailleurs. Hélène ne départait pas de son expression  paniquée, s’accrochant à son mari, craignant, entre autres, de le voir passer par-dessus bord poussé par sa perpétuelle curiosité. Certes, il y avait pas mal à voir de ce monde d’en bas. En tout cas, Louis était un joyeux compagnon, s’il avait peur, le roi le dissimulait courageusement. Richard demeurait inscrutable mais pas ravi pour autant. Définir ce que pouvait sentir Tsang se révélait ardu, le moine arborait un masque de placide bonheur  tandis qu’à ses côtés Léontine, plus expressive, ne cachait pas trop bien ses peurs.

Passé  l’émoi d’affronter l’incertain, le vol ne résultait pas désagréable. Ils flottaient, tout simplement, sans ballotements.  L’engin conçu par Miss Earhart était merveilleusement stable.  Ce premier jour, on vogua gentiment, suivant le cours du fleuve.

*On ne devrait pas monter un peu plus et dépasser les sommets ?*
 
Suivant attentivement, quoique de loin, les manœuvres effectuées, Achille finit par supposer que quelque chose les empêchait d’aller au-delà de ce cours limité au fil de l’eau. Il se garda ses réflexions et fit comme tout le monde : regarder le paysage qui se déroulait à leur passage. L’activité était distrayante, sans plus, mais au bout de quelques heures cela devint lassant. Ce qu’ils virent ne les surprit pas trop. Comme ils l’avaient fait, d’autres s’étaient plus ou moins établis sur les berges, par ci en toute paix, par là en plein conflit. Somme toute, rien d’anormal, la nature humaine restait immuable.
 
Partout le même chaos. Mais à sinuer ainsi, on va se retrouver au point de départ à ce rythme, lui chuchota Sissi.
 
En effet, d’un méandre à l’autre de ce serpent liquide, ils changeaient vertement de cap.
 
On ne déjoue pas les Dieux si facilement, laissa t’il tomber avec un sourire en coin, on verra bien où ça nous mène.  Laissons que le capitaine nous surprenne…elle semble être la seule à savoir que faire.
 
Fielleuse remarque. Il se sentait relégué à l’état de quantité négligeable, sans avoir mot dire ni droit de toucher aux précieux instruments qu’Amelia jalousait comme lionne ses petits.

À la fin de ce premier jour d’errance, Amelia posa son joujou en douce et on apprêta le bivouac.  Monter les tentes, cadeau de l’homme du futur, fut affaire d’un instant. Il devait avouer que ce genre de « modernité » n’était pas pour lui déplaire, un peu de bon confort après une journée à bayer aux corneilles n’était pas désagréable.  Louis s’installa aux fourneaux pour le repas du soir aidé de sa chérie. Tsang et Léontine, inséparables, vaquèrent à la recherche d’herbes. Richard fumait, silencieux tandis qu’Amelia s’échinait à des calculs incompréhensibles pour les non-initiés.  Ils se réunirent autour du feu, le bilan du jour fut sommaire. Miss Earhart s’en chargea et laissa clair en peu de mots que des courants étranges, inversés, contraires ou ce qu’on voudrait les retenait de quitter le cours du fleuve.

*Comme si ne s’en était pas rendu compte !*
 
Mais encore là, il préféra se taire et serrer son seul trésor contre lui.
 
Et toi, mon ange…qu’en dis-tu ?
 
Sa réponse fut franche et ne manqua pas d’humour.
 
Pas de doute, je préfère le plancher des vaches, même si on n’a pas vu ces ruminants !
 
L’ambiance se détendit, on rigola de bon cœur d’autant que tous étaient d’accord, sauf bien entendu la chef d’expédition qui tira la moue.  On aventura maintes hypothèses mais le résultat restait du tout au même : on nageait dans l’ignorance la plus totale.

Plus tard, à l’abri de leur tente, il parla enfin.
 
Sincèrement, sais pas où ça va finir ni comment. Amelia peut savoir beaucoup de choses mais là, elle est aussi perdue que nous.
 
Finalement, c’est pas si moche que ça…
 
Tiens ! Ce n’est pas l’impression que tu donnais ce matin, la charria t’il, amusé.
 
J’avoue avoir cru être foudroyée dès le décollage.
 
J’ai pas trop aimé, non plus…autant que le reste n’est  très amusant.
 
Ça change beaucoup de ne rien faire les trois quart du temps !
 
Tu peux le dire, suis pas habitué à être considéré comme un inutile…je pensais que ce serait différent !
 
Elle suivait parfaitement le décours de ses pensées. Une affinité qui n’avait pas cesse de s’accroître avec le temps.
 
Curieusement, il m'a semblé que...
 
C’était autrement « avant » ?
 
Toi aussi?... C'est étrange cette impression d'avoir déjà vécu cela, non?
 
Il flatta sa joue avant de l’embrasser doucement.
 
Étrange peut-être mais d’autre part rassurant…tu es là…tu étais là et tu y seras toujours, n’est-ce-pas ?
 
Sa réponse le ravit, enflammant ses sens.
 
Bien sûr, ça, ça ne change pas, ni maintenant, ni jamais: je t’aime !

Tu es ma vie !
 
Le lendemain, retour au côté pratique de l’histoire.  La veille ils n’avaient pas trouvé de Pierre aux alentours, poussant un peu les recherches, ce matin-là, on dut convenir qu’ils devraient s’en passer et aller plutôt aux provisions.

Richard était le compagnon idéal pour chasser. Silencieux et alerte. Achille n’en demandait pas plus, étant lui-même de nature assez taciturne.  Chacun sachant que faire, ils ne tardèrent pas à tomber sur une proie de choix. Une bête semblable au sanglier qui fut efficacement abattue sans plus de préambules.

Vidons-le ici pour ménager nos dames et nos épaules, conseilla l’anglais.
 
Bonne idée.

Couteaux d’os de monstre en action, la bête fut rapidement étripée et vidée de ses entrailles.
 
Faudra rapporter les tripes ou Loulou va nous étriper, nous.
 
C’est bon.
 
Mais pour une fois, Richard semblait avoir envie de bavarder un peu.
 
Excuse de demander, tu l’as trouvé comment, ce vol ?
 
Mieux que prévu, dit-il, se gardant pour soi ce qu’il pensait vraiment.
 
Ouais, c’était bizarre mais au moins personne n’a dégueulé !
 
Ah ? Parce qu’on devait s’y attendre ? Enfin, Amelia ne s’est jamais étendue sur ce point. Sur aucun en fait et parlant de ça, tu ne penses pas diriger cet engin, toi aussi ?

Point algide. Moue ironique, l’explorateur riposta.
 
Prendre les commandes ? Tu rêves ! Suis trop nul, je pense.
 
Burton se supposant une nullité en quelque chose ? Ce n’était pas habituel. Ça clochait de partout. Mais il soutint mordicus que celui-là semblait être bien l’avis de sa miss.

Je pige pas trop qu’elle fasse plus confiance à ce bridé antique plutôt qu’à nous.
 
Achille hocha la tête, compatissant.
 
Normal qu’ait ses doutes sur mes capacités et peur de celles de Louis. Tsang est un puits de savoir, un esprit élevé, va savoir.  Et sans vouloir être indiscret, mais j’ai remarqué qu’entre vous, ça ne marche plus comme avant…Ça s’est refroidi ?
 
Le comble. Lui qui taxait Louis de vieille commère quand il osait faire un commentaire sur la vie des autres et le voilà lancé sur la même voie. Il se maudit de son peu de tact mais Richard ne releva pas, disant d’un ton…attristé ?

Froid ? Non, tiède. C’est… complexe.  
 
*Ferme la et occupe-toi de tes oignons !*
 
On ne parla plus. Bête évidée, ils se lavèrent un peu à la berge proche avant de retourner  au campement. Elisabeth vaquait tranquillement à ses occupations en bavardant avec Léontine mais il crut détecter une ombre de reproche dans son regard. Il était de nouveau parti sans rien dire, préférant la compagnie de Richard pour la chasse.

On a fait une belle prise et j’ai trouvé ça au rivage…j’ai pensé qu’il te plairait !

Il lui tendit le coquillage rose et nacre, torsadé en fine spirale. L’éclat de ses yeux l’absolvait de toute faute. Louis fut ravi avec le porc sauvage et promit un banquet pour le soir. On le crut volontiers surtout quand plus tard des effluves succulents émanaient de « la cuisine ».

Ce fut une joyeuse réunion, presque comme celles d’avant, quand ils étaient encore à la Colline.  Faire des projets n’entrait pas en ligne de compte, personne ne sachant ce que leur déparerait le lendemain.

Tous furent plus ou moins surpris quand à l’heure de prendre la voie des airs, Amelia sollicita l’attention de Richard pour lui expliquer le maniement des outils de navigation. Mine de rien, on tendit le cou et prêta oreille attentive. La chose ne semblait pas si compliquée que ça mais même ainsi Achille redoutait d’y mettre la main dessus, il laisserait ce loisir à Louis qui trépignait d’impatience.

*Curieux comme un chat, celui-là*
 
Ce qui ne voulait pas dire qu’il ne l’admirait pas  pour sa bravoure depuis longtemps prouvée, le guerrier craignait seulement que tant de curiosité ne l’emporte sur la juste mesure. Dès que les instructions tout nouvellement acquises de Richard furent partagées, le premier à se lancer sus aux fameuses manettes, fut bien entendu le Quatorzième du nom.

Bon sang, fais gaffe avec ce que tu fais, Louis, grommela t’il en lui posant la main sur l’épaule, ce truc est sensible…Amelia l’a dit.
 
De quoi l’autre semblait se ficher comme d’une guigne.  Richard étendit les explications sur l’usage de ceci ou cela, l’utilité d’une telle manette ou le pourquoi d’un tel bouton. Le panneau de contrôle était un assemblage précis et parfaitement calibré, à la moindre dysfonction, des clignotants s’allumaient et un signal d’alarme perçant s’émettait. Apparemment celui qui avait créé cela l’avait fait en pensant aux improbables manipulations des ignorants de services. Pas d’alarme perçante dans le cas de Louis, mais une lumière orangée clignotant par intermittence au lieu de rester en vert.

Bas les pattes, Loulou…s’il se trouve, on se fiche en l’air…laisse-moi regarder plutôt.
 
Il se contenta de suivre les indications de Burton qui, sourire en coin, suivait leur manège avec résignation. Pour si jamais, l’impavide Tsang n’était pas bien loin. Amelia, délestée volontairement de ses obligations était allée se reposer, ce dont elle semblait avoir drôlement besoin. Vint le tour de ce dames, car selon Richard, tous à bord devaient savoir à quoi s’en tenir en cas d’urgence. Il ne savait pas si bien faire, l’explorateur anglais.

L’Urgence se présenta sous la forme la plus inusitée : des oiseaux. Pas n’importe lesquels. Ceux-là semblaient arrachés d’un cauchemar avec ces longs bec dentus et ces griffes monstrueuses. Énormes créatures qui volaient tout droit sur eux. 
 
Faut les détourner…tirons leur dessus…si on abat celui qui est en tête peut être que…

Dans le meilleur des cas, le meneur abattu, la formation s’égayerait affolée. Cela devait marcher avec les étourneaux communs mais là, plus ils en descendaient, plus les autres serraient les rangs en fonçant, impitoyables. C’étaient eux qui perdaient un peu la tête. Amelia tirée en sursaut de son repos  chercha à dévier le cours. Inutile.  Les monstres volant faisaient de même. La rencontre fut éprouvante.  Flèches, couteaux, javelots, tout s’employa pour contrer l’attaque.  Ils se défendirent vaillamment mais les bêtes étaient hargneuses. Griffés, mordus, perdus, tout comme l’enveloppe du ballon qui émettant un  sifflement prémonitoire laissait échapper de l’air chaud. Louis retint Sissi quand elle basculait, lui, attrapa Louis.  Les manœuvres d’Amelia parvinrent à stabiliser le vaisseau des airs en perdition mais tous savaient que cela ne suffirait pas. Ils tombaient. Ils s’étaient défaits des attaquants mais leur destin semblait signé.  Il serra sa femme dans ses bras espérant lui offrir quelque protection.
 
Tiens bon, mon amour !
 
La brutalité du choc  les lança de tous les côtés.  À moitié assommé il se trouva à beugler le nom de sa chérie, qui, pour son bonheur répondit en apparaissant entre la végétation. Peu importait le reste, elle était là.
Plus ou moins écorchés, tous répondaient  à l’appel. On allait s’en réjouir quand Amelia après quelques mots ressemblant beaucoup à des excuses, s’effondra comme une masse dans les bras de Richard. Arrêt sur image. Elle était le moteur de cette aventure, la seule qui savait comment s’y prendre…De quoi céder un peu à la panique mais déjà Tsang prenait l’affaire en main, ce pour quoi il fallut encore écarter Richard qui ne voulait pas lâcher sa belle.

Calme-toi, mon vieux…ça va aller…Tsang s’en charge !
 
Facile à dire, d’être à sa place, il aurait fallu l’assommer pour lui prendre Elisabeth des bras. Richard faisait de la peine à voir, encore plus quand le moine livra son diagnostic.
 
Fêlé crâne est… Science et repos, beaucoup faudra si feu réchauffe…
 
Autant ne pas perdre du temps ! Tous y mirent de leur part et Amelia ne tarda pas à être réchauffée, installée avec tout le confort qu’on put lui fournir. 

On bâtit le campement autour…Mesdames, je vous sais secouées mais…là, on se bouge ! Richard, part de l’enveloppe peut servir comme tente, cela rendra plus aisée la circulation…
 
Ils firent et défirent pour parvenir à un campement confortable, surtout pour la blessée puis tout l’émoi tassé il fallut se rendre compte que quelqu’un manquait. Louis.  Il s’en voulut à mort de ne pas avoir remarqué sa défection quoiqu’en y pensant bien…
 
Il a pris une arbalète, il y a un moment quand tout s’est calmé…il a dû aller chasser…
 
C’était une option acceptable, tous s’occupèrent à faire le bilan de ce qui restait de leur « naufrage » et s’aménager de la meilleure façon. Leur séjour, vu l’état d’Amelia risquait de durer un certain temps.

J’aurais dû prévoir qu’il allait faire n’importe quoi…on le connait, se reprochait Achille une fois à seules avec Sissi, à l’abri de leur tente, Loulou est du genre impulsif…mais là, il tarde, le bougre…et cette idiote d’Hélène, incapable de dire quoique ce soit…

Doux reproche, Sissi n’agréait pas son animosité envers la blonde. Il essaya de se calmer, et penser à autre chose, question de trouver un sommeil qui ne sut pas venir. L’aube pointait à peine quand il fut hors de la tente. Ressusciter devait lui avoir ramolli cerveau et cœur mais voir Hélène pâle comme la brume qui l’entourait, parvint à l’émouvoir. Sans besoin de demander, il sut : Louis n’était pas revenu.  L’expression de Richard quelque peu plus tard n’arrangea rien. Amelia ne réagissait pas.

On va chercher Louis…Tsang  et Léontine restent avec Amelia…Richard, si tu veux, tu peux aller avec Hélène vers le Sud…Sissi et moi on va vers le Nord…
 
Ainsi fut fait. Et cela dura ce que cela dut durer. Sissi et lui battirent la campagne environnante à s’en fatiguer, toujours aux aguets, chaque instant qui passait plus tendus. Louis semblait avoir disparu pour de bon. Ils avaient à peine relevé quelques traces de son passage. Le 14ème du nom était un chasseur accompli et savait dissimuler sa présence.

Mais là, il a fait fort…comment peut-on s’enfumer de la sorte ?
 
La journée avançait sans qu’ils n’aient rien trouvé. De quoi désespérer. La seule chose qui rassurait, si possible, Achille était le fait de ne pas avoir trouvé jusque-là trace de lutte ou rencontre avec une bête sauvage. Mais sans le dire, trouver tôt ou tard un tel indice le crispait d’angoisse. Aucun besoin d’en parler, il savait que sa chérie couvait la même crainte, c’est bien pour cela que  quand au sortir du sous-bois ils tombèrent pratiquement sur l’objet de leur quête, les deux restèrent comme deux ronds de flan.  Louis au teint cireux, l’œil vague  avait l’air assez mal en point mais avança vaillamment en l’appelant par ce surnom ridicule qu’il affectionnait tant : Chichille.

Bon sang, Loulou…on était fous de préoccupation !
 
Mais déjà sa Majesté chancelait. Il le cueillit sans problème et ce n’est qu’en ce moment qu’il remarqua les trois individus surgis des buissons qui en toute évidence suivaient le roi. Réaction automatique, Sissi les mit en joue de son arc tendu.
 
Pas un pas de plus ou elle vous troue la peau…Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? Pourquoi suivez-vous Louis ?

Entre temps, le sifflement convenu pour rallier Burton fut émis. Ils n’étaient pas bien loin car deux minutes plus tard Hélène déboulait sur les lieux, hagarde et se précipitait sur son chéri qui pour alors voguait dans les limbes.

Il est vivant…pas d’une pièce mais vivant, la rassura Achille, faut demander à ces trois ploucs ce qu’ils ont à voir avec tout ça !
 
Les trois en question ne semblaient pas le moins du monde intimidés et livrèrent, sans contrainte, leur version de l’histoire. Louis avait une jambe cassée, on l’avait soigné mais il avait préféré filer chercher ses compagnons. Ils l’avaient suivi de près, s’admirant de sa résistance mais surtout curieux de voir où il les mènerait. Ils étaient servis et les suivirent tranquillement à leur retour au camp.

Tsang prit soin de ramener Louis de ses limbes, mit des éclisses à sa jambe et après une potion réconfortante, tous écoutèrent ce que Sa Majesté avait à raconter. Et l’histoire ne fut pas des moindres.
 
Retrouvailles familiales, un royaume parfait, un château-palais, une société civilisée. La tentation était forte. Ils y cédèrent.
 
Sais pas trop ce que ça va donner mais en tout cas avoir un toit solide sur nos têtes et de la terre fermes sous nos pieds me convient parfaitement…sans dire que ce lit est merveilleusement confortable !, assura Achille en riant alors que Sissi parcourait, ravie, leurs nouvelles installations.
 
La royale demeure du roi Henri en avait surpris plus d’un. La plus solide et somptueuse construction qu’ils n’aient jamais vue depuis leur résurrection. Un véritable château-fort  nanti de tous les raffinements souhaités, cela grâce à la présence entre les habitants du coin, de gens venant de temps plus avancés que celui du monarque régnant, issu, lui, de la fin d’un Moyen-Âge assez obscur.

Ils avaient été accueillis à bras ouverts par ces gens charmants, installés comme hôtes de choix et traités avec la conséquente déférence. Achille demeurait, n’empêche sur ses gardes. Tant de perfection et harmonie étaient, à son avis , toujours dignes de quelque suspicion.

Et cela avait commencé à avoir un sens le soir même de leur arrivée, lors du banquet royal ou ce cher Henri leur dispensa une chaleureuse bienvenue.

 Je lève ma coupe et proclame que ces huit personnes sont intouchables.  Gîte, couvert et soins leur sont accordés à vie ! Vive les rois, vive les reines… princes et consorts.

 À part être l’antiquité par excellence des lieux, honneur partagée avec Hélène, il était aussi un prince consort, tout autant que Richard ce qui ne le gênait pas le moins du monde. Ce qui le fit se rebiffer de plus belle fut les regards appuyés dont le vert-galant de service couvait Sissi.
 
*Il se prend pour qui celui-là ?*
 
En toute évidence le royal barbu à l’accent impossible se sentait dans le plus légitime des droits en faisant du charme à ses invitées, sans se soucier de son joli bout de femme, qui de son côté ne semblait connaître ni timidité ni mesure, si on tenait en compte des œillades enjôleuses décochées à Louis…et en passant à Richard et lui-même.
 
*On s’ennuie à la cour ?...la nouveauté tourne des têtes ?*
 
Raison reconnue, avec un sourire compatissant par le brave homme assis à sa gauche.
 
N’en prenez pas ombrage…l’ambiance est très conviviale, ici. Henri ne fait preuve que d’un exquis bon goût, Sa Majesté Impériale Elisabeth d’Autriche est une femme magnifique…je l’ai connue, de mon temps, à Genève, hélas peu de temps avant son assassinat…

Oui, c’est une femme magnifique mais le cas est pour les effets que maintenant c’est ma femme…et que je n’aime pas qu’on la regarde de la sorte. De mon temps, un affront pareil se lavait avec du sang.
 
Si vous êtes vraiment celui que vous prétendez je souhaiterai beaucoup de chance à Henri.
 
Là, il fronça les sourcils, ombrageux.
 
Je ne prétends rien…je suis bien Achille, fils de Pelée !
 
La main de Sissi sur son bras le calma, oubliant son interlocuteur, il se tourna vers elle.

J’en ai marre de ces simagrées…on peut s’en aller ?
 
Non. On ne pouvait pas. La bienséance exigeait d’attendre que le roi soit le premier à quitter la table, ce qui n’était pas près d’arriver. Louis, en tournure diplomatie-parentale, s’en donnait à cœur joie. La vivacité de ses répliques, l’humour ironique, les remarques plus ou moins perfides dissimulées avec élégante ruse, étaient un plaisir. La vie à la cour du roi Henri promettait bien de joies !

Profitant de tant d’attentions et gentillesses, on pria le roi d’avoir de l’aide pour rapatrier les restes de leur aérostat. Faveur accordée avec royale grâce.  Achille commanda l’opération, secondé à merveille par son épouse chérie et une escouade de costauds.

L’appareil comme tel, éveilla l’admiration de tous. L’équipement en soi, laissa ébaubi plus d’un. Certains détails trop modernes pour être compris, demandèrent beaucoup d’explications. La seule qui aurait pu les donner demeurait, encore et toujours, en état stationnaire, assistée par quelques glorieuses éminences, Tsang entre elles. On désespérait de la voir s’éveiller. Richard faisait de la peine à voir.
Achille n’était pas précisément le champion des relations humaines mais savait quand même comment s’y prendre avec un ami en détresse.

Tu dois prendre de l’air de temps en temps quand même…Amelia est soignée et surveillée…allons chasser, cette atmosphère m’étouffe un peu !
 
Richard en convint. Personne ne trouva à redire qu’ils quittent le château, sans escorte.
 
J’en ai un peu ras le bol, là-dedans...toi pas ?...Je sais, on soigne Amelia avec tous les moyens à bord…Elle va se remettre, Tsang en est sûr…Euh, pour moi le bridé vaut toutes les éminences réunies… Ouais, pas à dire, suis l’antiquité du coin…mais je pige ce qu’on doit piger, suis antique mais pas foncièrement idiot…si le tel Henri continue de reluquer Sissi de la sorte je le renvoie là d’où il vient !
 
Pour deux hommes qui n’étaient pas trop portés à la conversation, ça alla bon train ce jour-là.  La situation leur convenait  sans leur convenir vraiment. Ils étaient là juste parce qu’un accident inattendu les y forçait,  autrement ils seraient passés de large sur le royaume d’Henri.
 
Le temps change…faudra croire que cette folle qui tient lieu de reine a raison : fait plus froid, regarde ces nuages…moche, j’aime pas ça ! Si c’est vrai qu’un hiver nous tombe dessus on n’est pas près de partir…

Richard observa les nuages, fut d’accord sur le froid et opina pour le reste, sans trop d’entrain, faut le dire. La chasse fut bonne : un daim et un sanglier.

Le pronostic du temps terriblement exact. Cette nuit, la température chuta dramatiquement. Le lendemain matin, en se réveillant, tous eurent la surprise de découvrir qu’il avait copieusement neigé pendant la nuit.

Nous sommes piégés ici, impossible d’aller où que ce soit…je n’ai jamais vu autant de neige de ma vie…présente ou passée.

Lovée dans ses bras, Sissi, rit. Pour elle, la neige n’était aucune nouveauté. Ce qui est plus, cela la ravissait, lui remémorant son enfance en Bavière.
 
Ben, chez moi, c’était rare…très rare et encore…mais si ça te plaît…ça me plait aussi !
 
Cela sonnait tout bête mais il commençait à se découvrir un cœur plus tendre que voulu, le bonheur de son Elisabeth comptait plus que n’importe quoi d’autre au monde.

Et cela ne faisait que commencer, l’hiver.  Ce qui réduisait la vie à la cour à se voir à longueur de journée, subir les humours royaux et essayer de les accepter en tant qu’hôtes sans autres ressources. Louis palliait au mieux le caractère de son ineffable grand-père tout en sauvegardant l’honneur de ces dames et prémunissant la paix ambiante.


Dernière édition par Achille, héros de Troie le Jeu 16 Oct - 15:19, édité 2 fois
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Sissi

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MessageSujet: Re: Destination inconnue   Destination inconnue EmptyVen 5 Juil - 20:28

Tiens bon, mon amour !

Elle s’accrocha au seul être de ce monde en qui elle avait totale confiance, et pria. 

Pour un cauchemar, c’en fut un que cet atterrissage en catastrophe. Tout fut en miette, à peu de chose près. Eux, en tout cas, s’en sortaient plus ou moins indemnes.

Après la stupeur de l’accident, il apparut que la plus affectée était la conceptrice même du projet insensé. Si Amelia n’avait pas émis tant de sincérité dans son mini mea culpa pré évanouissement, peut-être que Sissi se serait réjouie de ce qui lui arrivait. Là, elle fut presque honteuse d’avoir houspillé l’aviatrice même si les résultats de leur conversation privée avaient porté leurs fruits.  
On s’occupa de la blessée du mieux que l’on put, non sans penser à « sauver les meubles ».
Richard voguait entre deux eaux, Achille rassemblait le troupeau. Elle et Hélène, incapables de décisions concises, obéirent machinalement. Louis… ?
Ce fut Burton qui, au grand dam de tous, remarqua son absence. Les uns après les autres, un peu hagards, ils évoquèrent leurs souvenirs :

  Il a pris une arbalète, il y a un moment quand tout s’est calmé…il a dû aller chasser… dit Achille.

Marrie, Sissi n’eut rien à dire.
Plus tard, dans l’alcôve bâtie vaille que vaille, L’impératrice reçut les confidences de son époux qui se lamenta de n’avoir rien deviné des intentions du 14ème et qui, évidemment, remit tout sur le dos de celle qu’il « adorait » :


 … et cette idiote d’Hélène, incapable de dire quoique ce soit…

Je t’en prie, mon amour, ne parle pas d’elle ainsi !  Je t’assure qu’elle est différente de celle que tu as connue à ton époque et de celle décrite dans les histoires qui me sont parvenues. Hélène aime vraiment Louis mais elle a été choquée par tout ce qui nous est arrivé, d’où ses trous de mémoire...

Au matin, Louis n’était hélas pas rentré. Achille organisa les recherches avec détermination.

*Il l’aime, ce Loulou… *

En d’autres circonstances, elle aurait volontiers taquiné Achille à ce sujet. Quoique Louis soit agaçant voire parfois débile, il était attachant et Achille, sous des dehors revêche, avait succombé aux charmes du roi-soleil.  

En compagnie de son époux, Sissi en parcourut du chemin. Plus fermé qu’à l’ordinaire, Achille chercha le moindre indice, la plus infime trace sur le disparu. Elle se tracassait également mais le Grec semblait déjà songer au pire. Elle tenta de calmer son énervement :   

T’en fais pas autant, mon amour ! Tu le connais…

 Mais là, il a fait fort… comment peut-on s’enfumer de la sorte ?

C’était incompréhensible, en effet. Ils eurent beau fouiller, ils ne relevèrent aucun passage ni, heureusement, signe de lutte.   Assez dépités, morts d’angoisse grandissante, les époux rebroussaient chemin quand :

Lou… Louis !

Éberluée, Sissi vit Achille cueillir leur ami défaillant tandis que débarquaient trois inconnus. Vu l’état de Loulou, l’impératrice pensa immédiatement à des traqueurs et les mit en joue, arc tendu.  
Ils n’eurent que des gestes et paroles d’apaisement. Selon eux, Louis répondrait lui-même à leurs questions. Ce qu’il ne manqua pas de faire entre deux inconsciences.  Le résultat fut assez… étonnant.


Un château-fort, un vrai ! Tel fut le premier ébahissement de la petite troupe convaincue qui en franchit le pont-levis. Selon les « compagnons » de Louis, celui-ci était intouchable à la cour de son propre grand-père : le bon roi Henri. Naturellement, ses amis le seraient aussi et l’hospitalité leur était offerte à l’infini.  Louis et Amelia nécessitant des soins, les aéronautes acceptèrent cette générosité inattendue avec bonheur. La blessée fut rapatriée en civière, cou et occiput maintenus dans une rigide gouttière de plâtre.  Pendant que l’on s’occupait d’elle, les invités eurent droit à des installations très innovantes pour l’époque du vert galant.
Faisant le tour de la chambre dévolue, Sissi ne put réfréner son enthousiasme :

Une douche avec eau chaude courante, de l’électricité partout ! On s’enfonce dans ces tapis et…

 … sans dire que ce lit est merveilleusement confortable !

Son Achille !  Qui aurait cru qu’il puisse être aussi romantique à ses heures ? Avec lui, les jeux de l’amour prenaient une saveur jamais atteinte dans sa vie d’avant.  Et parfois, elle se demandait par quel miracle elle avait, elle, si gauche, si inexpérimentée, réussi à retenir son attention, son affection… son amour.  Elle avait appris à le cerner son champion. Sous ses dehors d’ours, il était si tendre… surtout avec elle qui le vénérait un peu plus chaque jour.

Tout semblait parfait. Un abri solide et douillet au possible, des amis, des repas gargantuesques…  Sauf que…

*S’il me reluque encore ainsi, Je lui plante ma fourchette au bon endroit !* s’insurgea-t-elle sous les œillades plus qu’appuyée du grand-père de Louis.    

Ce banquet de bienvenue fut une torture mentale. Hélène qui subissait d’identiques attentions partageait ses idées sur la question.


*Ce type est fou ! Achille n’est pas aveugle, ni sourd !*

Constater que la reine Claire ne se gênait nullement pour aguicher les mâles attablés l’ulcéra fortement :


*Touche un de ses cheveux, je te scalpe, vipère !*

Dans les bavardages alentours, elle entendit son époux défendre son identité avec un ton qui ne présageait rien de bon. Vite, elle lui pressa le bras en lui murmurant à l’oreille :

Tout doux, mon cœur ! Nous sommes des hôtes... pour le moment… Sois patient ! Au rythme où ils s’enivrent…

Le petit-fils du roi Henri, par sa faconde habituelle – conscient ou pas des enjeux actuels – s’arrangea pour distraire l’assemblée. Ses amis purent se retirer en toute intimité :


L’histoire ne ment pas, apparemment, soupira Sissi en brossant son imposante chevelure. Henri est… un roublard aux dehors affables ! Pourvu qu’Amelia se remette vite !  

Les journées étaient « plaisantes ». Les dames de la cour formaient un petit cercle assez diversifié dans lequel - Sissi l’aurait juré - à part Hélène et elle-même, aucune n’était de sang noble. Peu importait, il est vrai. Quand elle n’était que duchesse de Bavière, la jeune femme avait beaucoup fréquenté les gens simples et s’entendait bien avec tous. Néanmoins, que ces « dames » affichent des mines et tons affectés histoire de faire honneur à leur nouveau rang les rendait ridicules. La reine Claire ne valait guère mieux ! Souvent, lors de séances tapisserie, elle prenait un malin plaisir à heurter ses hôtesses par des propos grivois dignes d’une taverne des bas quartiers. Vu les réactions d’Hélène, cette dernière n’appréciait pas plus qu’elle ce genre d’attitude vulgaire surtout quand la reine se permettait de les attaquer sur des questions d’ordre intime. Plusieurs fois, malgré elle, Sissi s’était senti rougir. Jamais, au grand jamais, elle n’aurait demandé à Hélène combien de fois elle avait joui la nuit précédente ! Cette indécence pesait aux vraies reines qui éludaient les pièges avec art et doigté. Les banquets… Sans la verve de Louis, Dieu sait sur quoi la conversation aurait tourné.  

Un Achille désoeuvré n’était pas commode. Par veine, les troupes d’Henri s’étaient amollies d’inaction. Là, le héros de Troie baignait dans son élément. Louis s’était naturellement orienté en conteur local et cuistot d’occasions tandis que Richard, entre ses visites à Amelia, s’enfermait de longues heures dans le « laboratoire » du château ou à la bibliothèque.

Sans livres ni musique, Sissi serait devenue chèvre car un loup rôdait bel et bien en ces lieux en la personne du roi lui-même.  Échapper à ses avances plus que marquées devint vite torture. Au moins, ce jeu de cache-cache permit-il à l’impératrice de connaître bientôt tous les recoins de la forteresse ! Un jour, se croyant à sauf dans le cellier, Sissi se retrouva nez-à-nez avec un Henri baveux d’excitation. Des mains avides se tendaient vers elle :


Je te tiens enfin, petite souris ! Tu aimes jouer, je vois. Je connais un tas de jeux qui…

Moi aussi, affirma Sissi sans se démonter. J’ai appris le whist, le poker, la belotte et j’en passe. J’aime aussi les sports tels le tennis, variante de la paume, et le badminton mais il en est un que j’affectionne par-dessus tout…

Ah, oui, susurra le monarque alléché.

LA BOXE ! dit Elisabeth en lui expédiant son poing dans l’œil.

Portant ses mains à son œil poché, Henri éclata de rire en la voyant filer à toutes jambes.
Si d’aucun s’étonna du beau coquart arboré le soir par le roi, on en plaisanta sans plus.


Que c’est pénible, souffla Sissi à Hélène qui, elle aussi, subissait les royales tentatives de séduction. En aucun cas, nos époux ne doivent le savoir…  Oui, le gnon, c’est de moi, rit-elle, mais je l’ai aussi piqué d’une fourchette dans un endroit qu’il ne montrera pas à table… j’espère !

On se distrayait comme on le pouvait…


De temps à autre, l’impératrice allait au chevet d’Amelia, elle lui lisait des poèmes, aidait à sa toilette. C’est ainsi que, lui rinçant la chevelure avec la brave Léontine, les fines paupières de m’aviatrice battirent faiblement.

A… Amelia ! Amelia, ouvre les yeux, regarde-moi ! C’est moi, Sissi !

Très émue, l’impératrice insista :

Oui, c’est bien ! Léontine est là aussi !... Que dis-tu ?

Le murmure à peine audible fut très compréhensible.


Richard ? Oui, bien sûr ! Il était là il y a un quart d’heure ! Je cours le chercher, et Tsang aussi ! Ne te rendors pas, hein ! Pas de blague !

Plus gaie qu’un pinson, elle vola répandre la bonne nouvelle. Hélène croisée au détour d’un couloir courut le dire à Louis pendant qu’Elisabeth contactait Achille et Burton. 

Réunis à quatre autour d’un gobelet de vin, ils commentèrent les suites possibles de cet événement :


Tsang assure que ça va aller, sourit Sissi. Si ça tombe, elle sera sur pied avant la fin de la semaine… Le ballon ? Mon chéri, laissons-lui le temps de récupérer des forces, elle est maigre comme un clou !   

Pour diverses raisons, tous voulaient partir rapidement bien que sachant qu’il leur faudrait du temps avant de réparer l’engin, surtout avec les conditions atmosphériques endurées depuis des jours maintenant.

En cela Claire avait eu raison : l’hiver était venu.  

Ce phénomène était étonnant, déroutant pour des gens ne l’ayant que peu connu de leur vivant ou de leur résurrection. Sissi, elle, adorait la neige. Elle avait promis à son mari de l’initier au ski et aux patins mais pour l’heure on rigolait en bâtissant d’autres projets.

Soudain, un valet apparut. Il s’inclina et les avertit qu’ils étaient mandés auprès du roi car un inconnu se réclamait d’eux.  

Nul ne causa durant le trajet jusqu’à la grande salle des audiences, s’interrogeant sans doute sur l’identité de la personne qui osait prétendre les connaître.

Soupçonneux, intrigués voire inquiets, ils ne tardèrent pas à identifier le sujet :


*Alpha ?* sursauta Sissi en se plaquant une main sur la bouche.

D’office, elle se cramponna à Achille tant pour le contenir que pour se freiner, elle.


Oui, c’était lui, cet homme du futur qui n’avait pas bronché lors de l’exécution sommaire de son épouse mais qui, aux yeux de Sissi, en avait énormément souffert ensuite…  

Impassible, selon son habitude, l’Ayerling se concentrait sur le roi Henri :

Vous êtes le maître de ces lieux et c’est à vous que je m’adresse : j’ai besoin de faire une demande à votre Pierre pour pouvoir mettre ma femme à l’abri de cet hiver soudain…
 
Louis usa de son privilège de petit-fils royal pour en placer une, assez cinglante.  Ce à quoi, Alpha répondit, impavide :

 
Oui, Louis, il s’agit bien d’Isabel. J’ai suivi le conseil de Sissi et ai fini par la retrouver et maintenant, il me faut de l’aide pour la sauver de nouveau.
 
Dans sa tête, Sissi dansa… à moitié.

 
*Elle vit… mais…*
 

Entre questions et réponses, elle perdit un peu le fil. Néanmoins, elle ne put s’empêcher d’interrompre Louis :
 
Suis contente que tu l’aies retrouvée ! Elle va bien, vraiment bien ?
 
…Tu pourras le constater par toi-même si je réussis à la ramener à temps.
 
Alors faut pas hésiter, faut y aller ! Mon chéri( vers Achille of course) il fait – 20 dehors… Elle ne tiendra pas sans vêtements chauds !
 
Elle savait prêcher en terrain fertile. Là où le bat blessait était Henri. Si lui refusait, Isabel serait à nouveau perdue.  Le roi sembla se délecter de ce nouveau pouvoir sur des êtres assujettis à ces décisions. Par veine, il ne s’adressa qu’à l’Ayerling, exigeant de lui une espèce d’allégeance en contrepartie de son accès à la Pierre.  Au plus grand plaisir de Sissi, Alpha contourna la soumission totale exigée :
 
Je suis mon seul maître. Si vous le voulez ainsi, je peux partager mes connaissances avec vous pour un certain temps, après lequel, Isabel et moi poursuivrons notre chemin.
 
Cette arrivée, les décisions suivantes, entraînèrent de nombreuses discussions lors du banquet nocturne auquel l’Ayerling crevé n’assista pas. Le finaud Henri ne rata pas d’interroger ses hôtes au sujet de l’arrivant :
 

Vous semblez ne pas nous avoir tout conté de vos épopées car, à aucun moment, il ne fut question d’un homme du 25ème siècle…
 

Louis broda, les autres aussi, en évitant d’enfoncer Alpha. Sissi crut bon d’ajouter :
 
Cet Homme était très différent de nous avant que notre médecin ne l’opère. Je puis affirmer – elle visait tant Henri que ses compagnons – qu’Alpha souffre autant que n’importe qui souffrirait devant la perte d’un être cher.  
 
Ils semblaient si sceptiques qu’elle ajouta :
 
Il s’est fait copain avec un loup ! Si cet animal l’accepte, on doit être capable d’en faire autant, non ?  Puis faut surtout penser à Isabel ! Rien que de l’imaginer perdue dans une caverne par ce temps…  
 
Henri se gratta la barbe longuement. On changea de sujet. Sissi trouva le moment idéal pour faire part à la ronde d’une de ses découvertes : un piano !
Sans s’étendre sur la façon dont elle l’avait trouvé dans un grenier ( en tentant d’échapper aux assauts d’Henri) elle le fit amener par des valets et s’installa au clavier. Son jeu, quoique rouillé, ravit l’auditoire ainsi que ses chants tantôt enjoués, ou nostalgiques. Finalement, ce fut une bonne soirée.

Dans l’intimité de leur alcôve, l’épouse d’Achille soupira, heureuse :
 
Tu accompagneras Alpha demain, n’est-ce pas ? Il t’a toujours tenu en haute estime et c’était partagé… Comment ?
 

Là, Achille s’inquiétait de la laisser seule au château. Il n’était pas dupe de l’ambiance de la cour du roi.  Elle sourit :
 
S’il y en a un qui devrait s’inquiéter ce n’est pas toi, mon cœur. Plains plutôt ce « cher » Henri !
 
Le lendemain, l’Ayerling fit ses dévotions à la Pierre. Outre Achille et Louis, dans sa quête Alpha fut secondé par quatre soldats, et non des moindres…  
 
Hélène, nous voilà otages de sa majesté, souffla-t-elle à la belle de Troie dans un clin d’œil. Léontine m’a donné du bromure pour lui… les ardeurs d’Henri risquent de retomber bellement !
 
Elles rirent sous cape…[/b]
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MessageSujet: Re: Destination inconnue   Destination inconnue EmptyDim 21 Juil - 12:05

La vie était belle ! Jamais auparavant Achille n’aurait perdu le temps à ce genre de considération. Il n’en avait jamais eu le temps.  Quand on vit pour faire la guerre, la principale préoccupation est de vaincre l’ennemi et une fois vaincu, aller s’en chercher un autre.  Une guerre ici, une autre là, ça occupe. Et dès qu’on songe à prendre un peu de bon temps, voilà qu’on vous tue et affaire close.

Mais maintenant, il était là, avec Sissi.  Certes l’aventure avait été loin d’être plaisante. Amelia  voguait toujours dans les limbes, Richard désespérait. Tsang ne perdait pas l’espoir. Louis coulait le bonheur parfait avec sa douce Hélène et la vie à la cour tournait en rond, avec cet hiver si bien annoncé qui avait fini par leur tomber dessus.
 
Joies simples de la vie qu’il fallut quand même honorer d’un honnête travail. Impossible de se la couler en douce sans bouger le petit doigt. Achille fut assigné au seul boulot pour lequel il était qualifié. Accepté dans la milice locale comme simple recrue, il ne tarda pas à prendre du galon après une brève mais contondante démonstration de ses aptitudes. On n’échappe pas à sa légende !

Il aurait été parfaitement satisfait si ça n’avait été par l’inconstance de certains quant aux bonnes mœurs.  Le Roi de son côté et la Reine du sien. Lui en poursuivant tout jupon à sa portée, elle,  en harcelant de ses douces attentions tout celui qui retenait son attention, c’est-à-dire pratiquement tous les hommes du coin.

Achille n’avait jamais fait étal de pruderie, n’avait rien d’un timide et l’histoire ne mentait pas en disant qu’il n’avait jamais méprisé la compagnie d’une jolie femme. Mais bien entendu, depuis l’apparition de sa Sissi, tout cela n’était autre chose que de l’histoire ancienne. Il était heureux, amoureux et fidèle.
La Reine se fichait comme d’une guigne de ces faits si louables et mettait en branle-bas de combat tous les atours dont l’avait dotée la nature. Pas des moindres, autant qu’il put apprécier à la diffuse lumière de ce couloir désert. Nue sous l’ample cape déployée d’un geste d’indéniable sensualité.

Les courants d’air sont traîtres, Majesté !, assura Achille sans départir d’un petit sourire amusé, vous feriez bien de vous couvrir, n’allez pas attraper un mauvais rhume !

Quel genre de rustre es-tu, guerrier ?
 
Un rustre marié, Majesté, et satisfait de l’être…en plus, je déteste les blondes…et d’après ce que je peux constater, vous l’êtes de partout…donc…on dira que nous sommes incompatibles et on en reste là !
 
Elle le fulmina d’un regard mauvais, la rapidité de ses réflexes le sauva de se prendre un vase sur la tête, d’autres objets décoratifs suivirent le même chemin alors qu’il s’éloignait en riant de très bon cœur. Il était de très bonne humeur en rejoignant  sa femme dans leurs appartements et lui raconta sa rencontre avec la reine. Ils rirent de concert, éternels complices. Il n’aurait échangé ces moments précieux pour rien au monde.

Il s’était fait d’une fameuse ennemie mais n’y prêta pas la moindre attention. La vie se poursuivit sans incidents notoires, chacun voué à sa petite routine que parfois l’ennui de cet hiver rendait pesante.

Sa rencontre avec la Reine avait été vite oubliée, il ignorait la royale présence et  s’attendait à qu’elle en fasse autant. Page tournée,  Achille vivait son bonheur.

Et puis les événements se succédèrent rapidement…

Amelia  s’éveilla de son coma et  Alpha se présenta au château au milieu d’une épouvantable tempête de neige.  Achille , Louis et quatre hommes du roi, accompagnèrent l’homme du futur à la rescousse d’Isabel.

Ce fut le début d’une étrange suite de faits qui auraient dû éveiller encore plus de suspicions qu’ils ne le firent. Pendant cette balade hasardeuse, on essaya de le tuer. L’assassin avait mal calculé son coup, tout compte fait. Il ne fit pas long feu face à Achille et à l’Ayerling même s’il parvint à tuer l’hybride venu à la rescousse.  Louis en pâtit aussi quand ses compagnons l’abandonnèrent en pleine tempête après avoir éteint le feu. De retour au château, l’affaire sembla passer à l’oubli…

Recomposer le fameux ballon, occupa tout le monde une fois le beau temps revenu mais les accidents ne cessèrent pas pour autant. Tous les « nouveaux » furent visés et s’en tirèrent de justesse.  

Ils auraient dû se douter que le pire ne tarderait pas à survenir…

La reine avait enlevé sa femme. La femme de Louis et celle d’Alpha.  La reine et sa clique de maudits avaient volé le Liberty et s’envolaient avec leur précieuse charge…Une poursuite échevelée les avait conduits jusqu’aux lieux où le ballon, grâce à quelque artefact futuriste, s’était posé.  Ni sa Sissi, ni Hélène ni Isabel ne se trouvaient plus à bord.

Elles ont sauté ! Elles ont sauté … elles voulaient échapper à la vindicte de Claire…
 
Le favori de la reine. Alpha lui brisa le cou sans ciller. Achille ne garda qu’un souvenir confus de la suite, uniquement de la sauvage satisfaction qu’il ressentit en pourfendant crânes et gorges, avant de rester là, bras ballants, couvert de sang, hagard d’une douleur jamais connue auparavant. Il n’était pas le seul, pâle comme un spectre sanglant, Louis  se tenait à ses côtés. Alpha, impénétrable  et figé, un peu plus loin. Amelia, sanglotait éperdue serrée dans les bras d’un Richard au regard étincelant de rage meurtrière.

Henri, mari trompé, souverain trahi, ne traîna pas à la besogne, se chargeant lui-même de l’exécution de Claire, artifice de la tragédie avant de donner l’ordre  d’écrouer les survivants du règlement de compte et de les ramener au château.  Achille suivit le mouvement comme un automate, sans conscience de ses faits ou gestes, abruti  de chagrin.

La cour entière semblait s’être déversée dans le salon d’apparat  pour entreprendre une longue veillée funèbre. Il  resta un moment auprès de Louis, défait de douleur mais aucune parole n’apporterait consolation, il le savait très bien. En fait, il était prêt à occire le suivant qui présenterait ses condoléances. Désertant la veillée, il alla plutôt chercher un exutoire à sa peine.

Et le trouva de la plus sûre façon.  Les gardes en faction ne songèrent pas à lui refuser passage. Les prisonniers étaient confinés dans deux cellules contigües. Le guerrier alla vers la première porte.

Donne-moi la clé !, ordonna t’il au gardien qui avait trottiné à sa suite, et laisse-moi seul avec eux !
 
Une espèce de mugissement de terreur animale surgit de la cellule ouverte en le voyant se dresser sur le seuil.
 
Et bien…à qui l’honneur ?
 
Ils auraient voulu disparaître mais sans se presser, Achille les dévisagea, un à un. Il les connaissait tous.  Il jouit intensément de chaque tremblement, claquement de dents, regards implorants, larmes, suppliques.
 
C’est ça…traînez-vous comme des chiens, humiliez-vous…Je me repais de votre immonde souffrance…Toi,  Lucien de Montclerc !

Le désigné se tapit dans son coin, les yeux exorbités, alors allant vers lui, le héros de Troie le saisit par la peau du cou, l’entraîna dehors malgré ses hurlements et referma la porte.

Il n’eut pas trop de patience avec le premier. Trop hargneux pour s’y prendre avec doigté, un coup l’abattit sans espoir de retour.  Le second pâtissait de sa rage quand Richard se pointa.

Salut Achille !... Tu obtiens des résultats ?
 
J’ai pas posé de questions !, reconnut-il sans aucune contrition, il en reste assez, pas de souci !
 
Mais Richard était sans doute un peu plus civilisé que lui et tuer par simple besoin de se défouler n’entrait pas en question avec lui.

Tu sais, sans vouloir t’empêcher de le massacrer, s’il meurt, on ne sera pas plus avancé… Laisse-le se remettre, on pourrait s’occuper de l’autre, non ?
 
Il haussa les épaules et alla sortir le troisième gars. Un baronnet insignifiant qui se targuait d’exploits que personne ne savait réfuter mais qui à l’heure tremblait mieux que feuille au vent.

STOP ! Ne l’assomme pas d’entrée de « jeu » ce serait moins drôle…
 
En y pensant bien, Burton était un poil plus sadique que lui. Cela lui tira un sourire tordu.
 
Veux voir ça…Il est tout à toi !
 
Et pour s’y prendre, Sir Richard Francis Burton, s’y prit. Achille suivait le singulier interrogatoire avec croissante attention. Des méthodes inusitées étaient employées. L’Idée des bâtonnets enflammés sous les ongles lui sembla perverse et définitivement plus effective que le fer à rouge crevant les yeux ou mutilant les chairs. Apparemment la seule mention de la méthode Burton suffisait.
 
…Alors, dis-nous si nos femmes ont été souillées ?
 
Achille serra les poings.
 
Non, non ! On n’en a pas eu le temps !
 
Mais si l’intention !, rugit-il en assenant un coup de poing au prisonnier qui faillit tomber à la renverse avec la chaise à laquelle il était attaché.

Achille fais pas l’idiot ! Comment causera-t-il avec la mâchoire en miettess ?
 
Avec un grognement féroce, il s’intima à rester tranquille. Richard poursuivit et tira finalement au clair ce qu’il voulait savoir. Isabel avait tenu tête à leurs capteurs. L’homme à bout de sa terreur  répéta chacune des paroles prononcées avant de basculer dans le vide. Quand il eut fini de parler, Achille l’assomma…un peu trop fort.
 
Tu lui avais promis une fin rapide…voilà, c’est fait ! Mais…que voulait dire Isabel avec cette histoire que la mort n’est pas une fin… je sais qu’elle croyait comme ma Sissi à une vie après la mort…un au-delà nommé Paradis…tu y crois, toi ?

À lui, on lui avait promis l’Élysée …et au lieu de ça… Richard passa outre l’affaire paradis.  Laissant le reste des prisonniers aux bons soins du bourreau, les deux amis s’en allèrent bavarder ailleurs.  Achille remercia en silence cette longue conversation, cela l’empêchait de s’enliser dans son chagrin. D’abord, il se contenta d’entendre la voix de Richard, en pensant à autre choses mais peu à peu les propos tenus finirent par capter sa totale attention.
 
Mais…tu veux dire que…excuse-moi de sembler si borné…ça me semble si incroyable…
 
… je n’ai pas de preuves pour étayer mes dires sauf qu’il n’y a aucune raison de croire le contraire non plus. Si nous avons ressuscité une fois, pourquoi pas plusieurs ?
 
Cela lui donna de quoi penser en  gagnant ses pénates.  La solitude lui tomba dessus, avivant la douleur. Les paroles de Richard avaient semé un espoir…minime, il est vrai, mais le chagrin était trop fort pour l’évader. Le visage enfoui dans l’oreiller de Sissi, il pleura toutes les larmes de son corps, jamais versées avant ni de cette vie ni de l’autre, autant qu’il put s’en souvenir.

Louis avait une bien petite mine quand il le rejoignit, le lendemain pour  le petit déjeuner. Inutile de lui demander comment avait été sa nuit. Il avait l’air de ne pas avoir collé l’œil  et pleuré, lui aussi, tout son soûl. L’arrivée de Richard détendit un peu l’ambiance. Sans trop de préambules, il raconta au Quatorzième du nom le résultat de leur interrogatoire aux prisonniers. Ils en étaient en pleine mise à jour quand l’Ayerling se pointa. Pas la moindre trace de chagrin, il était plutôt surexcité, ce qui était définitivement très étrange s’agissant de lui. Ce qu’il débita corrobora de façon extraordinaire avec l’idée de Richard.
 
On a compris, Alpha…d’ailleurs, ça colle avec ce que disait Richard…
 
Et de lui répéter ce qu’ils savaient. La lueur de l’espoir perçait en force. Bien sûr, avec incontournable logique, les faits possibles furent exposés. La probabilité de trouver leurs trois femmes ensemble tenait presque de l’impossible.
 
L’essentiel est sortir d’ici…on s’arrangera après…Nous nous diviserons en deux groupes…On ne va pas abandonner le ballon ici…Richard avec Amelia…Tsang et Léontine, s’ils décident venir avec nous…Louis et moi on ira avec Alpha…et les éléphants !

L’idée ne finissait pas de l’enchanter mais n’avait non plus aucune envie de voler. Le soupir de Louis avisa de son accord. Plus tard, mise au parfum, se déclara ravie avec ce départ imminent. Le moine bouddhiste et sa sorcière française ne voulurent rien entendre de rester en arrière.  Resta à annoncer au Roi de leur désir de partir. Il ne s’y opposa pas, sans doute convaincu que de rien ne lui servirait le faire. Il se montra plutôt très collaborateur et les laissa utiliser la Pierre à leur guise.

Alpha démontrait depuis un moment la façon de se jucher sur le dos d’un éléphant. Louis, pratique, avait proposé une échelle pour aller plus vite.
 
Et on devra se balader avec  pour que tu ne te fatigues pas ?...Allez, c’est pas si malin que ça…
 
C’était plus malin que ça ! Bien qu’habitué, Alpha devait subir les humeurs de sa monture. La femelle claire, nommée Snow, qui  lui échut en sort était plus docile mais quelque part elle trouva le malin plaisir de le faire tourner en bourrique.  Par contre Noy,  adopta Louis avec une douceur de mère.
 
Plains-toi…Une fois de plus qu’elle me fout en l’air et m’en vais demander à Henri un cheval !
 
Un petit coup de trompe amical faillit le désarçonner mais il tint bon. Ce fut la dernière fois que l’éléphante lui joua un tour pendable…ce jour-là. Cela mit une petite note d’humeur et ce fut le cœur un peu plus léger qu’ils quittèrent le domaine d’Henri IV  et sa cour.  Le Liberty s’éleva dans l’air limpide…
 
S’habituer au balancement d’un éléphant demande une certaine science, que ni Louis ni lui, ne dominaient en fin de journée. Ils avaient avancé bravement, sans faire de pause, à part pour permettre aux bêtes de se désaltérer  ou manger des feuilles.  Une de ces fois, à demi-bercé par le mouvement cadencé, Achille avait failli s’endormir et fut à point de  passer par-dessus la tête de sa monture, mais celle-ci eut la délicatesse de le retenir.
 
*Morale de l’histoire…on ne roupille pas à bord !*
 
Un peu de conversation aurait été la bienvenue, mais cette première journée de voyage fut morne, comme leurs esprits. Louis demeurait muet et Alpha n’était jamais bavard.  Au soir, en retrouvant leurs compagnons du Liberty, Achille crut de pas pouvoir tenir debout, c’était comme si tous ses os étaient à moitié moulus et tous ses muscles tenaillés de crampes. À peine le repas expédié et le bilan du jour fait, il s’écroula comme une souche et dormit d’un trait jusqu’au moment de prendre son tour de garde.

La seule qui savait vraisemblablement où diriger ses pas était la petite femelle sombre, Noy, au grand bonheur de sa Majesté le roi-Soleil qui resplendissait, comme si c’était lui qui dirigeait sa monture et l’expédition en passant. La technologie d’Alpha aidant, ils pouvaient se communiquer avec le Liberty qui jouissant d’une grande vue d’ensemble, jouait bien le rôle d’éclaireur en hauteur, cela leur évita des rencontres désagréables. De ces mêmes moyens futuristes était issu un appareil dont Achille ne comprit pas du tout l’utilité mais que Amelia et Alpha, surtout ce dernier, assuraient aiderait à détecter les disparues.

*Qu’on me damne si je pige comment ça marche…ADN ?...Enfin…s’il se trouve…ça aide !*
 
En tout cas, fit-il remarquer, ce jour-là, on ne quitte pas le cours de ce fichu Fleuve…T’as pas un moyen pour que ça puisse aller dans une autre direction, le ballon ?
 
Alpha assura avoir tout essayé et rien comprendre à cette espèce de champ de force magnétique. Du chinois pour Achille qui préféra arrêter de poser des questions.

Raconte n’importe quoi, Louis…
 
Il pensait à Versailles.  Au moins, il parvenait à distraire ses pensées de son amour perdu. Ils en parlaient rarement. Remuer le couteau dans la plaie n’aidait à rien d’autre qu’à les plonger dans  le désespoir.  Les rêves suffisaient largement à cette cause.  Achille pouvaient en donner foi. Ils avaient commencé à le tourmenter deux jours après la mort de Sissi. Rêves étranges, s’il en est. Il se retrouvait dans des endroits inconnus, vivait des situations singulières, effarantes la plupart des fois, épouvantables à d’autres…Sissi emprisonnée dans la glace ou mourant dans le désert…ou lui égorgeant Louis…
 
Cela ne ressemblait pas...à un rêve normal…c’était plutôt…comme une espèce de souvenir…
 
Louis assurait faire aussi des  rêves extraordinaires…Richard avoua succinctement quelque chose de semblable. Amelia n’y dérogeait pas. Alpha, lui, ne rêvait pas, le chanceux. Tsang écoutait.  Léontine préparait ses potions.
 
Réminiscences …vie d’avant tapie…revient lorsque conscience dort.
 
Je ne connaissais pas Sissi dans ma vie d’avant, je faisais la guerre, Tsang…pas de Sissi alors.
 
Pas cette vie-là…l’autre.
 
Voilà de quoi le plonger dans des réflexions sans fin. Certes en rencontrant Sissi au bord du fleuve, il avait eu la claire certitude de la retrouver…pas de la voir pour la première fois. Cela donna lieu à encore plus de conjectures,  jugées la plupart des fois débiles mais la coïncidence dérangeante avec les « souvenirs » des autres affermissait de jour en jour, la possibilité de ne pas en être à leur première résurrection, dans ce monde étrange.

Achille était démoralisé. Louis n’en menait pas plus large. Cet exercice mental  devenait lassant et douloureux en extrême. Leurs rêves livraient des bribes éparses, très éparses, qu’ils glanaient laborieusement, sans obtenir un résultat concluant. C’était à en devenir fous…
Celui qui semblait en savoir un peu plus était Richard. De sa vie, la première, il tenait des expériences plus élevées dans le plan spirituel. Il avait été un éternel chercheur, philosophe à ses heures, confronté à d’autres civilisations que la sienne, un libre-penseur aux idées poussées.  Louis avait été un grand roi, il avait resplendi par la magnificence de son règne mais on pouvait se douter que cela ne lui avait pas laissé grand temps d’explorer les arcanes de l’esprit. Achille était, sans aucun doute, le moins indiqué pour se livrer à ce genre d’introspection. Il était définitivement le plus terre à terre des trois. Son seul lien avec la spiritualité était son état de polythéiste et encore là, sans aucun remords le Grec avait voué les Dieux et les manigances aux gémonies depuis un bon moment, gardant toutefois la quasi-certitude de n’être qu’un pion dans leur jeu.
 
Ils font de nous à leur guise…Ils l’ont toujours fait et ne pensent pas se priver du plaisir !
 
De là à discuter avec Louis qui ne reconnaissait qu’un seul et unique Dieu, il n’y avait qu’un pas. Richard modérait le débat. Amelia ne pipait mot. Alpha se déconnectait.
 
Un ou plusieurs…ça revient du tout au même…ce sont d’Autres qui font les règles du jeu…nous, on en pâtit !
 
Même Tsang, dans son infinie sagesse, ne se trouva pas le courage de rebattre cet énoncé rageur pour la simple raison qu’il commençait à penser la même chose mais, bien entendu, se garda bien de le dire. Cela aurait été mettre de l’huile au feu.
 
À quelle conclusion extraordinaire était-il arrivé ? Quelle révélation si puissante avait pu le pousser à commettre pareil impair ? Ils avaient assisté, abasourdis d’horreur à la chute de Richard. Point d’accident, rien ne poussait à le considérer ainsi. Les conditions de vol étaient optimales, la stabilité du Liberty, parfaite. Rien à part sa propre volonté n’avait poussé Burton par-dessus bord. Conscient que dans ces conditions d’émoi extrême Amelia ne pouvait manœuvrer le ballon, Alpha, le pragmatique, avait pris le contrôle à distance et fait descendre le ballon. Inutile de se lancer à la recherche du corps. Tous savaient sciemment qu’on ne survit pas à une chute libre à cette hauteur, la dépouille de l’explorateur anglais se serait évaporée sans laisser de traces.

Amelia semblait être dans une espèce de transe horrifiée, soutenue par Tsang et Léontine. Achille se chargea de la veuve transie mais silencieuse et la descendit de la nacelle. Un campement fut bâti à la hâte. Personne ne se sentait d’aplomb pour voyager plus loin, ce jour-là.
 
Que diables s’est-il passé là-haut, Tsang ?  Parle !
 
Richard a trouvé clé.
 
Une clé !? Te fous pas de ma tête…
 
Tsang incapable de se foutre de tête de quiconque…Tsang sait, Tsang dit…
 
Tsang ferait mieux de parler clair avant qu’Achille perde patience !
 
Un de ces sourires mystérieux, hochement de tête.
 
Richard a su. Lui a vu clair dans son hier…Pas première fois que lui et vous ici…
 
Achille se gratta furieusement la nuque, accablé.
 
On n’est sûrement pas les compagnons idéaux mais de là à se suicider…quand même…
 
Toi, grand idiot, pas voir plus loin que nez…Richard a vu au-delà…Lui chercher femmes…lui trouver !

Achille n’acceptait pas facilement qu’on le traite aussi impunément d’idiot mais opta pour ne pas se vexer et essayer de comprendre quelque chose aux explications colorées du chinois. Curieusement ce fut Amelia qui la lui apporta, son explication.  Calme et posée, elle donna lecture à part de la lettre laissée par Richard puis assura, avec émouvante conviction, que son chéri était le seul à pouvoir mener à bien une mission si délicate.
 
L’espoir fait vivre, dit-on…espérons donc…Tais-toi, Louis…on s’en fiche de tes idées sur le suicide…ce n’en est pas un, si j’ai bien compris, mais une transition nécessaire pour aboutir à un plan supérieur…
 
De sa place, Tsang leva le pouce en signal d’approbation, Il avait tout bon.
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