Gods Games
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Sommes-nous les jouets des dieux ?
Dans ce forum RP, des rencontres crues impossibles pourront avoir lieu
entre d'illustres ressuscités et des personnes de notre siècle

 
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 Cours après moi...

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Neil Chesterfield

Neil Chesterfield


Messages : 232
Date d'inscription : 07/03/2011

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MessageSujet: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptyLun 28 Mai - 18:59

Il avait attendu le temps prescrit puis, la mort dans l’âme, avait dû rentrer au camp où son fusil parla.
Les explorateurs rentrèrent au galop et, en peu de mots, Neil résuma la situation : Amelia avait disparu par sa faute.
Les « modernes » s’excitèrent quand il évoqua la plaque de téléportation. On expliqua sommairement aux dames du passé de quoi il en retournait. Elles étaient effrayées, on pouvait comprendre…
L’absence du samouraï inquiéta vaguement Chesterfield mais ce solitaire avait peut-être découvert une autre voie qui le satisfaisait davantage que de s’intégrer à un groupe de nuls à ses yeux bridés.
Les « modernes » voulaient rentrer, rien de plus naturel.
Se sentant responsable de la disparition de Miss Earhart, Chesterfield ne voyait d’autre solution que de la suivre dans sa migration.


Hopeman, sans te commander, peux-tu partir en éclaireur ? Si tout baigne, inverse la commande qui se trouve à ta gauche en arrivant !


La femme soldat s’appliqua à la lettre.
Quand Neil appuya sur le bouton, cette costaude israélite s’évapora, de quoi provoquer l’émoi d’Hélène et de Sissi. On les rassura du mieux possible puis, quand le voyant passa au vert, très heureux de s’installer sur la plaque, Paggit et Poindexter, les saluèrent avant de s’enfumer aussi.


Domingo, je compte sur toi pour veiller sur l’impératrice ! Majesté…

Elle tremblait cette majesté ! Tant pis ! Neil appuya la commande et le couple disparut.

Le voyant vert tarda à se rallumer mais le fit quand même.
Au tour de Browning et de la belle de Troie de connaître la désintégration. Voilà Chesterfield seul…


*Marrant, aucun d’eux ne s’est demandé comment j’allais faire sans personne pour actionner ce truc !*

De tout son cœur, il espérait que les autres soient saufs. Le village les accueillerait, ils vivraient dans de beaux bungalows tandis qu’il moisirait sur place en attendant Miyamoto.
Ce dernier brillait par son absence, de même que les chats, les guides des femmes décédées.
Autant tuer le temps avec une tasse de café. Le gros du matériel avait été abandonné, autant en profiter.
Plusieurs heures s’écoulèrent avant que Neil ne se décide à bouger. La solution, il l’avait assez murie dans son esprit et il décida de la mettre en pratique.
D’abord, il tailla une branche en fourche qu’il alla planter près du boîtier de commande. Une lourde pierre fut choisie et nouée d’une corde assez longue pour la maintenir en suspension au-dessus du bouton. Sans lâcher la corde, Neil alla se positionner sur la plaque.


*Allez mon vieux, on rentre à la maison*

Il baissa le bras, la pierre chut pile sur la commande.
Ayant déjà emprunté ce moyen de transport, Neil n’en ressentit pas les désagréments.
Il faisait nuit noire dehors et, chose inhabituelle, le hangar était à peine éclairé d’une veilleuse et totalement désert.

*Si les autres sont venus ici, il devrait y avoir une surveillance permanente… *

Perplexe il se gratta le menton et le trouva étonnamment barbu.

*Y aurait-il des jours de décalage pendant le transfert ? *


Autant qu’il s’en souvienne, des sécurités devaient exister en ces lieux. Puisqu’il avait supervisé leur mise en place, Chesterfield espéra que les codes connus étaient encore d’actualité.
Pas de souci de ce côté, il put sortir de la pièce puis du hangar sans déclencher d’alarme.
Où diable étaient les gardes ?


*Bones va m’entendre ! C’est pas sérieux de laisser tout ça à l’abandon !*

Il fulminait car, en plus, pas un seul véhicule n’était à disposition : le garage était vide.
Va pour le footing…

La distance entre la zone 51 et le village était très importante. Neil se fatigua dans sa marche harassante. En nage, il se sentait complètement déshydraté en arrivant enfin aux abords du patelin.
Au premier abord, rien n’avait changé si ce n’est qu’il n’y avait pas âme qui vive dans le coin.
Ses pas le menèrent droit vers sa propre demeure et son cœur s’accéléra en voyant la lanterne du porche allumée.


*LIND !*


Ou on avait octroyé leur pavillon à d’autres ou sa femme était rentrée !

Sa clé, où diable l’avait-il fourrée ? Avec tout ce qu’il avait vécu, il n’y avait plus pensé et, peut-être était-elle perdue quelque part au fond du fleuve...
Qu’à cela ne tienne, il passa sur l’arrière et fracassa du coude la vitre de la porte de la cuisine.


*M***e !*

Il s’était coupé!
Cela ne l’empêcha pas d’actionner le verrou et de s’introduire chez lui par… effraction.


Lind ! Lindsay ? Ma chérie, je suis là !

Il fit le tour de l’habitation mais ne débusqua personne. Néanmoins le parfum favori de son épouse flottait dans l’air, ce qui amena un sourire à ses lèvres : elle était passée là récemment !
Elle finirait bien par rentrer, inutile de courir partout en criant son nom. Autant l’attendre mais d’abord boire un coup ! Une des bouteilles d’eau du réfrigérateur s’avala goulûment à moitié d’une traite. Se réservant l’autre moitié, Neil revint au séjour en notant ici et là de menus détails.
L’énorme bouquet de roses rouges trônant sur un guéridon était inratable. Machinalement, Neil prit le petit carton qui en dépassait et faillit s’étrangler avec une gorgée en le lisant :


À la plus belle des fleurs… À ce soir... Dan ?

Mince alors ! Il s’absentait quelques jours pour la bonne cause et récoltait…

*Tu ne perds rien pour attendre, McIntosh ! Dire que je te faisais confiance…*


Tel un ours en cage ruminant de sombres projets, il erra du salon au hall. Là ses yeux tombèrent sur un feuillet dactylographié posé près de l’entrée :

*Réunion extraordinaire à la maison commune ce soir 21heures*

La pendule indiquait 21h15.
C’était donc là-bas qu’ils étaient tous ? Il devait y aller. La douche, il s’en passerait, et zut !

Quelques retardataires comme lui tentaient de s’installer dans une salle déjà comble. Que se passait-il donc là ? Qui étaient ces gens en costume de carnaval que Bones semblait accuser de Dieu sait quoi ?
Jouant des coudes, son odeur de fauve en écartant plus d’un, Neil put s’approcher et distinguer plus nettement les accusés. Car il ne s’y trompa pas. Point de bal masqué mais bel et bien un tribunal de haute instance. Avec soulagement, il vit ses protégées dans leurs plus beaux atours. Wow, Hélène valait vraiment le détour ! Sissi et Amelia aussi mais…
Qui étaient les messieurs qui les escortaient.


NDD !


Il étouffa son juron dans sa main, absolument sidéré par ceux qu’il identifia.


*Burton, Achille et Louis XIV ! Eh m***e !*

Son regard balaya l’assistance et, aux premières loges, il la reconnut. Lindsay, sa Lindsay, s’accrochait à la main du toubib ! Bon, elle était captivée par le débat… Il finit par s’y intéresser et écouta Bones. Dressée, la mairesse ne mâchait pas ses mots :

Comprenons-nous ! Il y a eu mort d’homme !

*Hein ? Qui a tué qui ? *


Les faits rapportés, les témoignages en votre faveur sont indiscutables et nous les admettons, en regrettant l’incident.

Complètement largué, Neil chuchota à l’adresse de son voisin :

Qu’est-ce qui se passe ?

Vous débarquez de la brousse, vous !


L’autre plissa du nez en le toisant mais fut assez bavard pour que Chesterfield ait une idée plus précise de ce qui se tramait.
C’était donc ça ! Achille avait occis le tourmenteur de Sissi. Les villageois ne croyaient pas les historiques, les prenaient pour des fauteurs de troubles, des assassins ?
Bones poursuivait son réquisitoire en consultant des documents :


Selon les dépositions, les dames qui se prétendent reine, impératrice et aviatrice, auraient côtoyé certains de nos citoyens dont l’ancien maire Chesterfield. Il les aurait aidées à venir vers nous via la plaque… Qu’est-il devenu ? Nul ne semble s’en être soucié. Ne l’auriez-vous pas, lui aussi, assassiné ?

Tiens ? Lindsay semblait s’affoler.
Il aurait pu se manifester alors mais préféra écouter jusqu’où iraient les absurdités.


Amelia se rebiffa illico. Hélène cria au scandale tandis que Sissi plaquait des propos mordants.
Leurs compagnons réclamèrent aussi la parole en défenseurs parfaits.
Quel tollé !

SILENCE ! imposa Veronica Bones.

Le conseil, à l’unanimité, a voté pour votre bannissement. On vous donnera de quoi survivre quelques jours et on vous conduira loin d’ici. La plaque de la zone 51 sera détruite dans l’intérêt de tous ! VOUS nous mentez ! Vos beaux atours impressionnent peut-être la galerie mais pas les esprits sensés. Nous n’avons que faire de menteurs assassins en nos murs.

Richard, Louis et Achille se levèrent aussitôt et chacun à sa façon, résuma ce qu’il pensait. Les dames ne demeurèrent pas en reste.
[/i]
JE M’EN FOUS ! clama Bones en réponse. Oui, vous connaissez vos histoires par cœur, comme tout bon comédien qui se respecte mais ça ne change rien. Qui que vous soyez, vous semez le trouble, vous avez tué deux des nôtres, c’est amplement suffisant pour le bannissement, et…

Trop c’était trop. Neil s’éclaircit la gorge et poussa ses voisins pour être entendu et vu :

Pardon de débarquer comme un cheveu dans la soupe mais… je suis vivant !

Le teint de Miss Bones vira au gris, ce qui ne lui allait pas du tout. Ouais, Lind se leva, l’appela par son nom mais il s’en ficha en avançant vers l’estrade.

Je sais, je pue, suis poilu… je reviens de loin ! Vous voyez, ces dames ne m’ont pas occis. Je pourrais leur en vouloir… ainsi qu’à d’autres ici présents de m’avoir un tant soi peu « oublié » à mon sort mais votre ancien maire vous salue tous ! Veronica… Tu y vas fort, là… Ces gens sont bien ce qu’ils prétendent ! J’ai côtoyé ces dames et suis très satisfait de les voir réunies à leurs compagnons dont je ne mets pas un instant leur identité en doute, moi !

Tu... vis ?

J’en ai bien l’impression oui ! Je saigne encore, si ça peut convaincre !
Ce cirque doit cesser ! Je vous l’affirme : des ressuscités sont là ! Ceux-ci sont pacifiques, épargnez-les. Par contre, Veronica, laisser la zone 51 à l’abandon est une grave erreur !

J’ai fait…

Au mieux, je n’en doute pas, mais pas assez… Faut prendre des mesures efficaces et vite. Bref, laissez ces historiques en paix. Je m’en porte garant. Préservez la plaque tout en la surveillant hautement. C’est tout ce que j’avais à dire, merci !

Des applaudissements nourris saluèrent sa prestation. Il s’en fichait, il avait accompli son devoir point barre.
La scène quittée, il regagna son home où une valise s’emplit d’effets personnels. Il la bouclait quand une petite voix quémanda son attention…


… Non, Lind ! J’ai vu, j’ai lu, j’ai pigé. Je vais dans un pavillon de célibataires. Amuse-toi bien, salue Dan au passage ! Ciao.

Fermé, il saisit son bagage et voulut sortir...
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Lindsay Fairchild

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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptyMar 29 Mai - 22:29

Vivre dans un arbre crée des liens. Naviguer au petit bonheur la chance, les renforce. Se faire sauver la vie, rapproche. Survivre ensemble…rapproche encore plus ! Lindsay faisait tous les jours, depuis leur retour aventureux, un récapitulatif des derniers mois, se demandant parfois si elle n’avait pas rêvé tout cela. Mais non, il ne s’était pas agi d’un rêve mais d’une réalité très tangible Nick, le bébé de Jenny était né, après la grossesse la plus singulière jamais répertoriée. Quelques preuves très contondantes se baladaient par là, à savoir des historiques très voyants et puis Dan.

Cher Dan…sans lui, ces mois auraient été une rude épreuve. Depuis l’instant fatal où le hasard la sépara de Neil, le Dr. Intosh avait été toujours là pour la rassurer, la réconforter, la faire rire quand les larmes prenaient le dessus. Oui, avec lui à ses côtés tout avait été plus facile. Bien sûr, il y avait le côté sentimental. Dan l’aimait et pas précisément comme à sa petite sœur. Elle aussi l’aimait, peut être pas comme à un grand frère mais en tout cas pas autant qu’il ne l’aurait voulu. Il était l’ami, le confident, l’épaule sûre où s’appuyer quand la force défaillait et cela avait continué d’être ainsi à leur retour.

En leur absence, le village avait changé. Avant leur départ, il y avait déjà certaines tendances rétro dues à quelques esprits « élevés » et leurs curieuses idées de rédemption. Selon ces penseurs du dimanche, on leur avait donné une seconde chance, à eux de faire de leur mieux avec. Rédimer leurs péchés, racheter leurs fautes, redresser leurs vies…à voir la liste de changements à faire, on pouvait déduire que leurs vies « d’avant » les condamnaient en enfer, sans possibilité de sursis. Avant, ils vivaient dans un vaste monde, côtoyant une société rationnelle et moderne. Leur voix n’étaient que faibles murmures…mais là, dans ce village de dimensions réduites, ces murmures se transformaient en voix tonnante, en volonté divine…en résumé, la bigoterie détenait les rênes et il s’en fallait de peu pour qu’on nomme un tribunal inquisiteur qui règlerait les menues affaires sociales. Heureusement, il restait encore des êtres pensants qui laissaient entendre leur voix…

Et il avait fallu qu’ils débarquent avec trois personnages de l’histoire, morts depuis des siècles mais parfaitement vivants pour les effets, avec une femme qui n’était pas enceinte en quittant le village trois mois auparavant et qui en arrivant accouchait d’un robuste garçon et cela pour ne pas parler des fameux chats, Sage et Noble, dont Dawson et les autres parlaient à tort et travers à qui voulait les entendre. Personne n’avait revu ces bêtes mythiques depuis mais l’histoire courait de bouche en bouche…

Qu’elle revienne avec Dan et pas avec Neil avait fait des gorges chaudes. Ils avaient eu beau raconter par le menu leur misères et autres aléas du Destin, on les avait écoutés par politesse, sans croire un demi-mot. Que Jenny, Lewis et Le Gallet appuient leurs arguments n’avait pas fait le poids. On les considérait complices d’allez savoir quelque intrigue tordue.
La mairesse Bones se comportait bizarrement. Lind l’avait pourtant tenue pour une personne sensée, tout comme Neil, tant et si bien qu’il lui avait confié le village, or là, tout régnait sauf l’ordre paisible de jadis. Une espèce de tyrannie éclairée dominait les vies et le moindre écart était passible de prison. Les historiques en firent les frais. Essayer de faire valoir son statut d’ex première dame, ne donna pas grand-chose mais au moins on relâcha Richard & Co. Et on leur octroya un bungalow, sous surveillance stricte.

Le retour, au compte goutte, du groupe de Neil, éveilla de nouvelles hypothèses, surtout qu’avec les amis de toujours venaient trois dames…tous aussi historiques que ceux détenus au bungalow. Ce n’était pas tous les jours qu’elle rendait visite à Elisabeth, Impératrice d’Autriche, à Hélène, la belle de Troie et à Amelia Earhart. Elles tout comme le reste de l’équipe de Neil soutenaient mordicus que celui-ci était parfaitement vivant et ne devrait pas tarder à les rejoindre par la même voie qu’ils avaient empruntée. Certes des décalages plus que bizarres s’étaient suscités dans leurs retours. Ils assuraient n’être partis à quelques minutes d’écart or là, entre leurs arrivées ils s’étaient passés quelques jours.

Veronica…je t’en prie. Neil est là bas, tous l’assurent…cela fait déjà deux jours que les derniers sont rentrés…Envoie quelqu’un le chercher…Vous avez les coordonnées, je sais très bien qu’elles restent enregistrées…Bien sûr que je le sais, j’étais là quand Neil a programmé cela…Laisse moi y aller…

Il n’en est pas question. Nous avons déjà assez de problèmes comme ça.
Ces gens sont sans doute l’avancée d’une invasion…


Ne dis pas de choses pareilles. Tu es paranoïaque, ma parole. Ces historiques là n’ont rien à voir avec une invasion.

Tu sembles beaucoup tenir à eux, surtout à celui qui se prétend Achille…

Ils sont mes amis et je ne tiens pas plus à Achille qu’aux autres…et il ne prétend rien…il est Achille !

Lindsay, s’il te plaît, quel lavage de cerveau, le tien…

Que dirais je du tien, Veronica Bones, mon mari a cru en toi et t’a confié ce village et que fais tu ?...Dès que tu en as l’opportunité, tu le laisses tomber…je vois que le mirage du pouvoir fait un bel effet sur toi !

L’autre s’était levée, outragée.

Pense ce que tu voudras, petite dame. Ta voix n’est plus importante ici. Tu te soumets, comme les autres ou tu…

Moi quoi ? Tu vas me bannir parce que je te dis la vérité ! Traîtresse !

Et je t’avertis, Lindsay…si toi ou tes amis osent s’approcher de la zone 51, on vous abattra sans miséricorde !

Lind avait eu beau tempêter et l’envoyer se faire voir en enfer, deux gardes armés l’avaient sortie de la maison communale en la bousculant. En désespoir de cause, elle était allée au centre médical, pleurer sur l’épaule de Dan.

Je ne sais plus que faire…Bones refuse toute aide pour aller chercher Neil. La Zone est fermée…elle a menacé de me laisser abattre comme un chien si je m’y pointais…

Il avait tapoté son dos, caressé ses cheveux puis déposé un baiser sur son front. Calme et rassurant, si plein de bon sens. Elle pleura un petit peu, se laissant consoler parce que cela l’isolait un peu de ses peines.

Qu’est ce que je ferais sans toi ?

Il avait trouvé plein de choses à lui dire et elle avait fini par rire, comme toujours. Et il avait fallu que cette commère langue de vipère de l’infirmière Wrobel entre sans préavis. Les trouver ensemble suffisait largement pour que le lendemain coure la rumeur qu’elle et le Dr. McIntosh vivaient une romance torride profitant de l’absence de l’ex-maire.

Chez les historiques, les préparatifs pour le « jugement » allaient bon train. Andrew Pagitt serait leur avocat de la défense au cas où les choses arriveraient à ce point. Elle et tous ceux avec qui ils avaient partagé l’aventure fantastique, Hopeman inclus, étaient prêts à témoigner en leur faveur. Théoriquement, rien ne devrait aller trop mal…


Le jour venu, elle se réveilla en plein découragement, la larme facile, le cœur en miettes. C’était son anniversaire et évidemment personne n’y penserait. Neil lui manquait plus que jamais. Elle ne comptait plus les nuits blanches passées à pleurer comme une Madeleine en priant à en rester sans voix pour qu’on le lui rende. À mi matinée, alors qu’elle vaquait encore hagarde et les yeux rougis, un des employés du marché s’était pointé avec un énorme bouquet de roses rouges.

Pour vous, Miss Lind…heureux anniversaire de la part du toubib !

« À la plus belle des fleurs. À ce soir, Dan »

Elle mit les fleurs dans un vase et pleura le reste de la journée. La réunion à la salle communale serait à 21 :00. Lindsay prit son temps pour s’arranger dans l’espoir d’avoir une mine moins ravagée face au tribunal.
Dan l’y attendait, pour aller prendre place au rang des témoins de la défense.


J’espère que l’idée d’Achille fera son effet…sans cela…on devra se battre. Domingo et les autres sont prêts à passer à l’action, lui souffla t’elle, j’ai une de ces trouilles…savais tu qu’en plus…Bones a fait inclure que…il y a présomption de meurtre sur la personne de Neil ?...Comment peut elle dire cela ?...Neil n’est pas mort…ce n’est pas vrai…je le saurais…je le sentirais…Il va revenir…n’est ce pas ?

La suite fut un cauchemar éveillé. À croire que le tribunal avait pris sa décision sans même écouter ce que les accusés avaient à dire. Comme prévu on les accusait de la mort de deux hommes. Celle du gardien de la prison occis par Achille pour sauver Sissi et celle de Neil Chesterfield par un ou des inconnus, en date imprécise et lieu idem.

Neil n’est pas mort !!!

Crier au vent. La main de Dan serra plus fort la sienne.

Les historiques avaient plaidé leur cause avec brio et grande éloquence. Qu’ils soient vêtus tel quel à leur époque donnait un réalisme impressionnant à leur déposition. Rien n’y fit : le sentence était donnée. Ils seraient bannis. C’est alors que se produisit l’inattendu.

Pardon de débarquer comme un cheveu dans la soupe mais… je suis vivant !

Arrêt sur image. Était ce possible que cet homme hirsute, barbu, sale et dépenaillé soit…

NEIL !!!

Il ne la regarda même pas. Impossible pourtant qu’il ne l’ait pas entendue. Avançant vers l’estrade improvisé, l’ex-maire n’épargna pas virulence dans ses paroles.

Je sais, je pue, suis poilu… je reviens de loin ! Vous voyez, ces dames ne m’ont pas occis. Je pourrais leur en vouloir… ainsi qu’à d’autres ici présents de m’avoir un tant soi peu « oublié » à mon sort mais votre ancien maire vous salue tous ! Veronica… Tu y vas fort, là… Ces gens sont bien ce qu’ils prétendent ! J’ai côtoyé ces dames et suis très satisfait de les voir réunies à leurs compagnons dont je ne mets pas un instant leur identité en doute, moi !

La stupéfaction était de mise côté tribunal. La défense jubilait. Lindsay ne comprenait rien à l’attitude de son mari qui mit en doute l’efficacité de l’exercice de Bones comme mairesse. Celle-ci en proie d’une stupéfaction extrême ne pouvait que balbutier. Neil ne se laissa pas impressionner de voir son teint prendre un ton cendré et poursuivit ses reproches et assertions, se portant garant de l’identité des historiques. Il donnait des ordres, mine de rien.

*C’est ça, chéri…ferme lui le clapet. Reprends ton poste !*

Mais celle là ne semblait pas être son intention immédiate, sans faire attention aux applaudissements très nourris qui accueillaient son intervention, il déclara avoir dit ce qui avait à dire et faisant demi tour quitta la salle, sans accorder tant soit un regard à Lindsay, abasourdie de tant d’indifférence.

Mais…qu’est ce qui lui prend ?...Pourquoi est il si…

Dan donna quelques possibles explications mais aucune ne tenait trop le chemin. Que Neil soit confus, fatigué, malade peut-être n’expliquait en rien une réaction si étrange.

Je…je dois lui parler…il me dira !

Plantant Dan et les autres là, elle suivit le même chemin de son mari au pas de course. Neil devait être très pressé car en sortant de la maison communale, Lindsay ne fut pas capable de le voir. Courant toujours, elle arriva jusqu’à leur maison. Il y avait de la lumière, Neil s’y trouvait donc, en toute évidence. Elle finit par le trouver à l’étage…en emplissant à toute hâte une valise avec ses effets personnels.

Neil…mais…qu’est ce qu’il se passe ?...Pourquoi fais…Neil ! Regarde moi, s’il te plaît…réponds moi…

Sa réponse, sèche et amère, tout en bouclant son bagage, la terrifia.

Non, Lind ! J’ai vu, j’ai lu, j’ai pigé. Je vais dans un pavillon de célibataires. Amuse-toi bien, salue Dan au passage ! Ciao.

Elle sentit son sang ne faire qu’un tour.

Tu as vu ?...Lu ?...Quoi donc !? Explique toi…

Il n’avait rien à dire, sa seule envie était de s’en aller au plus vite. Trop facile. Lindsay était de nature paisible et docile mais l’injustice flagrante de ces accusations la fit se rebiffer. Se plantant devant la porte, elle lui barra passage.

Cela fait presque un mois que je meurs d’angoisse tous les jours en pensant au pire…Oui, monsieur, presque un mois…Demande à quiconque…mais ce n’est pas le point…de quoi tu parles ? Qu’as-tu vu…lu ou sais plus quoi encore ?

Ce qu’il débita, agacé, l’ébranla.

QUOI ?...La carte de Dan dans le bouquet !?...C’est juste un gentil détail pour me remonter un peu le moral, idiot…aujourd’hui…c’est mon anniversaire…tu l’as oublié, n’est ce pas ?...Qu’il tenait ma main au tribunal ?...Qu’est ce qu’il y a de si affreux ? C’est mon meilleur ami ! Tu n’as pas idée de tout ce que nous avons passé ensemble après que…

Sans la laisser finir de parler il largua une remarque si désobligeante et de si mauvaise foi que le premier réflexe de Lindsay fut de le gifler.

Tu es un imbécile, Neil Chesterfield.


Elle le laissa passer et l’entendit descendre l’escalier puis sortir de la maison. Ce n’est alors qu’elle réalisa être en train de trembler…de rage !

Qu’il aille au diable !!!

Incapable de rester là à se ressasser de cette nouvelle misère, elle se décida à rejoindre ses amis, réunis chez les historiques, fêtant sans doute, la victoire sur Bones et ses alliés. Elle y arrivait quand Dan qui s’y rendait aussi, la héla. Il ne manqua pas de remarquer le rictus amer de sa bouche et l’éclat rageur de ses yeux.

Neil m’a quittée. Il est allé se réfugier à un pavillon de célibataires…Pourquoi ?...Et bien, Monsieur croit que toi et moi…enfin, tu comprends !

Il n’en revenait pas, vexé d’être jugé si légèrement par celui qu’il avait toujours considéré un ami et tenu pour homme sensé et intelligent.

Elle haussa les épaules, démoralisée.


Ne t’en fais pas…Il y verra clair, s’il le veut...sinon…Non ! Je ne vais pas lui courir après…c’est blessant qu’un mari soit si…enfin…Je ne veux pas en parler, Dan !

Sans cœur à s’amuser, Lindsay ne resta pas longtemps à la réunion et rentra chez elle, escortée par Domingo qui avait tenu lui aussi à présenter ses vœux de bon séjour au village aux historiques. Il avait été présent au tribunal et n’avait sans doute pas raté l’entrée et sortie de scène de Neil, mais la discrétion même, le brave homme se contenta de la laisser à sa porte et après lui avoir souhaité bonne nuit, rentra chez lui, au pavillon de célibataires.

Restée seule, Lindsay se résista à sombrer dans le désespoir mais sa force finit par flancher. Encore une nuit blanche à pleurer sauf que cette fois ce n’était pas l’absence de son chéri qui l’accablait mais son manque absolu de confiance…
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Neil Chesterfield

Neil Chesterfield


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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptySam 2 Juin - 11:20

Depuis la seconde où il l’avait vu passer la Pierre et disparaître, Neil n’avait eu de cesse de retrouver sa femme. Plus que les Walker- mission initiale- c’était elle qu’il désirait rejoindre du plus profond de son cœur.
Les aléas multiples voulus par dieux ou diables, il ne les compta plus. Il opéra du mieux possible avec les moyens du bord pour gérer la situation catastrophique dans laquelle il avait embarqué malgré lui ses compagnons d’infortune. Il n’était pas un dieu, ni un surhomme, juste... un homme avec ses qualités et ses faiblesses. Certes, il aurait pu se taper dessus et se traiter de tous les noms pour avoir failli maintes fois dans ses décisions pas toujours au top. À son corps défendant, Neil était persuadé avoir toujours agi pour le bien de la communauté. Si certains lui en voulaient, qu’y pouvait-il ?

Quand tous ceux qu’il désirait protéger eurent disparu de son monde, il avait attendu le samouraï autant que permis. Ne le voyant pas se pointer, las de s’attarder, Chesterfield s’était résolu à, lui aussi, franchir le pas.
Ce qu’il découvrit à son arrivée le dérouta mais rien, absolument rien, ne l’avait préparé à la baffe monumentale qu’il se prit en pleine gueule à son retour.
Les faits étaient criants par eux-mêmes, sans besoin d’un dessin. Lindsay, celle en qui il avait foi, totale confiance, avait bafoué leur serment de mariage.
En tout et pour tout, selon ses calculs, ils avaient été séparés un maximum de 15 jours.
Qu’en si peu de temps sa belle ait trouvé réconfort dans les bras d’un autre, le sciait, l’ulcérait.

Au débat, il débita ce qu’il avait à dire avec conviction et une idée derrière la tête : filer.
Si son intervention avait été utile, tant mieux. Fuir le cirque, les arcanes était ce qui prévalait.
Voilà sans compter avec sa « douce » moitié.
Coincé, Neil dut l’affronter alors qu’elle lui barrait farouchement l’issue:


Cela fait presque un mois que je meurs d’angoisse tous les jours en pensant au pire…

Un mois ? 15 jours au plus, te fous pas de moi, ça change pas grand-chose.

Oui, monsieur, presque un mois…Demande à quiconque…mais ce n’est pas le point…de quoi tu parles ? Qu’as-tu vu…lu ou sais plus quoi encore ?

Il prit la mouche au vol :

Tu n’étais pas là ! Pas que je m’attende à un accueil en fanfare mais quand même, qu’est-ce que je trouve : un bouquet de roses… très cher… Des mots doux sur le carton… une invitation… Et au tribunal, vous étiez si touchants, main dans la main… SUIS PAS CON !

QUOI ?...La carte de Dan dans le bouquet !?...C’est juste un gentil détail pour me remonter un peu le moral, idiot…aujourd’hui…c’est mon anniversaire…tu l’as oublié, n’est ce pas ?... *C’est déjà cette date ? Tu mens ! * Qu’il tenait ma main au tribunal ?...Qu’est ce qu’il y a de si affreux ? C’est mon meilleur ami ! Tu n’as pas idée de tout ce que nous avons passé ensemble après que…

Je me passerai des détails de ce que vous avez faits « ensemble », merci !


Il ne s’en prit pas une mais la belle était assez furieuse.

Tu es un imbécile, Neil Chesterfield.


*Et toi, une garce…*

Dès que la porte se libéra, Neil s’engouffra vers la sortie.

Le pavillon des célibataires, comme son nom l’indique, accueillait les isolés en attente d’un logement privé ou qui choisissaient cette résidence pour ne pas se sentir complètement seul.
Constitué de deux bâtiments – un pour chaque sexe - ouvert jour et nuit sans couvre-feu, on pouvait y débarquer sans que questions soient posées. Pourtant l’arrivée de Chesterfield fit sursauter le vieil Angus Yates, concierge côté des garçons.


Monsieur le maire, mais… Il y a eu le feu chez vous ?

En quelque sorte oui, Angus ! Et je ne suis plus maire… Il y a de la place ?

Aucun souci de ce côté, Neil pouvait emménager immédiatement.
Longtemps, il laissa l’eau de la douche lui couler sur la nuque et le dos, incapable de réfléchir sereinement à cette situation bouleversante. Jamais il n’avait imaginé que Lind puisse lui faire un coup pareil. Qu’avait-il raté pour qu’un tel revirement d’affection se produise ? En général, il existe des signes avant-coureurs à ce genre de chose. Lui n’avait rien vu, deviné ou suspecté.


*Parce que tu étais aveugle, et elle une parfaite comédienne !*

Comédienne ? Non ! Pas Lind, pas SA Lindsay. Impossible qu’elle lui ait menti tout ce temps. Quelque chose devait avoir changé, quand et où étaient d’autres questions qu’il se refusa d’aborder avec lui-même pour le moment.
Malgré l’heure tardive et sa fatigue, Neil n’avait pas envie de dormir. Par contre, il ne cracherait pas sur un verre ou deux. Descendu au bar désert de l’établissement, il s’attabla derrière une colonne et avait déjà éclusé cinq bourbons secs sans même s’en rendre compte quand Domingo Chavez entra en compagnie de Lewis. À quoi bon se manifester ? Par sa position, Neil était parfaitement dissimulé, broyer du noir seul lui convenait. L’ennui c’est que ses « hommes » avaient un coup dans le nez et le verbe haut. Neil passa du rouge au blanc en écoutant les propos échangés :


Ça t’étonne que le patron se soit taillé ? rigolait Lewis. Il a dû voir ce que ce que MOI j’ai vu quand on était planqué dans le grand arbre ! Ça lui plaisait à la pt’ite, j’te dis ! (Suivirent des bruits mouillés imitant des baisers)

Elle avait l’air chose, ce soir…

P’tet que le toubib reluquait la p’tite brunette plus qu’elle (rire gras)

Le patron est un chic type, il ne mérite pas ça…

On lui présentera Miss Borija, elle aime les blondinets...

Que deux de ses employés et amis refassent sa vie ainsi découragea Chesterfield encore plus.
Alors Lind se fichait bien de sa poire en affirmant que Dan n’était qu’un ami ?
Lorsque les autres allèrent cuver leur vin, Neil tituba bellement loin derrière eux avec une bouteille de scotch à la main. Le plafond se contempla encore de nombreuses heures à noyer son chagrin.

Une gueule de bois monumentale l’assommait à moitié au matin. La douche l’aida un peu, le fond de la bouteille beaucoup. Rester à picoler dans une chambre minuscule n’aidant rien, Neil se secoua un peu.
Le grand air lui procura un soupçon d’énergie, assez pour aller baguenauder alentours. Même si son dernier repas remontait à loin, il n’avait pas faim. Pourquoi ses pieds le conduisirent-ils alors du côté des boutiques d’alimentation ? Bonne question. Quoiqu’il en soit, la vitrine sur laquelle son regard vide s’arrêta ne manquait pas d’animation. Un client chevelu semblait en proie à un grand désarroi. Cette tignasse, il l’avait déjà vue, pas plus tard que la veille.


*Qu’est-ce que le mari d’Hélène fabrique-là ? *

Son entrée dans la boutique lui donna la réponse : le roi n’avait pas un rond ! Afin d’éviter un esclandre, Neil paya l’addition et sortit dans la rue avec le 14ème du nom qui devait être très physionomiste puisqu’il le reconnut presque aussitôt en l’inondant de gracieux remerciements.
Étrange bonhomme que ce Louis. Voilà qu’il se mettait à vanter les mérites de Lindsay. Avait-il eut vent de leurs soucis conjugaux ? Après tout, il avait fréquenté de près Mrs Chesterfield pendant plusieurs jours. Curieux de connaître le point de vue royal, Neil laissa Louis débiter son petit laïus. Lind aurait pensé à lui tous les jours ? Pleuré la nuit ? Et le toubib la consolait, bien sûr…


Un parfait gentleman, vraiment ? Il ne s’est pas gêné de l’embrasser et elle de répondre d’après ce que j’ai entendu, grogna-t-il.

Sa majesté s’outra, prétendant que Lewis était souvent ivre et que Lindsay n’aimait que lui, son mari.
Neil haussa les épaules. Que croire en définitive ? Le roi, apparemment pressé de rentrer chez lui, mais désireux d’approfondir les relations amicales, l’invita à dîner chez lui, le soir même.


C’est très gentil, votre majesté. Je ne serais pas un convive très agréable, je le crains, et…

Impossible de contrecarrer les désirs de Louis sans paraître impoli, donc Chesterfield promit.

La journée de Neil s’écoula lentement. Lorsqu’il avait abandonné sa fonction mayorale au profit de Veronica Bones pour partir en quête des Walker, le jeune homme n’avait pas trop réfléchi à l’avenir au retour. Il s’était peut-être vu gentleman farmer en coulant des jours paisibles auprès de Lind, là tout était compromis. Les diamants mis de côté devraient être partagés à parts égales. Ce qui resterait ne couvrirait pas les frais d’une exploitation agricole moyenne. Le commerce avait toujours été la fibre de prédilection de Chesterfield. Bien sûr, s’il désirait développer un négoce quelconque il lui faudrait commencer à la base… sauf si un des petits patrons actuels avait besoin d’un financier.
La meilleure façon de se renseigner sur les offres d’emchauche était d’aller à la maison commune. L’accueil qu’il y reçut fut des plus mitigés. Beaucoup de ses anciens collaborateurs avaient été remplacés, et ceux encore en poste semblaient ne pas savoir sur quel pied danser face à lui. Certains lui tournèrent carrément le dos, d’autres le saluèrent de loin en hésitant.
Pourtant l’un d’eux - Christopher Banks – se montra plus… chaleureux.
Alors que, comme tout citoyen banal, Neil faisait la queue face au bureau de l’emploi, il ne put ignorer les signes dont Banks le gratifia en douce. Celui-là voulait lui parler. La file des quémandeurs était longue. La quitter et la reprendre lui feraient perdre un temps fou. Pour ce qu’il en avait à foutre du temps…

Salut Chris ! Qu’est-ce que…

L’autre posa un doigt sur la bouche, lui harponna le poignet et l’entraîna dans une succession de couloirs jusqu’à un bureau vide.

Oh Neil ! jubila Banks en lui octroyant une accolade étouffante. Je suis si content que tu sois rentré ! Si tu savais…


Très surpris par la chaleur de bienvenue et le ton conspirateur de son ancien collaborateur, Neil écouta la tirade de l’autre :

Tout va de mal en pis depuis que tu es parti. Tu avais choisi Veronica parce qu’elle était au top des relations publiques, elle a changé du tout au tout ! Les prix sont devenus faramineux, les gens aigris, les spéculateurs légions...

Le tableau complet du chambardement atterra Chesterfield. Il avait mis des mois avec le comité à établir des règles équitables pour tous. Là, on semblait être revenu à l’époque d’Higgins, le commandant de bord qui se prit pour Dieu. Une sorte de junte militaire régnait…
Assez déboussolé, Neil tenta de calculer mentalement l’espace-temps. La remarque de Lind sur son anniversaire lui traversa l’esprit, le troublant :


Quel jour sommes-nous, là, maintenant ?

Le 15 avril…

Neil chancela légèrement. Il dut se raccrocher au bras de son ami, complètement anéanti.

Je comprends, dit Chris en lui tapotant le bras. Cela fait plus de six mois que vous êtes partis à la recherche des Walker et un seul que ta femme est revenue avec Jenny qui a eu un bébé…


Boum, boum, boum ! Ces nouvelles l’assommèrent quasiment.

Le… le temps ne s’écoule pas de la même manière des deux côtés de la Pierre, murmura-t-il, perdu.

On a compris ça avec les récits fantastiques de Lewis et Le Gallet. Ça a fait du foin ces histoires d’Historiques… Mais maintenant, tout va rentrer dans l’ordre, hein patron ?

Euh… je ne vois pas comment…


Il suffit de reprendre ton poste ! On est beaucoup à penser pareil depuis que l’on t’a vu sur l’estrade hier. Bones est dans ses petits souliers, elle sent d’où le vent vient. Avec les autres du comité, on a décidé que, puisqu’un vote devait avoir lieu, ce serait l’occasion de refondre la direction. Veronica a eu beau tempêter, c’est en route. Il y a trois candidats en lice… actuellement.
Les inscriptions se clôturent demain soir. Va ajouter ton nom, tu feras un carton
.

Je… je ne sais pas… Il s’est passé tant de choses… Je ne suis pas sûr de le pouvoir ni… de le vouloir.

Son ami n’en crut pas un mot, croyant que la fatigue ressentie par le baroudeur était seule en cause. Il lui assura que ses partisans étaient très nombreux et que l’éclat de la veille au tribunal en avait encore conquis d’autres.

Je verrai, dit-il, las, sans rien promettre en quittant Banks.

Il poireauta sagement deux heures dans la maison commune où il dut s’inscrire dans une liste de demandeurs d’emploi avant de visiter le bureau des attributions de propriétés et des patentes commerciales. À trois heures de l’après-midi, il sortit enfin de l’administration, crevé mais beaucoup plus au fait des soucis des villageois qu’au matin.
Il n’en revenait pas. Tant d’informations en vrac de la part de Banks puis par ses écoutes des potins qui circulaient entre quémandeurs, ses propres constatations devant la bureaucratie, lui donnaient le vertige. La faim aussi, un peu…
Un mini sandwiche lui rendit des forces, il se rattraperait au soir en compagnie des Historiques.
En attendant, plusieurs heures restaient à tuer.
Faire le tour du village, en simple citoyen, lui confirma qu’un malaise profond y régnait.
L’humeur des gens était à couteaux tirés.
Sa balade le mena à la maison des Walker, à plusieurs lieues du centre du bourg. Jenny et Luke avaient eu le sens des affaires. Un travail acharné leur avait permis d’acquérir de belles terres et un beau cheptel. Des traces de l’incendie qui avait ravagé l’exploitation étaient encore visibles ça ou là mais, dans l’ensemble, cela tournait gentiment.
Jenny lui sauta au cou dès qu’elle fut avertie de sa présence et, naturellement, elle s’enquit de Lindsay :


… euh… je suis venu seul… Non, non, tout va bien, qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Vite, noyer le poisson.

Serait-ce trop demander que de voir le petit trésor dont tout le monde parle ?

Dans la chambre des époux Walker trônait un beau berceau dans lequel dormait un adorable bébé.
La fierté de Jenny était remarquable. On baissa d’un ton pour ne pas éveiller le poupon tandis que des questions habiles assaillirent Neil.
Ramené au séjour, une boisson entre les mains, il dévia la plupart des interrogations en soumettant Jenny au même traitement :


… Non, nous n’avons pas trouvé traces de Luke. Il est donc « captif » des, euh, élus ?... Ah, tant mieux si tu n’es pas trop inquiète… Colbert, c’est qui ça ?

Neil le sut très rapidement quand une boule de poils facétieuse lui tomba sur la tête pour un épouillage en règle. Jenny rigola en lui expliquant beaucoup de choses mais redevint sérieuse en parlant de Lindsay. Au lieu de le rassurer, les propos de la jeune femme l’agacèrent :

Pourquoi tout le monde me vante-t-il les mérites de ma femme ?... Elle le mérite ? Les avis sont très divergents, et j’ai vu… oui, j’ai vu des choses… Si, dans le mille ! Si tu veux le savoir, je suis parti… Si, je l’ai fait ! Tu crois que c’est marrant de la voir se frotter à Dan, de voir ses attentions envers elle ? … Un jeu d’apparences trompeuses ? … Déjà dans le groupe initial, je fermais les yeux sur ce qui se tramait sous mon nez. Là, je les ai ouverts… Tu ne sais rien, tu n’y étais pas ! … Elle ne s’est d’ailleurs pas tellement défendue du contraire, je te signale… Vexée ? Pourquoi le serait-elle, parce que j’ai oublié son anniversaire ? Je viens seulement de savoir quel jour on est !... Que je pense qu’elle soit capable de tromperie ? Eh bien oui, je le pense ! Les faits sont là : je suis déçu.

Jenny crut bon de plaider un peu mais il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Merci pour ton invitation à rester dîner. Je vais rentrer au village faire la connaissance de vos trois Historiques masculins… Oui, c’est Louis qui m’a invité, je l’ai dépanné dans un magasin. Au fait, c’est fou ce que la vie est devenue chère dans le coin. Comment marchent tes affaires ?

Elle lui conta diverses anecdotes et plaintes, insista encore pour le retenir puis le laissa partir après un denier regard attendri au petit Nick qui réclamait sa pitance.

De retour au pavillon des célibataires, Neil dormit une petite heure avant de se préparer à affronter le groupe des six personnages extraordinaires. Ces dames l’avaient connu dans sa tenue de combat, autant leur donner une image plus flatteuse de sa personne. Pas de smoking quand même, mais un beau costume de lin sur le dos, il opéra de menus achats en allant chez le roi.
Avec ses confiseries et vin dans les bras, il se trouva fin face à une porte de bois. Nul ne répondit à son coup de sonnette et, reprenant ses présents, il était prêt à faire demi-tour quand il lui sembla percevoir de la musique venant de l’arrière de l’habitation. Pensant que les hôtes l’attendaient au jardin, il contourna le bâtiment. Au lieu d’une joyeuse réunion, Neil eut la surprise de trouver le jardin vide d’occupants. Néanmoins, un décor charmant avait été dressé près de la piscine. Sous une tonnelle, éclairée de bougies, une petite table se parait d’un service pour deux.
Un bref instant, Neil révisa ses cours d’histoire. À moins que celle-ci ne se leurre, Louis n’était pas du même bord que son frère… Donc, il n’ s’agissait pas d’une coquetterie du roi dans un rendez-vous galant qui lui aurait destiné. La musique de fond, transmise par la radio, donnait à l’atmosphère un romantisme de bon ton. Avait-il mal interprété l’invitation ? Un petit dressoir, garni de plats couverts de film transparent, prouvait qu’un dîner devait avoir lieu. Champagne dans son seau, bouteilles de vin débouchées… ne manquaient que les convives.
Une toux discrète le fit sursauter. Se dévoilant derrière un pan de la tonnelle, une créature de rêve s’avança vers lui. D’abord muet, Neil se racla la gorge :


… Miss Borija, euh… quel bon vent vous amène ?

De son rire un peu feutré, la belle expliqua ce qu’elle savait de la situation : le roi l’aurait invitée à un dîner en tête-à-tête et lui avait posé un lapin...


*Et le lapin, c’est moi !*

De Lucrèce, Neil connaissait surtout la réputation. Les paroles un peu crues de Lewis lui revinrent en mémoire :

* On lui présentera Miss Borija, elle aime les blondinets*


C’était donc ça le deal ? On voulait le recaser avec cette femme et Louis était dans le coup ?
Il ne nierait pas que Lucrèce possédait des… atouts. Cependant, la seule femme qui comptait réellement à ses yeux n’arrivait pas à la cheville de celle-ci. Il bafouilla, très embarrassé :


On dirait que l’on nous a piégés… Euh… Oui, enfin non ! Je ne suis pas déçu, juste... surpris… Comment, une coupe ? Oui, bien sûr !

La belle trouvait dommage de gâcher tant de bonnes choses. Encombrés de ses présents, Neil offrit les friandises à la demoiselle, posa sa bouteille et déboucha le champagne.
Des verres tintèrent, la conversation, étonnamment facile, s’engagea,
Neil ne comprit pas trop comment, d’un coup, il se sentit si détendu face à cette petite brune aux yeux sombres qui battait abondamment des cils en passant fréquemment un bout de langue rose sur le bord de ses lèvres pulpeuses. Tout ce qu’elle racontait lui parut divin.
Avec aisance, elle discourut sur les Historiques, se moquant gentiment de chacun d’eux avant de parler du village et des calamités subies depuis que Chesterfield était parti.


… renégate, vous ? Il faudra y remédier, je n’ai jamais toléré… l’intolérance…

Bon Dieu, qu’est-ce qui lui arrivait ? Certes, il avait picolé le ventre quasi vide mais quand même…
Voilà que la belle ensorceleuse se chargeait du service. Ondulant de ses hanches parfaites, Miss Borija lui garnit une assiette qu’elle lui présenta avec une inclinaison du buste si décolleté que Neil faillit y plonger. Mais, surmontant la musique d’ambiance, des sons étranges en provenance d’un bosquet proche détournèrent l’attraction.
Levé d’un bond, détestant les espions, Neil accourut à la source des échanges animés. Il vit rouge :


Lind ? Qu’est-ce que tu fous ici ? Tiens(railleur) Dan, quel heureux hasard !... Moi ? Je dîne, ça se voit pas ? … Hey, doucement toubib ! Ah bon ?


Il s’en prit plein la gueule avec des qualificatifs très bien sentis de la part d’un McIntosh remonté. La moutarde lui piqua le nez. Neil contrattaqua :

Traite-moi de ce que tu voudras mais ce n’est pas moi qui étais en train de peloter ma femme dans ce bosquet. De toute façon, je suis au courant. Bon vent !

Aveuglé par sa rage, il n’avait rien vu des larmes de Lindsay ni de la joue écarlate de Dan qui venait de s’en prendre une magistrale.
Que l’autre lui saute sur le râble était logique en soi. Belle soirée finalement que de pouvoir noyer un toubib en dessert !
Il fallut que les deux femmes s’en mêlent pour séparer les chiens qui se battaient à mort dans la piscine où leur rixe les avait fait choir sans refroidir leur ardeur.
Lind s’éloigna avec son toubib trempé. Neil resta à chasser le chlore avalé avec du champagne rosé accompagné de mignardises savoureuses.

Au matin, la population en émoi vit s’inscrire le nom de Neil Chesterfield en quatrième candidat au poste de maire.

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Lindsay Fairchild

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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptyJeu 7 Juin - 21:54

Comment un homme peut il être si aveugle, sourd et stupide ? La réponse était, à l’avis de beaucoup de femmes plus qu’évidente, mais bien entendu, pour Lind, ça frôlait l’absurde. Son Neil était le meilleur des hommes, si plein de bon sens…

Le meilleur des hommes ne vaut pas la corde pour le pendre !, Mrs. Alicia Barton, l’artifice de cette vérité était tenue pour un pilier de sagesse. La vieille dame, amie de sa grand-mère devait savoir de quoi elle parlait, tout compte fait, elle avait trois mariages à son avoir.

Quoique pour le moment, le bon sens de son chéri pouvait bien être mis en cause. Si elle avait cru que le matin, après une nuit de mûre réflexion, trouverait Neil sur le seuil de sa porte, la jeune femme dut vite déchanter. Dans ce village, où il ne manquait jamais qui pour informer à titre gracieux…sur quoique ce soit, elle n’avait pas fait trois pas sur la place, que Lind savait que son mari adoré avait passé la nuit à se soûler consciencieusement. Le voir de loin, déambulant par là, ne fit que fortifier le renseignement. Neil s’était bien douché et rasé mais n’avait pas moins une mine de déterré.

*Cela lui ressemble si peu…Dan a sans doute raison, il est peut être malade !*

Mine de rien, elle ne rata pas sa rencontre avec Louis et se demanda de quoi ils pouvaient parler sans se connaître mais n’osa pas s’approcher, même si sachant que le Roi saurait lui dispenser un accueil des plus amicaux. Elle fit quelques emplettes et reprit le chemin de son chez soi si solitaire. Cela faisait presque une heure, à tourner en rond sans savoir en quoi occuper le temps quand on vint lui apporter un message. Attendrie, elle se trouva avec une invitation de Louis qui voulait compter avec sa présence ce soir, pour le dîner. Ses bons amis ne l’oubliaient pas. Cette pensée lui remonta un peu le moral. Bavarder avec les historiques lui ferait oublier un peu ses déconvenues, en plus qu’elle avait vraiment envie de connaître un peu mieux leurs illustres compagnes.

De Neil, pas un mot de toute la journée. Elle ne l’aurait pas crû si tenace et rancunier.

Petite toilette soignée, deux bouteilles de bon vin français soutirées à la petite réserve de Neil, Lind prit le chemin vers le pavillon des historiques. Elle était presque arrivée quand à sa surprise, Dan lui emboîta le pas, assurant avoir lui aussi reçu une invitation.

Ah bon ?...Non, pourquoi cela va m’étonner ?...On est tous amis, non ?...Mais bien sûr qu’on peut arriver ensemble, ce ne sont pas eux qui vont se faire des idées.

*Manquait que ça !*

Louis m’a écrit d’arriver par le jardin arrière…quelle idée, mais enfin…on coupe par le bosquet, ça te dit ?

Il agréa, enchanté. Ils ne tardèrent à arriver. Une douce musique leur parvenait mais point de voix. Une ambiance bien calme pour une réunion d’au moins six personnes.

D’habitude ça suffit avec Louis tout seul pour faire plus de bruit, commenta Lindsay en avançant.

Le spectacle découvert les fit piler à l’orée du bosquet, si brusquement que Dan qui la suivait la percuta presque. Il n’y avait aucune fête ni réunion, seulement un couple. Et pas n’importe lequel. Lind émit un gémissement inarticulé, ce qui se jouait là, face à ses yeux, était trop évident pour s’y méprendre. SON mari et cette vipère de Lucrèce Borija roucoulaient sans aucun gêne et s’en donnaient à cœur joie. Sentant s’étouffer, Mrs. Chesterfield recula, essayant de se mettre à sauf de cette vision de cauchemar et ne réussit qu’à se retrouver dans les bras de Dan, tout aussi consterné…ou peut être pas autant que cela.

Je ne…peux…pas Neil…dis moi que…c’est un mauvais rêve…dis moi…

Il murmura quelque chose d’insaisissable avant d’oser l’inattendu…Il se penchait vers elle et l’embrassait. Ce fut si soudain que Lindsay en resta un instant sidérée avant de réagir, instinctivement et lui envoyer une gifle à lui en retourner la tête.

Tu es devenu fou ou quoi ???
, gronda t’elle en cherchant à se défaire de son étreinte, ce qui donna pour résultat qu’une des bouteilles de vin lui échappe et se fracasse au sol avec le boucan conséquent, mais lâche moi, Dan…ce n’est pas le moment ni le lieu…

Il se défendit à la comme on peut et elle se disposait à l’octroyer d’une autre claque quand l’algarade donna le résultat le moins voulu. Neil, furieux se pointait.

Lind ? Qu’est-ce que tu fous ici ? Tiens, Dan, quel heureux hasard !

Son ton railleur était blessant. Libérée des bras du toubib, Lindsay se dressa, telle furie.

On pourrait se demander la même chose…même si c’est assez évident. Que fais tu ici , toi ?

Il ne manquant pas d’audace pour la réplique.

Moi ? Je dîne, ça se voit pas ?

Vraiment ? Qui le croirait ? Tu manges de la vipère, maintenant !?

Elle aurait pu lui tomber dessus et lui arracher les yeux mais Dan la retint doucement, ce qui ne la fit pas se priver de lui en dire quatre bien senties, que le Dr. McIntosh corrobora, avec une véhémence qu’on ne lui connaissait pas.

Hey, doucement toubib !

Que l’autre menace de le démolir le fit encore ricaner.

Ah bon ?


Trop étant trop, Dan sembla oublier ses bonnes manières et prouva que son vocabulaire ne se résumait pas aux termes médicaux et aux polies tournures sociales.

Traite-moi de ce que tu voudras mais ce n’est pas moi qui étais en train de peloter ma femme dans ce bosquet. De toute façon, je suis au courant. Bon vent !

Lindsay se sentit mourir et n’essaya même pas d’arrêter Dan quand il sauta sur son mari en le frappant avec véritable hargne. Qui l’aurait cru ? Sous son aspect paisible le toubib n’était pas moins en forme, de plus leur aventure « outre-pierre » lui avait endurci muscles et esprit. Neil ne se laissa pas faire si facilement. Dans une mêlée sauvage, ils finirent par tomber dans la piscine.

*Seigneur…ils vont se noyer !!!*


Miss Borija semblait avoir eu la même idée car elles sautèrent en même temps dans l’eau pour essayer de séparer les deux enragés. Par quel miracle de bon sens ou étaient ce peut être ces bonnes manières tant rabâchées, Lind ne sauta pas sur le râble de la brune pour la noyer ? Elle ne voulut pas le savoir. Neil, perdue toute contenance civilisée voulait bel et bien occire Dan. Au risque de se prendre un coup perdu, les deux femmes parvinrent à leurs fins, les paroles, acides de Miss Borija la firent voir rouge :

Fairchild, retenez donc votre chien !


Sale p**e, tu l’emporteras pas au ciel !, de sa vie Lindsay n’avait proféré de tels mots mais c’était aussi la première fois qu’elle se voyait confrontée à une situation pareille, viens, Dan…allons nous en.

Le soutenant bien que mal, elle réussit à quitter les lieux avec sa dignité durement éprouvée et le cœur en miettes. Pressée de s’éloigner du théâtre de sa déchéance, elle ne consentit à s’arrêter qu’en sentant chanceler son chevalier à la brillante armure.

Tu ne vas pas t’évanouir ici…Tiens bon !

L’autre assura que tomber dans les pommes n’était pas dans ses intentions mais qu’il avait un mal de chien partout.

C’est vrai que ma brute de mari t’a mis dans un bel état…tu n’as rien de cassé, au moins ?

Il n’aurait rien juré. Sans poser plus de questions, elle le mena tout droit au centre médical. Le Dr. Olliver, fidèle au poste et ravi de l’être, tenait la garde de nuit. Il poussa des hauts cris en voyant débarquer le couple en soupe et en plus Dan si mal en point.

Je ne veux pas être indiscret mais il me semblerait que ce jeune homme s’est pris la raclée de sa vie !

Rassemblant sa dignité à la comme on peut, Lindsay prit son petit air de grande dame.

C’est qui est ou qui n’est pas, n’est pas d’intérêt, Docteur, la seule chose qui intéresse est savoir si Dan a quelque chose de cassé.

À part coups et contusions diverses, McIntosh se portait aussi bien que possible.

Fameux tabac, en tout cas !
, rigola Olliver en pansant les divers bobos.

Bien sûr, Dr. Olliver, je suppose que le secret professionnel signifie quelque chose pour vous, n’est ce pas !?, s’enquit Lindsay aussi posément que possible.

Motus et bouche cousue. Personne n’eut besoin d’un éclaircissement quelconque le lendemain. Dan arborait un coquart d’anthologie avec la fierté de qui porte la médaille au mérite en combat. Neil ne payait pas trop de mine. Dans un bled dépourvu d’émotions comme celui là, deux et deux ayant toujours fait quatre, les conclusions furent vite tirées et avant que le soleil n’ait atteint son zénith, tout le monde avait sa propre explication des faits.

Vivre dans cet enfer de commérages serait éprouvant mais pas autant que prendre connaissance, comme tout et chacun, que Neil avait décidé de se présenter aux élections et que Miss Borija était tenue d’être sa conseillère de campagne. La réputation de la miss la précédant, il ne restait pas il n’y avait pas de grandes illusions à se faire quant à la teneur de leurs relations, hors travail. On murmurait à tort et à travers mais beaucoup, pour ne pas dire la plupart, se réjouissait avec l’idée de voir Mr. Chesterfield reprendre en main la destinée du village. Son premier mandat, abandonné au nom d’une très juste cause, demeurait dans le souvenir de tous comme la meilleure époque vécue depuis leur étrange arrivée en ces lieux.

Je ne supporterai pas cela bien longtemps…Jen, c’est affreux…du jour au lendemain Neil est devenu un inconnu, une espèce d’ennemi…

Jenny Walker, amie fidèle , essayait de la consoler, de raisonner, de trouver des explications. Malheureusement, de ces dernières il n’y en avait pas trop. Ce que Neil croyait avoir découvert à son retour avait empoisonné leur amour, avait déchiré la confiance et menaçait de les séparer pour toujours. Bien entendu, leur dernière rencontre, avec Dan comme tiers en discorde, n’avait arrangé rien.

Je ne sais que faire…non, je ne vais pas lui courir après…oui, je sais que tu as parlé avec lui, tu me l’as dit…tout le monde a parle avec lui…même Louis. Il ne veut rien entendre, Jen…rien…Je l’aime, je l’ai toujours aimé, tu le sais bien…Dan ? Mais…qu’est ce que tu veux dire !?

Rien d’autre qu’elle ne sut déjà. Elle et le reste du monde. Dan McIntosh était fou d’elle. Cette séparation l’arrangeait bellement. Pour peu de temps libre qu’il disposât, il était aux petits soins avec Lindsay. L’emmenait dîner, lui faisant des petits cadeaux charmants, obtenus de la Pierre Dieu seul sait à quel prix comme ce recueil de poèmes d’Elisabeth Barrett Browning, que Lind, esprit romantique, adorait et relisait…en pleurant à chaudes larmes tant les paroles de la poétesse reflétaient ses propres sentiments.

«… je t'aime du souffle,
Sourires, larmes de toute ma vie ! - et si Dieu en décide,
Je t'aimerai mieux encore dans la mort . »

Rien que d’y penser, elle en pleurait encore. Jennifer Blakely-Walker, dont l‘esprit pratique primait par-dessus tout l’avait invitée à rester quelques jours chez elle. Aider son amie avec le petit Nick l’occupa assez comme pour ne pas penser tout le temps à ses misères mais de là à les oublier…

Depuis l’épisode dans le jardin des Historiques, Dan se tenait à carreau. Parfait gentleman, ami inconditionnel, toujours prêt à mettre son épaule au service de l’éplorée, il n’avait plus essayé une approche comme celle de ce soir là mas Lindsay savait qu’il suffirait d’un geste, d’un simple regard pour qu’il tombe à se pieds, éperdu d’amour. Parfois dans la solitude de son lit solitaire, elle se demandait si elle ne ferait mieux de le faire ce geste, d’avoir ce regard…Neil n’avait fait le moindre effort pour la contacter, c’était comme si d’un seul coup il avait effacé le bonheur si bien partagé pendant leur mariage parfait et l’avait remplacée dans son cœur par cette vipère aux yeux de nuit noire.

En temps voulu, comme tous pouvaient s’y attendre, Neil remporta les élections avec un avantage soufflant sur ses adversaires. Son triomphe fut très bien accueilli par la population, non sans raison. Dès son premier jour en exercice de ses fonctions, la vie prit une meilleure tournure au village. Et comme tous, Lind, qui de loin avait assisté à l’intronisation de son mari en pleurant doucement, ne put que remarquer sa pâleur, ses traits creusés, tirés, comme si à part la fatigue conséquente de cette marathon électorale, quelque mal le rongeait. Elle aurait voulu avoir le courage de l’approcher mais la présence incontournable de la belle Lucrèce avait freiné sec tout élan.

Ayant bien connu leurs compagnons, l’amitié avec les dames historiques, coulait presque de source. Lindsay s’entendait le mieux du monde avec Amelia, sans doute parce que l’aviatrice était de loin la plus contemporaine de toutes mais avec Sissi, à part la fascination qu’avait toujours exercé son personnage sur elle, Lind avait à partager la même disgrâce : Lucrèce Borija, qui cherchait bel et bien a ruiner leurs vies et leur chipant ouvertement les hommes de leurs vies. Avec Hélène, peu de points en commun. La blonde reine toute à son bonheur parfait avec Louis, ne descendait pas de son nuage.

Il y en a qui ont de la chance !...Dire que Neil m’aimait comme ça…

Son soupir aurait fendu l’âme la plus endurcie, Amelia, qui l’avait écoutée sans interrompre dans ses réminiscences crut quand même bon placer son mot :

J’ai trop de mal à croire qu’il se comporte de la sorte, c’est l’homme le plus charmant qui soit, toujours si poli et prévenant, même après son accident...

Accident ? Neil a eu un accident ? Que…lui est il arrivé ? Je n’en savais rien…

Amelia, compatissante, lui tapota la main.

Oui, le pauvre s’est pris un coup à la tête qui l’ai sonné quelques heures…Il a veillé sur nous…toujours si sensé…et amoureux de toi…Hélène assure que même inconscient il t’appelait…Je ne comprends rien…

Vraiment ?...Il…Mon Dieu, je ne comprends rien non plus…je l’ai perdu, Amelia, à cause de cette femme…mais c’est si difficile à accepter…Mon Neil…toujours si droit, si sensé…

*Ton Neil qui se fiche de ta poire et est ravi avec sa vipère !*

Elles changèrent de thème. Amelia la mit au courant des derniers faits. Des nouveaux emplois pour Richard, Louis et Achille. Pour Sissi, Hélène et elle aussi. Qu’elle raconte qu’on les avait chargées des événements socio-culturels du village amena un sourire mitigé à ses lèvres.

C’est ce que je faisait avant…enfin, avais commencé à faire…mais bien sûr, je comprends qu’il ne veuille pas de moi, ce serait gênant...en plus, je suppose que Madame La Conseillère ne serait pas d’accord…Tu sais, Amelia, je n’ai jamais détesté personne…mais elle, je la hais !

Miss Earhart avait soupiré de concert avec elle, sans trouver que dire pour la consoler. Mais on dit que parfois le silence vaut mieux que mille mots.

Le peuple était content. Le peuple était servi. Le maire était devenu une sorte de Dieu vénéré que tous louaient. Il leu avait rendu dignité, confort et même joie de vivre. Ce petit monde étroit tournait rond. Lindsay, sans besoin qu’on le lui en rabatte les oreilles, savait que Neil se sacrifiait au bien être des autres, il l’avait toujours fait, se tuer au travail lui ressemblait bien, reliquat de sa vie d’avant, celle du chef tout puissant de la Chestco qu’il avait si bien su mener au sommet, qui cotisait si bien en Bourse. Il ferait de ce village perdu Dieu sait au milieu d’où ou de quoi, un paradis où il ferait bon vivre.

Bon vivre pour tous sauf pour elle. Jour et nuit elle s’était mortifiée à chercher la cause de son malheur. Un souvenir presque éteint lui revenait sans cesse, un détail presque futile, celui d’un baiser échangé un soir d’ivresse dans les frondaisons d’un arbre devenu, pour les effets, foyer d’un groupe perdu au creux de la catastrophe. Des témoins ? Elle n’avait pas été chercher plus loin mais il ne manque jamais dans la vie qui se mêle des sottises faites en toute ivre innocence. Ce qui manquait d’arriver…arriva. De tant ressasser le souvenir de ce baiser, Lindsay en arriva à se sentir coupable. Et si des racontars à ce sujet étaient parvenus à Neil ? Quand ? Comment ? Peu importait, colporter un ragot surpasse souvent la vitesse du son…Trouver le coupable n’arrangerait sûrement rien, le mal était fait !

Distraite, elle accepta la coupe de vin tendue par Dan. Un demi sourire sans entrain lui releva le coin de la bouche.


À ta santé, Dan…Joyeux anniversaire…ah bon ? C’est pas ton anniversaire ?...Sorry, sais plus à quoi je pense…je croyais…enfin…Euh, non…tu sais bien que je ne l’ai pas revu depuis…Suis lasse d’y tant penser…Dan, tu es l’homme le plus adorable qui existe mais j’aime Neil… Qu’il se comporte comme le dernier des crétins ne change rien…Amelia m’a parlé d’un accident, un coup à la tête…tu crois que cela ait pu…Ah bon, aventureux de le dire sans l’avoir examiné…Tu te doutes bien qu’il ne laissera pas que tu lui mettes un doigts dessus en tant que toubib…ni autrement d’ailleurs…Dan…Dan, comprends le, tu es devenu…ben, disons, son rival…même s’il a l’air de s’en ficher comme d’une guigne !

Cela faisait un bien fou sentir ses doigts s’emmêler aux siens. Elle avait 24 ans et sa vie volait en éclats. Le seul homme qu’elle avait aimé la rejetait de ses côtés et un autre, magnifique, lui offrait son amour et loyauté.

Dan…tu sais que je t’aime…tu es mon meilleur ami…oui, je sais que ce n’est pas ce que tu veux…mais peux pas te donner plus que cela…j’aime Neil…tu le sais, tu l’as toujours su…S’il n’existait pas ?...Mais il existe, Dan !...

Était ce le doux effet lénifiant du vin ? Oui, sans doute. Elle serra ses doigts en soupirant, au temps de répondre à sa question angoissée.

Oui…tu serais sans doute mon choix…mais ce n’est pas le cas !

Bien sûr, à l’heure d’ y penser, il ne ferait pas usage de toute la phrase.

L’affreuse nouvelle l’atteignit, comme à la plupart, au milieu de la place, alors qu’elle faisait ses achats : M. Le Maire s’était effondré au milieu de la séance du Conseil Municipal et on l’avait emmené d’urgence au centre médical. Elle y accourut, affolée et se vit interdire le droit de passage par un malabar.

Je suis l’épouse de Mr. Chesterfield…la légitime épouse, j’ai le droit d’être là…

L’homme hésitait mais l’intervention contondante du chef de la Milice en personne, Achille, mit les pendules à l’heure. Il tint, autant que Richard et Louis, suivis de près par leurs femmes, à l’accompagner en cette heure incertaine. Elle vola chercher Dan pour s’enquérir sur la teneur des faits mais pour alors Neil était sur la table d’opérations et d’autant qu’on savait, l’opération était imminente.

Mais pourquoi ne m’a ton pas prévenue !? …Je suis toujours sa femme, non ?

Il est des choses dans la vie qui ne trouveront jamais une explication logique. Elle était là, à se morfondre quand déboulant comme une folle, Lucrèce la happait du bras et l’entraînait à l’écart en lui larguant un discours inédit.

Écoutez-moi ! Vous avez toutes les raisons du monde de m’en vouloir. Même si je vous dis que vous avez tort, vous ne me croirez pas mais c’est une question de vie ou de mort. Si vous tenez un tant soi peu à Neil, vous devez retarder son opération.

Mais que…me chantez vous là ? Dan va opérer mon mari. Il ne peut être en meilleures mains…

Et l’autre de lui éclairer la lanterne de façon assez brutale :

Dan se trompe volontairement de diagnostic…

Lindsay pouvait être désespérée mais une telle assertion lui sembla insultante.

Et en quoi vous basez vous pour aventurer pareille assurance ?

Euh, intuition féminine ! Réfléchissez deux minutes, Lindsay. Il va avoir la vie de son rival au bout de son scalpel ! Il est bleu de vous et Neil est un obstacle de taille, admettez-le. À moins que le veuvage vous tente…

Elle faillit s’en étouffer.

Mais…mais…Dan ne serait jamais capable…C’est le meilleur des hommes..

Oui, bien sûr, Dan est un ange et jamais il ne lui viendrait à l’idée de changer les choses en sa faveur. C’est un homme, Lindsay et donc il fait partie d’un domaine où je suis inégalable. À bon entendeur…

De quoi l’anéantir.

Vous ne voulez pas dire que…

C’était exactement ce qu’elle voulait dire.

*NON ! Dan ne serait pas capable…NON ! NON !...et si… ?*

Elle se rua comme une folle vers la porte des Urgences mais, comme on pouvait s’y attendre, on lui barra passage. L’intervention était en cours et on ne pouvait pas déranger. Combien d’heures se passèrent, à ronger son désespoir, à prier, à pleurer implorant miséricorde divine, en offrant tous les sacrifices imaginables en sursis de la vie de celui qu’elle aimait par-dessus tout, malgré tout. Il lui sembla que des siècles d’amertume s’étaient écoulés quand Dan, pâle et défait. Fit son apparition. Elle lui sauta pratiquement dessus.

Dis moi qu’il va bien !!! Dis moi…Dan…je t’en supplie…

D’une voix monocorde et éreintée, Mc Intosh la rassura, Neil avait vaillamment supporté l’opération, il devait se réveiller au bout de quelques heures. Personne n’osa s’opposer à qu’elle veille son sommeil et attende son réveil.

Au petit matin, le papillonnement de ses cils la mit en émoi, penchée sur lui, Lind guetta le réveil imminent.


Neil, mon amour…je suis là…tout va bien…

Pour appuyer ces mots elle caressa doucement sa joue. Le regard surpris qu’elle reçût en réponse l’acheva mais jamais autant que son regard hagard, ses premiers mots…et cette question inattendue qui fissura de long en large tous ses espoirs…

Euh…quel est le cours de la Bourse ?...Neil…on n’est pas…


Qu’il réclame à cors et à cris de parler avec Phil Diamond, inconnu au bataillon, l’échéance de tout optimisme…
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Daniel McIntosh

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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptySam 9 Juin - 0:35

Le retour au village se déroula en fanfare avec la naissance la plus hâtive que l’on puisse imaginer.
Le docteur McIntosh avait déjà vu des bizarreries mais celle-là dépassait les bornes.
Bravement, Jenny supporta les douleurs de l’enfantement et, naturellement, elle s’inquiéta énormément.


Tout à l’air normal Jenny ! Je dois faire des contrôles. Repose-toi. Lind, ne la quitte pas, s’il te plait.

Il ordonna une sédation pour la mère et fila au laboratoire avec le petit garçon d’exception.
Méticuleux, aidé d’une infirmière, Dan procéda à divers tests physiques et préleva des échantillons de sang à l’enfant. Pendant que les machines tournaient, le médecin mesura très régulièrement le tour de tête et la longueur des membres du bébé, s’attendant presque à le voir pousser comme un champignon. Heureusement, il n’en fut rien et c’est joyeux qu’il ramena Nick Walker dans les bras de sa mère pour la rassurer pleinement :


Tout, tu m’entends Jenny, tout est normal.

Une grande fébrilité régna au centre médical durant l’accouchement et après encore. Dehors aussi, les gens s’agitaient. La nouvelle avait fait le tour du village à la vitesse supersonique, de partout des curieux se pointaient. Dan, qui détestait parler en public, se vit contraint d’aller donner un bilan de santé dehors. Cela ressembla à une conférence de presse. Les questions lui plurent sur le râble dès qu’il se pointa à la porte du centre. D’abord interloqué par tant d’émois, McIntosh se contenta d’une brève allocution :

Il est exact que Mrs Walker vient d’être ramenée au village. Elle a accouché d’un beau petit garçon de trois kilos 500. La mère et l’enfant se portent bien. Merci de respecter leur repos.

Loin de se calmer, la foule réclama des détails. Des rumeurs folles circulaient, apparemment. Dan s’en ficha et laissa les gens penser ce qu’ils voulaient. Il croyait avoir la paix : raté. La mairesse en personne se dérangea avec une partie du staff. Impossible de lui barrer le passage. Acculé dans son bureau, Dan subit sèchement un interrogatoire en règle :

« D’où sortez-vous ? Où avez-vous retrouvé Mrs Walker ? Qui était avec vous ? Où sont les autres membres de votre équipe ? etc. »

Les réponses du docteur semblèrent attiser la méfiance de Veronica Bones. Bien évidemment, il se garda d’avouer avoir voyagé en compagnie de Louis XIV, d’Achille et Burton au risque de se voir enfermé direct en isolement. Ses hésitations renforcèrent l’inquisition :

« Et Chesterfield ? On dit que sa femme est revenue aussi. Où est-il ? »

Il fallut plus ou moins raconter la blessure de Le Gallet, mais Dan tut l’intervention divine à laquelle ils avaient assisté.

Donc, vous êtres rentrés en voiture avec ces jeunes femmes. Lewis et Le Gallet reviennent à pied ?

Probablement…

Allons voir l’enfant, maintenant !

Dan eut beau peser de son poids de médecin, Bones tenait à vérifier elle-même. Peut-être s’attendait-elle à voir un monstre à deux têtes au lieu de l’adorable Nick ? Elle félicita mollement Jenny, et se retira enfin.
En aparté, le trio de rescapés mit au point un rapide scénario sur leurs aventures.


On devrait aller prévenir les historiques de ne pas se montrer avant que ça se tasse, suggéra Dan. Mais je suppose qu’ils seront assez malins pour le comprendre seuls. Lind, tu devrais rentrer te reposer… Je veillerai.

Soupir… Pour sa plus grande joie, Mrs Chesterfield ne prétendit pas quitter le chevet de la maman. On lui installa donc un lit proche et Dan retourna à ses occupations après un brin de toilette revigorant.
La nuit tomba, calme et paisible, sur le village en sommeil. Dan travaillait encore sur les échantillons sanguins du bébé quand des sirènes déchirèrent le silence.
Accourue en même temps que lui, Lind le rejoignit en, ensemble, ils se dirigèrent vers le centre du trouble.


*M***E !*

Au milieu d’un cercle hostile, tenus en joue par des vigiles armés jusqu’aux dents, les historiques ne payaient pas de mine. Dan s’effara : on les avait battus.
Avec Lindsay, il se porta garant de l’identité et de l’innocence de gens à qui l’on finit par accorder une semi-liberté.

C’était si bon de rentrer chez soi… Manger convenablement, ne pas craindre pour sa vie à chaque instant, prendre un long bain moussant et… rêver. Rêver à ce qui pourrait advenir au cas, très probable, où Neil Chesterfield ne reviendrait pas… McIntosh ne se savait pas si romantique. Il n’avait jamais eu besoin de femmes plus que pour de rares promenades hygiéniques, mais avec Linsday, c’était différent, si totalement différent… Avec le temps et une indéfectible, tendre amitié, elle finirait par oublier son Neil…
Son doux nuage commença à s’effriter très vite quand la rumeur annonça l’arrivée d’une femme, une autre historique : Amelia Earhart. D’autres suivirent à quelques jours d’intervalle et tous juraient à qui voulait l’entendre que Chesterfield était vivant, en retard mais vivant.


*Zut…*

Restait l’espoir qu’avec un peu de chance, Neil ne sache pas actionner la plaque…
Il rêva encore quand Lindsay vint s’abattre dans ses bars en quête de réconfort parce que Bones refusait d’envoyer une équipe chercher Neil et menaçait d’abattre quiconque s’approcherait de la zone 51. Il consola Lind avec la tendresse dévouée d’un ami en songeant :


*J’adore les idées de Veronica…*

On allait juger les Historiques. Ces gens étaient devenus leurs amis, ils se devaient de les défendre.
Pour remonter un peu le moral de Lindsay, et avancer un pion discret en sa faveur, Dan se rappela qu’elle fêtait ce jour ses 24 rayonnants printemps. Qu’importait la dépense, rien n’était trop beau pour son adorée.
La séance publique ne se passa pas comme escompté, à plus d’un titre. Cela chauffait drôlement. On prétendait même que les historiques avaient tué Chesterfield.


Neil n’est pas mort !!!

*J’espère que si !*

Moment de bonheur, Lind s’accrochait à sa main comme à une planche de salut :

Je serai là, je serai toujours là pour toi…

Elle n’entendit pas, concentrée sur le débat houleux. Malgré les déclarations successives des historiques et de leurs défenseurs, l’arrêt semblait définitif quand, ô catastrophe, une espèce d’ours s’élança sur l’estrade. Sale, déguenillé, nul ne se trompa pourtant en reconnaissant :

NEIL !!!

Un discours bien senti s’offrit aux oreilles des spectateurs. Ne mâchant pas ses mots, l’ex-maire accusa fermement la politique en place, retournant en un clin d’œil la situation à l’avantage des Historiques.
Comme Lind était belle, rayonnante de bonheur en dévorant des yeux son hirsute de mari. Dire qu’il s’en était fallu de peu pour que ce soit lui, Daniel McIntosh, qu’elle couve ainsi d’adoration admirative…
Écœuré d’avance par la scène qui ne manquerait pas lors des retrouvailles des époux, Dan s’apprêta à vider les lieux. Chose surprenante, Neil n’accorda aucun intérêt à sa femme et, sitôt son coup d’éclat donné, il s’éclipsa. Impossible d’empêcher Lind de se jeter à sa poursuite.
C’est avec le cœur en miettes que McIntosh passa chez lui avant de se rendre à la fête donnée par les Historiques qui désirèrent célébrer une semi-victoire avec leurs amis.
Aux abords de l’habitation animée, il crut rêver en apercevant une petite silhouette solitaire. Son cœur se recomposa et bondit de la voir si énervée:

LIND ! Hé ! Ça va ?

Neil m’a quittée. Il est allé se réfugier dans un pavillon de célibataires…

Mais il est fou ! Pourquoi fait-il ça ? demanda-t-il réellement dépassé par la nouvelle.

Et bien, Monsieur croit que toi et moi…enfin, tu comprends !

Comment ose-t-il croire une chose pareille ? *Quoique…* Il est peut-être malade… Tu vas lui dire ses vérités, le rattraper, lui dire que…

Non ! Je ne vais pas lui courir après…c’est blessant qu’un mari soit si…enfin…Je ne veux pas en parler, Dan !

Avancer encore d’un pas dans leurs relations était tentant mais peu judicieux en ce moment précis. Il attendrait. Après tout, les affaires reprenaient !
Malheureusement Lind quitta tôt la soirée où il eut la chance de côtoyer des personnes aussi remarquables que remarquées. Présenté par leurs époux respectifs, Dan fit la connaissance des dames historiques. Il n’aurait jamais cru de telles unions possibles : le sombre Burton avec la piquante Miss Earhart ; Louis XIV pâmé devant la belle de Troie et le rude Achille amoureux de la fine Sissi… quoique…
Les états d’âmes des uns et des autres ne l’intéressaient pas vraiment. Il rentra à son domicile sans pouvoir empêcher ses idées de battre la campagne.

Le lendemain, il eut la surprise de recevoir un carton d’invitation pour une autre soirée avec les Historiques. Motif : mieux se retrouver en petit comité. Pourquoi pas ?
Munis de fleurs, il se rendit au rendez-vous et, une fois de plus, son cœur eut des ratés en constatant que Lind faisait un trajet identique au sien.


Hello ! Serais-tu invitée? J’ai reçu un carton cet après-midi.

Elle aussi ! Lind ne vit pas d’inconvénients à ce qu’ils se présentent ensemble chez leurs amis.
Ils devaient passer par l’arrière. À part une douce musique, aucun éclat de voix ne résonnait. Puis sa compagne pila net ; statufiée. Allongeant le cou, Dan eut alors la vision la plus incongrue qui soit. Les bras lui en tombèrent, ses fleurs aussi. Là, à quelques pas d’eux se jouait une scène de séduction à damner un saint. Sauf que le saint en question n’était autre que Neil Chesterfield.
Quel démon poussa Dan à profiter de la situation ? Comme anéantie, Lind recula droit dans ses bras qui se refermèrent sur la taille :


Je ne…peux…pas Neil…dis moi que…c’est un mauvais rêve…dis moi…

Laisse-toi aller. Je suis là, moi…

Elle ne réagit pas immédiatement quand il l’enlaça dans un baiser renversant mais sa baffe ne le rata pas. Enivré par le goût des lèvres de Lind, le jeune homme ne laissa pas la belle lui échapper facilement. Résultat de leur petit débat : Neil déboula. Les époux commencèrent à s’engueuler mutuellement, Dan en rajouta :

Je ne permettrai pas que tu traites Lindsay comme ça ! Tu ne la mérites pas ! N’essaye pas de jouer au mari bafoué. Ta femme te pleure alors que toi tu te roules dans la fange… Qui se ressemble s’assemble : tu n’es qu’une ordure, Chesterfield !

Dan sortait rarement de ses gonds. L’attitude « je m’en foutiste » de Neil mit le feu aux poudres.
Une haine sans nom le brûla d’un coup. Il n’avait qu’un but en cognant : effacer Neil pour de bon.
Croire que ce dernier allait gentiment se laisser démolir le portait était utopique. Qu’importe s’il se défendit rudement. Gonflé d’adrénaline, le toubib ne ressentit pas les poings de son adversaire jusqu’à ce que tout s’arrête par les suppliques des deux spectatrices et que bravement Lind le soutienne hors de l’arène. Elle dut sentir sa défaillance car s’arrêta, inquiète :


Tu ne vas pas t’évanouir ici…Tiens bon !

Ça va, je t’assure. J’ai juste l’impression d’être passé sous un rouleau compresseur…

C’est vrai que ma brute de mari t’a mis dans un bel état…tu n’as rien de cassé, au moins ?

J’crois pas. Je ne me suis jamais rien cassé…

Par sécurité, Lindsay tint à le faire examiner par son confère le Dr Olliver qui ne se gêna pas de rigoler en soignant les écorchures de Dan. Plus tard, quand Lind quitta le centre, Olliver tint à mettre son patient au lit avec les analgésiques nécessaires et un petit sermon à la clé :

Je ne veux pas me mêler de vos oignons, McIntosh mais vous chassez la proie pour l’ombre. Il y a pas mal de jolis minois dans le coin : changez d’option. Chesterfield n’est pas homme à se laisser piquer sa femme…

Si je vous disais ce qu’il fabriquait avant notre rencontre, vous changeriez d’opinion sur lui, ricana Dan. Figurez-vous, que…

Il savait parfaitement que derrière un rideau ou l’autre, les oreilles avides de potins de Miss Wrobel s’ouvriraient de ravissement en captant certaines confidences.

Les élections eurent lieu. Un nouveau maire entra en fonction. La vie « normale » reprenait son cours.
N’ayant aucune envie de souiller la réputation de Lindsay par des approches trop évidentes, Dan resta sagement à sa place, vaquant avec conscience à toutes les tâches requises par le centre.
C’est fou ce que les gens étaient en bonne santé ici ! Il en avait parfois discuté avec Olliver, le seul qui soit à même de comprendre ses réflexions. Avec une population aussi variée dont les âges s’étalaient dans une large tranche de 20 à 70 ans, tout médecin pouvait s’attendre à ce que des bobos tels hypertension, troubles circulatoires, articulaires ou autre soit au menu quotidien. Eh bien non. La majorité des cas qui se présentaient étaient des accidents physiques de diverse gravité. Le cas le plus troublant, outre la grossesse en latence de Mrs Cartwright, fut celui d’Isaac Levy, bon cinquantenaire qui, lors d’un contrôle de routine, avait avoué avoir fait la croisière en pensant qu’elle serait sa dernière car un cancer osseux le rongeait. Or, les analyses effectuées ne révélèrent rien. Où l’on s’était trompé de diagnostic, ou il faudrait admettre que leur monde guérissait les gens… Olliver, un peu bigot sur les bords, penchait pour la seconde version. Dan, réservait son avis.
Le cas de Lindsay le tenait encore plus à cœur que toutes ces considérations fantaisistes.
Un peu gauche, il l’avait invitée au restaurant après s’être platement excusé pour son attitude audacieuse du soir de la bagarre. Elle ne s’était pas récusée, assez heureuse semblait-il de pouvoir encore échanger des confidences en sa compagnie. Mais la belle avait la tête ailleurs. Elle ne pensait qu’à son Neil avec une amertume qui prouvait qu’elle souffrait en l’imaginant avec une autre. Ils évoquèrent un possible souci de santé chez Chesterfield.
Lind savait-elle à quel point elle pouvait être cruelle ? Elle acceptait qu’il lui prenne la main sans sourcilier, et malmenait son cœur avec une innocence affreuse :


Dan…tu sais que je t’aime…( Cœur à 100 à l’heure) tu es mon meilleur ami…oui, je sais que ce n’est pas ce que tu veux…mais peux pas te donner plus que cela…j’aime Neil…tu le sais, tu l’as toujours su…( moral à zéro)

Et… Et s’il n’existait pas ?

S’il n’existait pas ?...Mais il existe, Dan !...

Aurais-je une chance, une petite chance d’être agréé par toi ?

Oui…tu serais sans doute mon choix…


Il ne voulait rien entendre d’autre : Chesterfield était l’ennemi à abattre.
Quand où et comment serait une question de temps. Le proverbe dit : tout vient à point à qui sait attendre… C’est vrai !

Pour Dan, son vœu fut à portée de main beaucoup plus vite qu’imaginé, et il ne se plaignit pas lorsqu’on amena son rival sur une civière.
De nombreuses causes peuvent être à l’origine de convulsions. Vu su des antécédents de Chesterfield, immédiatement Dan conclut à un hématome sous-dural. Un examen préliminaire le lui confirma. Néanmoins, il se devait d’interroger la seule personne capable de lui donner des renseignements pointus sur Neil.
Dans le couloir, se trouvait la maîtresse supposée du maire : Miss Borija.


Vous avez vu ce qui s’est passé, comment s’est-il effondré ? D’un coup ? Se plaignait-il de maux de tête ? Qu’a-t-il mangé au petit-déjeuner ? Vers quelle heure était-il au lit ?

Tiens ? D’après ses réponses, elle ne vivait pas avec Chesterfield, sinon elle aurait su…
Lorsqu’elle lui demanda le diagnostic, Dan mentit :


Une tumeur au cerveau, le plus probable.

La vipère semblait étonnée, posait des questions dérangeantes. Il maintint en attaquant :

Êtes-vous médecin pour mettre en doute mon diagnostic ? Nous allons faire un scanner pour confirmer et localiser exactement la tumeur, puis nous l’opérerons.

Confondre le Dr Olliver s’avéra plus aisé que prévu. Le vieux toubib ne savait pas lire les scans et le cerveau n’était pas son domaine de prédilection. Il mit cependant Dan en garde car la neurologie n’était pas précisément la spécialité de McIntosh.

On doit l’opérer ou il va crever !

Les infirmières tremblaient en rasant le crâne du patient. Tous tremblaient en fait sauf la main de Dan quand il réclama la perforatrice stérile. Déjà là, il aurait suffi d’un millimètre de profondeur en excès, et… Mais Dan était talentueux. Il décalotta l’hémisphère atteint en un tour de main.
Des vaisseaux avaient saigné entre la dure-mère et l’arachnoïde. Le caillot était bien là. Aidés d’un microscope, Dan cautérisa tous les points périphériques avec une précision mécanique. Maintenant, il fallait engager le scalpel sous la masse indurée. Il ne trembla pas. Dans deux secondes, Neil Chesterfield allait connaître une fin paisible.


*Lind, je t’aime. Il nous barre la route du bonheur… Je t’aime*

Bravo, Dan ! Un coup de maître !

L’exclamation d’Olliver le ramena à la réalité. Il n’en revenait pas. Avait-il perdu conscience et agi tel un robot ? Le fait est qu’il était en train de cautériser les derniers points de saignements et de remplacer l’os scié sur le crâne d’un patient on ne peut plus vivant.
Il sortit de la salle d’op comme un ivrogne sur le pont d’un navire en tempête. Lind lui sauta dessus :


Dis-moi qu’il va bien !!! Dis-moi…Dan…je t’en supplie…

Il est tiré d’affaire. Tu pourras le voir dans un moment. Je vais… me reposer.

Complètement abattu, Dan se retira dans la chambre qu’il occupait pendant ses gardes. La tête entre les mains, il ne comprenait rien. Pour la première fois de sa vie, par amour, il avait failli tuer volontairement un homme. Mais par un miracle inimaginable, il l’avait épargné. La conscience professionnelle avait-elle pris le dessus ? En toute honnêteté, McIntosh en douta. Éliminer le seul obstacle entre lui et Lind avait guidé chacun de ses actes, mais…

*C’est que ça devait être ainsi… pas autrement. Maintenant, Neil saura que Lind l’aime toujours, et moi… je n’ai plus qu’à me flinguer pour avoir tenté d’assassiner quelqu’un.*

Il rumina de longues heures sombres dans le silence de sa chambre. Au matin, sa décision était prise : il devait disparaître. Jamais il ne saurait supporter de voir Lind radieuse avec un autre, surtout avec celui qui l’avait tant humiliée... Une seringue s’emplit de morphine, un garrot se posa au bras. L’aiguille se levait quand on tambourina à sa porte :

Docteur venez vite ! Quelque chose ne va pas avec le maire !

Dieu aurait-il eu pitié de cet amoureux transi ? Avait-il repris Chesterfield avec lui ?
Fini les projets de suicide, Dan accourut au lit de l’opéré. Point de décès, hélas. Juste un fou qui débitait n’importe quoi devant une Lindsay abasourdie. Il entra dans l’arène :


… Chesterfield, Neil, écoutez-moi. Vous n’êtes pas à New-York, vous êtes à l’hôpital. Je suis Dan, le docteur Daniel McIntosh. Vous aviez subi un grave traumatisme crânien. J’ai ôté le caillot, tout va bien, calmez-vous.

Autant parler à un mur. Tant d’agitation n’était pas bon pour un frais opéré. Dan ordonna du valium et Neil retomba dans les vapes. À une Lind déboussolée qui le bombardait de questions, il confia :

Je ne comprends pas. Le centre de la mémoire n’a pas été touché, c’est impossible… Je ne sais pas combien ça peut durer ! Je vais réviser l’enregistrement de l’opération. J’y verrai peut-être plus clair.

Ce que la vidéo lui révéla le laissa pantois. À croire que quelqu’un s’était amusé à refilmer 15 fois la même scène. L’intervention totale à l’horloge avait duré 2 heures, la vidéo en indiquait 3.
Peu importait pour le moment. Une idée, une grande idée germait à présent. Si Neil avait tout oublié jusqu’à l’existence de Lind… En s’arrangeant un peu, il pourrait rester dans cet état… indéfiniment. De belles perspectives s’ouvraient enfin…
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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptySam 9 Juin - 17:16

Si Neil avait été dans son état normal, sans doute aurait-il été capable d’analyser correctement l’ensemble des événements qui se déroulèrent dès son retour au village. Hélas, il était malade et n’en savait rien ou préférait l’ignorer. Il n’était pas du genre à se plaindre, plutôt de celui à encaisser en silence tant les douleurs physiques que morales.
Insidieusement, alors qu’un coup violent à l’arrière du crâne le terrassait et qu’il voyait des bougies danser devant ses yeux en chantant, de multiples vaisseaux sanguins s’étaient fissurés entre deux tuniques du cerveau. L’épanchement s’arrêta naturellement en créant un caillot obturateur. Latent, le mal pouvait végéter des années avant de manifester ses effets…
La beuverie de la veille, ajoutée au champagne, aux séquelles de son accident et… au parfum suave de Miss Borija provoqua un comportement inusuel chez ce jeune homme sensé. Il péta un câble alors que la soirée tournait de façon aussi inattendue… qu’intéressante. Oui, il flirtait avec Lucrèce. Quel homme aurait résisté à un tel déploiement de charme ? Lui, sûrement ! À condition d’être dans son état normal, or…
Entendre le toubib, celui qui butinait son épouse, proférer menaces et insultes à son encontre obligea Chesterfield à la contrattaque. Une rage inconnue jusqu’alors s’était emparée de lui. Il n’eut de cesse de démolir McIntosh qui, pour une fois, oublia de protéger ses mains et lui rendit coup pour coup avec une férocité égale à la sienne. Ils en burent des tasses dans la piscine où les plongea leur rixe !
Trempé et sonné, Neil fut un peu surpris de se retrouver au sec dans les bras de Lucrèce. Il râlait encore et se sentait très mal. Les paroles lénifiantes de Lucrèce, son parfum, ses lèvres… Il n’était pas prêt de les oublier.
Totalement désorienté, Neil rentra au foyer des célibataires. Entre deux savants baisers, Miss Borija avait réveillé autre chose que son sang : son esprit combatif. En toute conscience, Neil ne pouvait tolérer de voir ses efforts envers le village ruinés par les manœuvres coupables de Veronica Bones. Le peuple méritait mieux ! N’avait-il pas prouvé être à la hauteur ?
Donc, le lendemain, il alla de son chef inscrire son nom sur la liste des candidats à la mairie.
On le regarda de travers en raison des hématomes qui peuplaient menton et joues, et alors ?
Les commérages allaient bon train, et alors ? Il n’avait rien à se reprocher, sa femme avait commencé et, là-dessus, tous les potins s’accordaient.

Mener une campagne express requit beaucoup d’énergie. Il avait déjà choisi son staff en quelques heures. Banks, fidèle parmi les fidèles en ferait partie, of course. D’autres anciens rejoignirent les rangs. La grande nouveauté, un peu difficile à faire admettre à l’unanimité, fut d’inclure Lucrèce dans le futur comité. Ferme, Neil imposa ses vues :


Miss Borija sera une alliée fidèle à notre cause. Que voulons-nous sinon le bonheur de tous ? Des mauvaises langues diront – ravalez la vôtre Miss Cole- que je l’impose pour des raisons personnelles. Pensez ce que vous voulez, nous ne visons que le bien de la communauté. Le travail qui nous attend dépasse de loin les histoires de c*l qui circulent. J’aimerais, premièrement que…

Il exposa ses plans avec une telle clarté et conviction que les plus râleurs se turent. L’idée était audacieuse, novatrice, irrésistible.
À l’encontre de ses adversaires qui ne prônaient que des utopies, Neil dit la vérité crue lors de ses discours publicitaires :


Je suis allé de l’autre côté. C’est un monde différent du nôtre dans la mesure où aucun code tangible ne le régit. C’est chacun pour soi, la loi du plus fort prime. Je ne désire pas de ça ici. Je ne vais pas vous promettre que tout va baigner et que la paix va régner sans incident, je mentirais.
Ensemble nous pourrons prospérer, recouvrer un peu de nos gloires passées…


Et les Historiques, s’ils nous envahissent ?

Des mesures seront prises pour éviter ce genre de choses. Ceux qui sont venus en nos murs sont de grands atouts pour nous tous. Vous le verrez au fil du temps. Nous devons leur laisser une chance de vivre exactement comme nous, de s’intégrer...


Les journées furent longues, les soirées interminables à débattre, peaufiner, adapter les plans.
Neil qui ne voulait plus s’appesantir sur ses déboires conjugaux y pensait néanmoins sans cesse.

Au soir de la victoire, on délira un peu pour fêter ça. Mais au lieu des joyeux ébats que beaucoup imaginèrent entre lui et Lucrèce, il inonda son épaule en pleurant, désespéré :

J’aurais dû casser la figure à Dan plus tôt ! J’suis fichu sans elle… Je sais que tu es là mais…

Des doigts habiles lui massaient la nuque et le front avec tant de douceur… N’empêche que les migraines augmentaient au point de ne plus savoir où il était, parfois.

… Consulter Dan ? Jamais de la vie, plutôt crever !

Lucrèce s’inquiétait pour lui. Elle était bien la seule. Jamais Lind ne se manifesta, ne tenta une approche. À croire qu’elle le rendait responsable de tout alors qu’il n’avait fait que constater les faits que la plupart corroboraient à qui mieux mieux, en plus.
Que l’on pense ce que l’on voulait de sa relation avec Miss Borija. Il s’en foutait. Elle l’épaulait, le secondait en tout, ne cherchant pas à s’imposer, juste à le soutenir.
Dans l’ensemble la population était satisfaite des mesures expéditives mises en place après les élections. Des mécontents, il y en aurait toujours, alors…
Mettre les Historiques à des points clés de la vie du village marqua beaucoup les esprits. Mais ces décisions, par leur sagesse, l’emportèrent.

Dans un des rares moments de détente avec Lucrèce, Neil ne put s’empêcher de rigoler, pour une fois :


On dit que tu croques du Grec au petit-déjeuner et que tu me dégustes au goûter. T’en as pas marre parfois de passer pour l’emmerdeuse de service ?

D’après elle, cela ressemblait à de la constipation : beaucoup de bruit pour rien !

Cet après-midi là, Neil se sentit encore plus mal que les autres jours. Il s’était endormi sur les dossiers, pour changer. Manger ? Beurk. Il grignotait à peine depuis longtemps. Nausées, migraines étaient son lot invariable. Les massages de Lucrèce avaient du bon mais ne résolvaient pas tout.
Le débat était âpre sur la répartition des emplois vacants.


Je sais, Louis est tombé quasi dans les pommes quand il a vu les hangars de nourriture. Il a fait l’inventaire. On cherche des personnes capables de gérer la répartition… Non, Banks, pas question de caser votre amie Mrs Lincoln en superviseur de l’agriculture, elle ne sait pas distinguer l’orge du maïs... n’essayez pas de promouvoir vos amis ! Veillez à ce que chacun occupe la fonction pour lequel il est… Il est…

Tout tanguait. Neil eut l’impression qu’un feu d’artifice se déclenchait dans sa tête puis...

Un an plus tôt

Face au Dr Ross, Neil reboutonna sa chemise. L’air grave du toubib l’alarma :

Je suis si mal en point que ça ? Vas-y Doug, ne me ménage pas.

Tu dois lever le pied, Neil. Tu étais sportif, bon vivant mais en trois ans tu t’es bousillé la santé. À ce rythme, tu vas te retrouver dix pieds sous terre. Comme d’hab, tu vas te ficher de mes conseils mais je te jure que je ne rigole pas. J’en ai parlé à Phil, il veut réagir.

Neil haussa les épaules, rassura son copain toubib et descendit à toutes pompes s’engouffrer dans sa limousine. Orson, son chauffeur, ne pipa mot pendant qu’à l’arrière, le requin des fiances, PDG de la Chestco, pianotait sur son ordi portable tout en téléphonant.
Éprouvant de reprendre le flambeau de son père ! Depuis trois ans, Neil se battait pour être digne de l’immense héritage qui lui était tombé dessus sans crier gare. Pas qu’il n’y soit pas préparé mais, en hommage à son paternel, il se devait de faire encore et toujours plus.
De réunions d’affaires en tournées d’inspection, Chesterfield était plongé dans les bilans et les tendances boursières à longueur de temps. Il n’avait plus pris de détente depuis la mort de ses parents, ni connu de fête ou quoi que ce soit qui ressemble à des vacances. Le pire étant qu’il s’en moquait et galérait en visant toujours plus haut.

Merveilleux Phil Diamond ! Non seulement ami d’enfance, partenaire incontournable de sa folle jeunesse, ce sous-directeur était aussi un excellent conseiller sur lequel Neil pouvait se reposer en toute confiance. Néanmoins, Chesterfield tiqua fortement quand, le lendemain, Phil lui donna un voucher de voyage avec l’ordre de l’utiliser le soir même sous peine de se faire mettre en indisponibilité à la présidence du conseil d’administration.


Je ne peux pas partir maintenant, tu le sais. Nous sommes en pleine transaction de rachat de la chemical Vanderbildt. Nous devons faire une offre ferme dès que les actions auront encore baissé de 10 points. C’est ce que nous avons décidé, et…

Selon Phil, Neil devenait vexant en imaginant ses collaborateurs incapables de gérer cela sans lui. De plus, il jugeait que Neil devenait franchement imbuvable et qu’un changement d’air serait bénéfique à lui autant qu’à la boîte.
Alors, pour contenter tout le monde, Neil accepta de partir en croisière…


Maintenant

Neil, mon amour…je suis là…tout va bien…

Hein ? Bon dieu, il avait dû sérieusement picoler en se rendant à l’embarcadère. Un mal pas possible lui broyait le crâne. Qui était cette jeune femme ? La pièce ressemblait à une chambre d’hôpital. La limousine aurait-elle eu un accident sur la route ?
Les pensées en pagaille, il se rappela les derniers chiffres vus sur son ordinateur, dans la voiture :


Où en sont les cours de la bourse de la Chemical Vanderbildt ?

La demoiselle ouvrait des yeux ronds qui lui donnaient l’air d’une parfaite idiote :

Je dois absolument contacter Phil Diamond. Ne restez pas là comme une cruche ! Apportez-moi un téléphone ! … Il n’y en n’a pas ? Je vais en trouver un tout seul !... Je ne peux pas me lever ? Ôtez-vous de là, vous verrez !

Ce qu’il vit c’est 36 chandelles additionnées d’atroces douleurs. Et la miss qui gueulait après une infirmière.

Taisez-vous, vous me faites mal ! Appelez qui vous voulez, c’est moi que l’on va entendre !
Et puis vous êtes qui ?... Ma femme ?


Il rigola ou tenta de le faire, ce qui donna une belle grimace.

Écoutez, vous avez l’air bien gentil mais la comédie est finie. C’est un coup de ce pendard de Phil, hein ?... Vous ne connaissez pas Phil ? Ben voyons ! C’est tout à fait son style ! Je devais partir en croisière, figurez-vous. J’ai eu un accident, c’est ça ?

On ramenait du monde, en l’occurrence un toubib vu son pyjama vert.

Pas trop tôt ! Quand est-ce que je sors ? J’ai un bateau à prendre !

Chesterfield, Neil, écoutez-moi. Vous n’êtes pas à New-York, vous êtes à l’hôpital. Je suis Dan, le docteur Daniel McIntosh. Vous aviez subi un grave traumatisme crânien. J’ai ôté le caillot, tout va bien, calmez-vous.

MAIS JE SUIS CALME ! Je veux juste que l’on cesse de me faire prendre des vessies pour des lanternes. Je veux un portable et que l’on contacte Phil Diamond, mon associé… CESSEZ DE DIRE ÇA ! … Mais qu’est-ce que vous faites ! NON ! Je ne veux pas de piqûre !

Il eut beau se débattre comme un diable, on l’expédia dans les vapes.

Sa conscience revint périodiquement mais, aussitôt une revendication émise, on le piquait à nouveau après un sermon.
Il n’eut aucune idée du temps qui s’était écoulé quand il feignit d’encore dormir afin de jauger l’environnement. À travers le filtre de ses paupières à peines entrouvertes, il distingua la silhouette de « sa femme » qui regardait distraitement par la fenêtre de la même chambre où il s’était réveillé.


*Bon, c’est un complot ! Phil aura arrangé tout ce cirque pour me faire croire que je suis taré. Pendant ce temps, il est sûrement en train de prendre ma place à la direction. Tu ne l’emporteras pas au paradis, Phil !*

Par ses réveils multiples, Neil avait appris la leçon : ça ne servait à rien de s’énerver. Ces gens étaient probablement grassement payés pour le maintenir en état végétatif. On tenait absolument à lui faire croire qu’il était marié à Lindsay Fairchild, qu’ils habitaient une île paumée quelque part dans le pacifique ou y ressemblant, etc. Le meilleur plan pour s’évader n’était-il pas de jouer leur jeu ? Rira bien qui rira le dernier !
Il toussota pour attirer l’attention de la belle demoiselle si pensive qui accourut aussitôt à son chevet :


… Je me sens bien, ma chérie… Tu as l’air fatigué… Mais oui, je te reconnais ma douce, quelle idée. J’ai des trous, tu peux m’éclairer ?

Quelle comédienne ! Son expression de ravissement lui aurait valu un Oscar d’interprétation.
Pas évident d’être à sa hauteur dans le mensonge. Il fit au mieux. Tant et si bien que lorsque le Dr McInstosh vint l’ausculter, Neil remporta la palme d’or.
Avec tout ce qu’il avait perçu à gauche et à droite en semi-conscience, Neil possédait de beaucoup d’informations pour gruger son monde.
Était-ce une idée, ou le médecin était-il déçu de le voir si bien se remettre ?
Quoiqu’il en soit, il signa le bon de sortie. Vive la liberté.

S’appuyant sur Lindsay, le soir, Neil put quitter le centre médical de manière discrète. Il se demanda pourquoi tant de précautions mais ne s’en soucia pas trop. Le choc de ce qu’il entrevit était suffisant pour lui clouer le bec.


*NDD Phil, tu as fait fort !*


Des paroles d’une vieille série télé des années 60 lui revinrent en mémoire :

« Où suis-je ? Au village ? Qui êtes-vous ? Je suis le numéro deux… »

Le décor de ce village n’avait rien de comparable avec celui de la série mais Neil aurait juré subir les mêmes tracasseries que Patrick McGohan.

Sans dire un mot, il se laissa conduire en voiturette silencieuse jusqu’à un très coquet pavillon où Lind se montra d’un dévouement remarquable. L’installant confortablement dans un fauteuil, elle fut aux petits soins. Son air, un peu perdu, la força à l’interroger :


… Non, je ne reconnais pas cet endroit. C’est ici que nous vivons ? Depuis quand ? Je sais pour le naufrage, les ennuis du village, j’en suis le maire… le reste c’est du brouillard.

Lui servant une tisane *beurk* elle tenta de combler quelques trous.

… la Pierre ?

Non mais de qui se moquait-on pour lui faire gober un truc pareil ? Une pierre magique ? Il voulait bien voir ça ! Ah… pas ce soir ? Au programme : dodo !

Tu déplies le divan-lit ? On ne dort pas ensemble ?

Tiens, la miss rougissait. Sans doute que son contrat avec Phil n’incluait pas de pousser le rôle jusque là…
Bah, de toute façon, cette jeune fille n’était pas son type, si bien roulée soit-elle.

Il passa une bonne nuit de sommeil avec des rêves parfois contradictoires. Pourquoi se vit-il dans une cabine de bateau en train d’engueuler Lind ? Sur une plage confronté à des crabes géants ?
Décidément, le bourrage de crâne que Phil lui avait concocté laissait des traces.
Néanmoins se faire dorloter avait du bon.
Neil laissa sa « femme » jouer à l’infirmière, il est vrai que ses maux de tête restaient réels, eux.
Une journée idyllique se passa entre coussins, piscine et farniente total en compagnie d’une épouse des plus attentives qui se coupait en quatre pour satisfaire le moindre de ses souhaits.
Ayant fait le tour de la maison, Neil avait pesté en constatant que les détails avaient été soignés : aucun téléphone ni ordinateur n’étaient à disposition. Il masqua sa déception.
Pendant qu’il gambergeait en sirotant une citronnade dans le fauteuil gonflable de la piscine, Lind s’était activée pour cuisiner un dîner plus que convenable.


On a des invités ? s’était-il étonné devant la table dressée pour quatre.


Lind tint à ce qu’il mette un costume. Il en fut satisfait car traîner en slip de bain ou en pyjama n’était pas son genre, il le savait. Évidemment, il ne donna aucun coup de main à sa femme qui semblait, de toute façon, maîtriser la situation.


*Phil m’a collé un cordon bleu ? Déjà ça !*

Voir sa tête dans le miroir de la salle de bains lui causa un nouveau choc. Les cheveux taillés en brosse, un gros pansement sur l’occipital, c’est à peine s’il se reconnut. La blessure au crâne n’était pas fictive… Dommage.
On sonna, les invités entrèrent.
Wow, c’était elle l’adjoint au maire, son adjointe, cette créature de rêve ?
Il y eu un flottement dans l’atmosphère, comme si tous attendaient quelque chose de sa part.
Allez ! Que commence la comédie ! Il avança, main tendue :


Bonsoir toubib ! Lucrèce, vous êtes époustouflante, ce soir ! … Oui, tout baigne, ça va aller… Quelques migraines persistent mais Lind sait très bien les gérer.

Avec envie, Neil vit le plateau des apéritifs lui passer sous le nez. Zut, on le maintenait au régime sec. Pas question d’alcool en raison des médocs…
Répondre au toubib inquisiteur, lorgner le décolleté plongeant de Miss Borija tout en s’enquérant de l’ordre du village, réclama beaucoup de concentration pour ne pas déraper en chemin.

On bavarda « gentiment » mais quand Neil entendit parler des Historiques, il pataugea dans la semoule. Quelle était encore cette invention ? Trois bonshommes et autant de bonnes femmes issus du passé étaient dans leurs murs ? Il joua à peine les migraineux tant la farce lui parut épaisse.
Lind, aidée d’un Dan très, vraiment très, dévoué débarrassa les reliefs de l’entrée. Sa belle adjointe en profita pour se pencher sur son oreille et lui susurrer des choses à tomber à la renverse.
En quelques phrases, elle remit les pendules à l’heure. Ainsi, il avait tout bon. Un complot se tramait bel et bien. Son épouse fictive était la maîtresse du toubib. Ils étaient les complices de Diamond.

Ça ne se passera pas comme ça, réagit Neil, assez furieux.

Mais Lucrèce l’enjoignit de rester sage comme un gentil mouton. Tant qu’ils croiraient Neil soumis, on lui ficherait la paix et il ne risquerait pas l’internement ou, pire, sa vie.
Ces éclaircissements permirent au maire de regarder les choses avec lucidité. Quand le couple revint de la cuisine avec le plat principal, à n’en pas douter, ceux-là étaient de mèche. Trop d’œillades, de gestes furtifs, prouvaient bien des choses. Le petit pied de Lucrèce massa le sien, sous la table, le rassurant : il avait une alliée en place.


Impossible de fermer l’œil avec tant d’idées sous le crâne. Les invités partis, Neil avait eut droit à se doucher avant de reprendre le divan-lit. Voulant l’enlacer en bonne nuit, Lind s’était reculée avec une vivacité coupable.

*Une épouse aimante, mon œil !*

À deux heures du matin, sûr que sa « femme » roupillait, Neil se leva et sortit discrètement.
S’orienter la nuit dans ce village inconnu lui donna des sueurs mais, guidé par dieu sait quel instinct, il arriva au lieu du rendez-vous murmuré à son oreille par la belle Lucrèce.
À l’écart d’autres habitations, le pavillon de Miss Borija frisait la perfection. La seule lumière apparente venait de la piscine du jardin arrière.
Soufflé, Neil admira de loin la sirène sans écailles qui ondoyait lentement dans l’onde bleutée.
Un geste joyeux, un sourire radieux, autant d’invitations à la tentation. Le valeureux Ulysse s’était fait attacher pour résister. Ici, nulle entrave n’existait…
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Lindsay Fairchild

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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptyDim 10 Juin - 18:03

C’était un cauchemar. Elle allait se réveiller et tout irait bien. Mais non. Neil réclamait le cours de la Bourse de la Chemical Vanderbilt et prenait un petit air impératif et guindé assez ulcérant.

Bonté divine, Neil…je n’en sais rien des cours de la Bourse de New-York tu es…

Inutile d’essayer de le raisonner. Il insistait en plus pour contacter un tel Diamond et voilà qu’il la traitait comme à quelque secrétaire bâtée.

Ne restez pas là comme une cruche ! Apportez-moi un téléphone !

Il n’y a pas de téléphone ici…reste tranquille. Non, tu ne peux pas te lever !

Il voulut tout de même et cela ne lui fit aucun bien, au contraire, pâle comme un linceul, il sembla à point e s’effondrer. Elle hurla au secours, ameutant le personnel.

Taisez-vous, vous me faites mal ! Appelez qui vous voulez, c’est moi que l’on va entendre ! Et puis vous êtes qui ?

Son Neil ne pouvait pas être cet homme odieux.

Je suis Lindsay…ta femme. Neil…je t’en prie…

Ma femme ?

Ne t’en déplaise !

Sourire tordu ou grimace, cela revenait du tout au même, elle le poussa sur le lit mais l’autre n’en avait cure.


Écoutez, vous avez l’air bien gentil mais la comédie est finie. C’est un coup de ce pendard de Phil, hein ?

Il faudrait prendre ce mal en patience. Dan lui avait sans doute sauvé la vie mais à croire qu’un détail lui avait échappé et voilà qu’elle se retrouvait avec l’amour de sa vie transformé en parfait crétin.

Je ne connais pas Mr. Diamond, maintenant tu vas te calmer et…*Où sont l’infirmière et Dan ?...Neil est dingue !*

Vous ne connaissez pas Phil ? Ben voyons ! C’est tout à fait son style ! Je devais partir en croisière, figurez-vous. J’ai eu un accident, c’est ça ?

On peut dire cela, oui !, dit elle d’un ton uni, voulu apaisant mais dans sa tête les idées se bousculaient. Partir en croisière ? Ce n’était pas possible, il semblait avoir régressé dans le temps, avant de s’embarquer pour cette croisière où leurs chemins s’étaient croisés. L’arrivée de Dan et de l’infirmière ne mit pas fin au délire, Neil poursuivait, pédant à en mourir.

Pas trop tôt ! Quand est-ce que je sors ? J’ai un bateau à prendre !

Raisonnables explications fournies, rien n’y fit, il continua à s’époumoner en réclamant un téléphone, son associé, de sortir. Une piqûre mit fin à l’éclat. Le laissant paisiblement endormi, elle suivit McIntosh.

Qu’est ce qu’il a, Dan ?...Ne me dis pas que c’est une réaction normale…Oui, je sais une intervention au cerveau est une affaire délicate mais là…il n’est plus lui-même…enfin, pas mon Neil…il me rappelle celui que j’ai connu à bord de l’Ocean’s Queen…oui, il était assez imbuvable alors mais cela a vite changé…

Le toubib émit toute classe de raisonnements scientifiques pour expliquer la situation, sans parvenir à se convaincre lui-même. Le Dr. Olliver, qui venait aux nouvelles, donna son avis mais cela ne changea pas grand-chose. Choc post opératoire semblait la raison la plus acceptable. Il faudrait attendre avant de se lancer dans d’examens plus poussés.

Le staff municipal défila au grand complet pour s’enquérir sur la santé du convalescent. Dans on état on ne pouvait permettre les visites. Miss Borija se crut en droit d’insister mais Lindsay n’entendait pas céder d’un pouce.

Pas de visites, Miss Borija…je sais exactement quel poste vous occupez mais mon mari n’est pas en état de parler des problèmes du village ni de n’importe quoi d’autre. Je vous souhaite le bonjour !

Elle était revenue auprès de Neil qui dormait même si depuis deux ou trois jours, elle le soupçonnait de faire plutôt semblant. Quelques fois, en lui tournant le dos elle avait eu la sensation d’être observée. De là à se demander quel était le nom du jeu, il n’y avait qu’un pas !

Après quelques jours, Neil sembla se stabiliser mentalement. Il ne faisait plus d’esclandre nu réclamait des choses saugrenues, à croire qu’il avait finalement accepté les explications fournies comme bonnes. Mais pour Lindsay, un certain malaise persistait.

Elle suivait du regard un envol de perruches dans les derniers éclats du jour, quand un toussotement discret la tira de sa rêverie, se tournant vers le lit, elle constata que Neil était réveillé et avait l’air très calme.

Ça va mieux ?

Sa réponse lui chavira le cœur de bonheur.

Je me sens bien, ma chérie.

« Ma chérie » depuis le temps qu’elle ne rêvait que de l’entendre dire ces deux mots. Souriant, émue, elle alla jusqu’à pendre sa main et la serrer contre sa joue.

Je suis si heureuse, Neil…enfin, tu es là…

Il assura la trouver fatiguée, elle secoua la tête. Elle était claquée mais avait tant attendu ce moment que sa fatigue s’enfuma d’un coup.

Tu me reconnais vraiment ?...Dis moi…tu me reconnais ?

Mais oui, je te reconnais, ma douce, quelle idée. J’ai des trous, tu peux m’éclairer ?

Bien sûr que oui…demande ce que tu voudras, mon chéri, tout ce que tu voudras !

De son mieux, elle lui livra un résumé complet de leur vie et aventures, omettant quelques détails dont on se passait bien. Entre temps, Dan se présenta pour examiner le malade et le trouva tout aussi bien qu’on pouvait souhaiter. Tant et si bien, qu’il signa la sortie.

Lindsay ne pouvait pas éviter se sentir très énervée. Pressentiment ? Intuition féminine ? Elle n’en savait rien mais le malaise qui s’était instauré ne la quittait pas. Quelque chose dans le regard de Neil ou peut être dans ses paroles qui semblaient un tantinet « jouées » ou son attitude distante…même en jurant la reconnaître il n’avait réclamé un baiser…une caresse. Rien. Elle avait la sensation de se trouver face à un quasi inconnu et se retrouver à seules avec lui, chez eux, n’était pas exactement pour la ravir.

On avait mis un véhicule à leur disposition pour les ramener à leur villa. Le chemin se fit en silence. Il regardait les alentours comme s’il ne les avait jamais vus auparavant et ce fut de même quand ils arrivèrent chez eux et encore pire quand ils furent à l’intérieur.

*Mon Dieu…il est affreusement paumé !*

Neil…dis moi la vérité…tu ne sais pas où tu es, n’est ce pas ?

Il eut la bonne grâce de ne pas mentir.

Non, je ne reconnais pas cet endroit. C’est ici que nous vivons ? Depuis quand ? Je sais pour le naufrage, les ennuis du village, j’en suis le maire… le reste c’est du brouillard.

Elle lui prépara une tisane de tilleul, souveraine pour les nerfs détraqués, et s’asseyant face à lui, soupira :

Mon pauvre chéri, je voudrais tant t’aider à te souvenir de tout…Je sais, ce n’est pas facile…mais le Village n’est pas New-York…mais le travail pour gérer les choses ici n’a rien d’une partie de plaisir…

Longue mise à jour. Ce qu’elle raconta le laissa pantois…surtout la Pierre.

Je me doute bien que cela te remue assez mais c’est comme cela que tout marche ici…mais tu verras bien par toi-même quand tu pourras quitter la maison, pour le moment Dan a prescrit repos absolu…et c’est juste ce que tu vas faire en ce moment. Assez pour un jour. Demain, je t’en dirai plus.

Se levant, elle alla déplier le divan lit et l’apprêter pour la nuit.

On ne dort pas ensemble ?

Lindsay sentit le cœur lui manquer, essayant de se reprendre, elle sourit un peu de travers.

Tu dois te reposer, mon amour…Aucun effort, même pas monter l’escalier, c’est pour cela que je fais ton lit ici. Il y a une salle de bain ici en bas aussi…mais si tu as besoin de quelque chose n’hésite pas à m’appeler…Bonne nuit !

Elle fila se réfugier dans sa chambre, malade de chagrin, d’angoisse, de lui.
Quelle nuit épouvantable ! Elle ne put fermer l’œil qu’une paire d’heures pour se réveiller en sursaut aux premières lueurs de l’aube, tout sommeil enfui. Faute de mieux, elle descendit préparer le petit déjeuner. Un coup d’œil au séjour l’informa que Neil dormait encore.

*Repos…il lui faut du repos…c’est ça…laisse le dormir !*

Mais il fallut bien qu’il se réveille à moment donné. L’étourdissant d’attentions et s’étourdissant aussi en passant, elle noyait le poisson sans parvenir à surmonter la vilaine sensation d’être en train de se faire gruger par ce fac simili de Neil que la situation voulait lui déparer. C’était lui sans l’être. Elle le sentait et il y a des choses qu’une femme perçoit sans besoin d’aide. Suivant les indications laissées par un McIntosh toujours diligent, elle administra ponctuellement les médicaments prescrits. Un petit entre parenthèses la fit sourire. Dan prévoyait tout .

*10 gouttes s’il s’énerve…sommeil assuré pendant au moins une heure…*

Neil semblait se plier aux exigences du jour de très bonne grâce. Pas un mot de travers, un petit sourire poli collé aux lèvres mais son regard demeurait…différent. Disparu l’éclat malicieux de jadis, il était inquisitif, analytique. Elle se sentait jaugée, jugée, observée sur toutes les coutures, comme s’il essayait de percer son esprit pour y trouver Dieu sait quoi. D’après tout ce qu’il avait débité pendant son séjour à l’hôpital, Lindsay pouvait conclure que le Chesterfield installé dans le fauteuil gonflable de la piscine n’acceptait pas sa présente situation. Il croyait à un mauvais coup de son ami Diamond, une mise en scène soignée pour le confondre. Que du jour au lendemain il assure la reconnaître et change radicalement son attitude, lui avait mis la puce à l’oreille et pas seulement à elle. Dan, bien entendu, se rangeait à son avis. Jenny qui lui rendait souvent visite et suivait le décours de l’affaire, aussi. Amelia, en porte voix de Historiques, qui allant tous les jours aux nouvelles, ne perdait pas détail de cette évolution troublante, lui avait fait savoir qu’en cas de besoin, ils seraient tous là pour l’appuyer.

Neil chéri, tu ferais mieux de te mettre un peu à l’ombre…le soleil tape trop fort déjà…viens ici sous le parasol, je t’ai apporté de la limonade.

Il voulait rester au soleil et avait déjà de la limonade. Elle sourit pour masquer son agacement.

*Tant pis…qu’il rôtisse là !*

Je dois sortir un moment, chéri…il me manque des choses pour le dîner de ce soir…Non, je ne tarde pas, sois sage !

Il l’octroya d’un de ses sourires passe partout et ne dit rien. Elle fila mais pas en direction du centre-village mais vers le pavillon des historiques. Ce fut Amelia qui lui ouvrit la porte.

Dieu merci que je te trouve…Non, il va bien…tout aussi bien que possible…Non, rien na changé, j’ai toujours la même sensation…ce n’est pas mon Neil qui est là…enfin, c’est lui…mais…tu me comprends.

Elle la comprenait et compatissait sincèrement. Selon Miss Earhart il valait mieux avoir le cœur net d’une bonne fois pour toutes. Peu amie du ragot, elle n’était pas moins au courant des faits suscités avant l’opération et à son avis, il serait bon de mettre peu à peu Neil face aux nouveautés de sa présente existence et il fallait commencer par le point le plus algide : Miss Borija. Dépendant de sa réaction, on verrait comment agir par la suite.

Ainsi fut fait. Petit plan concocté en vitesse. La mort dans l’âme elle alla transmettre l’invitation à Lucrèce et à Dan en passant. Lindsay se sentait incapable d’affronter la miss toute seule. De retour à la maison, elle trouva Neil sous le parasol, confortablement installé entre coussins…endormi. La limonade avait finalement fait son petit effet.

Elle finissait de mettre la table, pour quatre, quand il rentra de la piscine.

On a des invités ?

Oui. J’ai pensé que ce serait une bonne idée de te remettre peu à peu dans le bain mais on va y aller doucement. Ce soir, on reçoit l’adjointe-conseillère Borija, ta main droite à la mairie *et Dieu sait où d’autre*…et le Dr. McIntosh, un de nos bons amis.

Il agréa sans commentaires et passa même le costume de lin clair qu’elle avait préparé pour lui. Contrairement à son Neil d’antan, celui là ne se proposa pas pour l’aider avec les derniers préparatifs. Soupir.

À l’heure dite, les invités furent là. L’effet prévu ne rata pas. Lucrèce accapara tous ses regards. La bonne vieille entente semblait avoir très bien survécu aux avatars. La conversation allait bon train mais il était évident que certains détails choquaient assez Neil.


Mais non, on ne t’en avait pas parlé en pensant que ce serait un choc pour toi…et oui, comme je te dis…Louis XIV, Achille…le même oui, celui de Troie et Sir Richard Burton…mais non voyons, mon chéri…racontez lui, Lucrèce, je suis sûre qu’il vous croira, vous !

Que lui raconta t’elle alors qu’avec Dan ils allaient à la cuisine chercher le plat de résistance ? Ils n’étaient pas pour le savoir, mais l’expression de Neil avait changé à leur retour. Il semblait plus détendu mais son regard était dur. Il suivait, inquisitif ses faits et gestes, enfin, quand sa voisine de table lui en laissait le sursis. Leur petit manège ne passait pas trop inaperçu. Lindsay se mordit la langue pour ne pas demander des nouvelles du fiancé repêché.

Les invités partis, elle préparait le divan-lit quand Neil la surprit en voulant l’enlacer. Peut être trop vivement, elle recula.

Tu dois te reposer, mon chéri…repos absolu. Bonne nuit !


À l’étage, il n’était pas question de dormir. Elle guettait le moindre bruit suspect. Il en mit du temps, sans doute pour s’assurer qu’elle dormait comme une souche. Silencieux comme un chat, il quittait la maison.

*Elle lui a donné rendez vous…la vipère !!!*

Survêtement enfilé en toute hâte, elle quitta à son tour la maison. Connaissant par cœur les allées, chemins et raccourcis, elle ne fut pas longue à arriver à destination. Tapie dans les arbuste du jardin de Miss Borija, elle capta au quart de tour le sens de cette mise en scène. Un ricanement sourd, à son dos la fait sursauter, en se retournant, elle découvrit Achille. Amelia les ayant mis au parfum de son petit plan, cela faisait un moment qu’ils montaient la garde, Richard et lui.

Oui…elle mène son jeu tambour battant…tu sais, je ne comprends rien…on dit même qu’elle a récupéré un fiancé…

Le petit rire entendu du Grec laissa de quoi se faire des idées. Richard se tenait un peu plus loin. Dan, bien malgré lui, n’était pas de la partie, pas question d’ajouter de l’huile au feu. Louis, la discrétion même, veillait de l’autre côté de la maison. Son imitation parfaite de quelque oiseau nocturne les mit sur avis de l’approche de Neil. Dans la piscine, Lucrèce telle sirène gracieuse évoluait dans l’onde claire, l’appât parfait…et bien sûr, M. Le Maire se laissait ferrer comme un innocent poisson. Il avait l’air décidément ravi de la tournure de sa soirée, sauf que Lindsay était plus que prête à lui damer le pion.

Bonsoir tout le monde !, lança t’elle à la cantonade en jaillissant de son buisson, tu penses faire trempette, mon chéri ?

Elle jouit intensément de l’effet surprise, du sursaut de son mari et l’expression butée de la sirène de service.

Qu’est ce que je fais là ?...Mais voyons, quelle question absurde, mon chéri, je prends soin de toi !

Comme on pouvait le prévoir, l’autre se rebiffa de belle façon, les envoyant au diable, elle et ses manigances obscures.

Je suppose que Miss Borija aura alimenté ta banque de données de juteuses informations…toutes fausses, crois moi mais enfin, ce n’est ni le lieu ni le moment de débattre…nous rentrons !...Voyons, mon chéri, sois raisonnable…Non, aucun amant pour me seconder…seulement des amis…des très bons amis !

L’apparition du guerrier et du diplomate s’avéra dissuasive. Neil écarquilla grand les yeux quand sa femme, d’un ton très posé, fit les présentations pertinentes. Que ce cher Louis s’amène tout content, finit par le déboussoler totalement, ce qui ne l’empêcha pas de tempêter sur tous les tons quand chacun le prit d’un bras.

Et vous…fermez la, Lucrèce…occupez vous plutôt de vos oignons !

On venait d’ouvrir une fenêtre, à l’étage, en levant la tête, Lindsay distingua, merci les lumières tenues, un homme qui se tenait là, en silence, mais l’expression de son beau visage la fit frémir. Point de colère, plutôt un indicible chagrin.

Rentrons ! Neil, aucun besoin d’ameuter le voisinage, tu es le Maire, comporte toi !

Sans doute une douce menace d’Achille eut plus d’effet. Chesterfield fit le reste du chemin, emmuré en un silence hostile. Arrivés à la maison, toujours soutenu par ses capteurs, Neil fut invité à prendre place dans un fauteuil et à écouter ce qu’on avait à lui dire.

Richard prit la parole, avec sa précision sage été exposa les faits, tel quels, sans émotions. Dans tout un autre style, Louis le Grand prit le relais, la récapitulation d’Achille fut, comme on pouvait s’attendre de lui, stricte et courte.

Maintenant tu sais tout ce que tu dois savoir. Aucun Philip Diamond n’a manigancé une mise en scène, nous ne sommes pas des acteurs à sa solde et nous sommes tous dans le même pétrin alors, s’il te plait, reviens sur Terre…si tu veux. Réfléchis tout ton soûl, pèse les pour et les contre. Je ne t’importune plus, je partirai demain. Bonne nuit, Neil.

Le lendemain de bonne heure, bagages faits, elle attendait l’arrivée de Jenny, qui lui offrait refuge…
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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptyMer 13 Juin - 11:43

N’importe quel fou sensé aurait agit comme lui, du moins Chesterfield en était persuadé.
Il devait gruger son monde pour pouvoir ficher le camp à la 1ère occasion. N’empêche que… Des trucs clochaient. Son copain Phil avait beau être retord et bourré aux as, de là à l’expédier au bout du monde pour se débarrasser de lui… La farce était grosse. La mignonne Miss Fairchild s’occupait de son confort, mais en épouse elle repasserait :


Tu dois te reposer, mon amour…Aucun effort, même pas monter l’escalier, c’est pour cela que je fais ton lit ici. Il y a une salle de bains ici en bas aussi…mais si tu as besoin de quelque chose n’hésite pas à m’appeler…Bonne nuit !

En fait de bonne nuit, il roupillait beaucoup. Trop à vrai dire pour que ces crises de sommeil soient naturelles. Mais il n’était pas encore assez en forme pour résister et filer.
Lors du fameux dîner destiné soi-disant à le remettre dans le bain, il fit la connaissance de Miss Borija. Le toubib devait être là pour jauger ses réactions mais que faisait-là cette très belle jeune femme ? Ils travaillaient ensemble, apparemment. Neil donna le change aussi bien que possible mais les révélations de son adjointe éveillèrent bien plus que sa curiosité. Le toubib et sa « femme » étaient donc de mèche ? Pas étonnant que Lindsay soit si distante avec lui… Un rendez-vous nocturne ? Voilà de quoi en connaître plus.
Honni soit qui mal y pense mais Neil n’avait aucune arrière-pensée gaillarde en se rendant chez Miss Borija. Qu’elle soit nue dans la piscine lui donna néanmoins matière à réflexion quoique dans ce genre de situation la tête ne fonctionne pas correctement.
Les sens à l’envers, il se dirigea donc vers le pôle d’attraction sans s’attendre à ce qu’une voix sèche résonna :


Bonsoir tout le monde, tu penses faire trempette, mon chéri ?

Euh… peut-être… Pourquoi es-tu ici ?

Qu’est ce que je fais là ?...Mais voyons, quelle question absurde, mon chéri, je prends soin de toi !

Ouais ! Je vois ça ! Tu m’espionnes, avoue ! J’ai pas besoin d’être tenu en laisse. Va dire à Phil que je l’emmerde et fous-moi la paix !

Je suppose que Miss Borija aura alimenté ta banque de données de juteuses informations…toutes fausses, crois moi mais enfin, ce n’est ni le lieu ni le moment de débattre…nous rentrons !


J’ai pas envie de rentrer ! Et c’est pas toi qui me feras changer d’avis.


Voyons, mon chéri, sois raisonnable…

IL n’en est pas question ! Tu n’es pas de taille. Que vas-tu faire ? Appeler ton amant à la rescousse ?

Non, aucun amant pour me seconder…seulement des amis…des très bons amis !

Euh… Effectivement se pointèrent deux gars à la forte carrure dont l’expression ne présageait rien de bon quant à leurs intentions. D’après Lind, il ne s’agissait rien de moins que de Burton et d’Achille, le héros de Troie. On lui aurait présenté Brad Pitt et Russel Crowe que Neil n’en aurait pas été plus paf. Que se présente un prétendu Louis le 14ème du nom l’acheva.
Coincé entre les deux costauds, Chesterfield se défendit pour la forme :


Lâchez-moi ! Vous n’avez pas le droit !

Rentrons ! Neil, aucun besoin d’ameuter le voisinage, tu es le Maire, comporte toi !

Il voulut en rajouter une couche mais la menace du Grec l’obligea à se tenir coi.
Il ne savait pas trop à quoi s’attendre en étant jeté comme un paquet de linge sale dans un fauteuil. L’un après l’autre, les malabars tentèrent de l’éclairer. Tantôt avec douceur, tantôt avec fermeté ou fioritures royales, Neil en prit pour son grade. Il tenta bien d’en placer une ou l’autre mais chaque remarque avait sa réponse.


…Vous me prenez vraiment pour un con ? Je ne vous connais pas !... Non, vous mentez !... Maire, moi ? N’importe quoi !... Les Walker ? C’est qui ceux-là ?... Sissi, Hélène, Amelia, Musashi ? Pourquoi pas Attila tant que vous y êtes ? … Pas encore là, quelle veine ! … Plus d’un an ? À d’autres ! Je me rendais à l’embarcadère, Phil a tout manigancé... Lucrèce a dit que…

Pour des comédiens, ils avaient vachement bien étudié leurs rôles. C’en était troublant, criant de vérité. Une migraine pas possible menaçait quand Lind lui donna l’estocade :

Maintenant tu sais tout ce que tu dois savoir. Aucun Philip Diamond n’a manigancé une mise en scène, nous ne sommes pas des acteurs à sa solde et nous sommes tous dans le même pétrin alors, s’il te plait, reviens sur Terre…si tu veux. Réfléchis tout ton soûl, pèse les pour et les contre. Je ne t’importune plus, je partirai demain. Bonne nuit, Neil.

Et on le laissa seul, cloué dans son fauteuil avec une bouteille d’eau en compagnie.
Il la vida à petites gorgées avant de l’agrémenter d’un peu de scotch oublié dans un placard.
Une balance infernale le tint éveillé toute la nuit.
Ces gens pouvaient mentir mais… pas à ce point. Pourquoi Miss Borija avait-elle dit le contraire ? D’après Achille, c’était une emmerdeuse notoire qui aimait mettre les gens sens dessus dessous.
Qui croire, que croire ou ne pas croire ?
L’alcool le sonna très vite, il roupilla un peu, lessivé.
Des rêves le hantèrent encore. Lind se moquait de lui en le laissant sous la douche sans une seule serviette sèche à disposition. Lind avait saupoudré les draps avec des miettes de biscuits et de faux cils. Lind s’occupait de lui parce qu’il s’était pris un pain dans le nez. Lind était dans ses bras aux douze coups de minuits. Un plongeon, une dérive mais ELLE était là, toujours là.
Un mariage, des élections, une attaque du village, tout y passa et Lind était à ses côtés.

Au matin, les bruits de roulettes sur le carrelage le tirèrent des limbes.
Fidèle à sa promesse, Lind avait fait ses bagages et était postée devant la porte ouverte.
Vaseux comme pas deux, il tituba jusqu’à l’entrée dont il barra l’ouverture :

Ne fais pas ça, ne NOUS fais pas ça. Je ne sais pas ce que j’ai pu faire ou dire pour en arriver là mais je suis certain que tu n’as pas menti. J’ai dû te décevoir pour une chose que j’ignore encore. Tu vas chez Dan, c’est ça ? J’ai bien vu qu’entre lui et toi, il y avait plus que de l’amitié. Si c’est ton choix, vas-y… Je me débrouillerai mais… tu vas me manquer… Je sais que je t’ai aimée, et que tu m’aimais aussi… Si c’est fini tant pis, pardon…

Il s’écarta en se retenant au guéridon de l’entrée, fit quelques pas incertains et se prit un billet de parterre magistral.

Il brûla de fièvre trois jours, selon les dires des uns et des autres. S’il délira, il n’en garda aucun souvenir mais Lind tenait sa main quand il revint à lu
i.

Tu es là ? s’étrangla-t-il tant il était ému par le regard éperdu posé sur lui.

Les lèvres qui se joignirent aux siennes le ranimèrent complètement.

Sa convalescence prendrait du temps d’après les toubibs. Un grand pas avait été franchi en acceptant la réalité des faits.
Pas question qu’il reprenne déjà le travail avec un cerveau en passoire.
Pour Neil tout était nouveau. De nombreux visages inconnus lui souriaient en rue quand il y circulait au bras de son épouse. La pierre l’effraya presque mais Lind se montra un guide parfait, ayant réponse à toutes ses questions avec beaucoup de douceur voire de tendresse. Il n’en revenait pas de tant de patience à son égard. Avait-il réellement été l’homme qu’elle lui décrivait ?
Les longues discussions qu’ils échangeaient tendaient à le prouver. Elle le sidéra plus d’une fois en lui narrant divers épisodes vécus ensemble :

On a fait la révolution ?... Et j’ai gagné deux fois les élections ? … Des conquistadores ont mis le village à sac ? …On a subi un tremblement de terre avant de passer sous la pierre ? La zone 51, c’est quoi ?

Excellente conteuse, Lind le charmait de récits parfois si épiques qu’il en riait en se demandant si elle n’en rajoutait pas. Ce qui était sûr, c’est qu’il était très apprécié au village. Fréquemment, il arriva que l’un ou l’autre vienne lui demander des conseils qu’il était encore inapte à donner avant de globaliser toutes les informations reçues.
Il refit la connaissance des Walker. Luke était revenu par ses propres moyens et avait été directement réengagé au comité. Quand Lind l’interrogeait sur sa reprise de fonction, Neil se dérobait. Dieu sait pourquoi, à chaque fois qu’on lui parlait de son poste, Chesterfield sentait ses migraines revenir et la trouille lui nouer les tripes.


Il n’y a pas le feu… Ils s’en sortent très bien ainsi, non ? Si on allait pécher demain ?


Divers sujets n’avaient pas été abordés entre les époux. Époux sur papier, cela va sans dire. Ils faisaient toujours chambre à part et Neil l’acceptait avec… plaisir. Pas que Lind lui déplaise, oh non. Mais il sentait bien que quelque chose manquait de part et d’autre. Elle souffrait, il le remarqua. Elle recherchait un compagnon perdu qu’il n’était pas, qu’il n’était plus.
Parfois, Neil s’interrogeait sur lui-même, sur eux. N’était-il pas en train de gâcher la vie de cette adorable jeune femme ? Ne serait-elle pas plus heureuse avec l’incontournable toubib qui venait sans arrêt leur tourner autour ?


*Raisons médicales ? Mon œil !*

C’était si évident qu’il en pinçait à mort pour Lindsay. Elle… ? Pas si clair que ça.

Ce jour-là, Lind se destinait à mettre les petits plats dans les grands. On allait recevoir du monde.


… Thanksgiving ? Tu es sûre ?

Oui, elle l’était. Ils allaient recevoir le groupe des historiques au complet, l’incontournable Dan et quelques membres du comité.

Mais ça en fait du monde ! Je… je peux t’aider ? Je ne suis pas doué, je te préviens !

Elle l’assura du contraire mais sembla tellement ravie, que Neil aurait été tuer la dinde illico pour la revoir sourire ainsi.
Il est des gestes qui ne s’oublient pas. Neil en demeura pantois quand les oignons se hachèrent avec une dextérité incroyable sans y laisser un doigt.
La dinde à farcir était énorme. Une veine, chaque couple d’invités apporterait quelque chose.
Ils trimèrent néanmoins de concert avec une belle humeur en échangeant ici ou là des commentaires destinés à combler les trous et pas que ceux de l’oiseau. Les rires de Lind déclenchaient invariablement un émoi profond chez Neil. Elle le faisait si rarement, hélas.


*C’est de ta faute ! * culpabilisait-il.

Qu’est-ce qu’il avait bien pu faire ? Il en avait une vague idée car, à chaque fois que s’évoquait Lucrèce, Lind jouait l’huître.
L’ambiance était si bonne à ce moment où il hachait des champignons. Pourquoi la gâcher avec des questions ? Parce qu’il le fallait. Très sérieux, il posa son couteau et soupira avant de relever la tête et affronter son regard :


Lind, franchement, sincèrement, dis-moi : es-tu heureuse avec moi ?

Aïe ! Ça commençait mal, elle se figeait avec un air de biche aux abois.

C’est ce que je pensais : tu ne l’es pas. Je suis désolé, tellement désolé. Tu mérites mieux que moi. Tu aimais l’autre, celui d’avant. Je fais des efforts mais… oui, peut-être que je suis toujours là ; je voudrais tant te le rendre ! … Malgré tout, je sens qu’au fond de toi tu m’en veux. Dis-moi pourquoi.

Il venait d’ouvrir la vanne d’un robinet sans s’en douter.
Pour en recevoir plein la gueule, il s’en prit.


… Je quoi ? Moi et Lucrèce ? Mais… Répète ? … J’ai imaginé que… ? Suis peut-être con mais pas à ce point ! Stop, tu vas trop vite… Achille, Lucrèce, moi ?...

Une indécente hilarité le saisit alors que Lind lui bassinait les oreilles avec des frasques supposées.

Excuse-moi… c’est plus fort que moi. C’est pas possible, absolument impossible...
Arrête, vais pisser dans mon froc ! Tu dérailles, c’est pas possible. Je vais te dire un truc : dans mes rêves, il n’y a que toi. Jamais QUE toi. Si j’avais fait ce dont tu m’accuses, Borija devrait au moins apparaître une fois, non ? Ben non. C’est de TOI que je rêve tous les soirs. J’adore ton rire, tes traits d’esprits, ta douceur… tout chez TOI !... Sauf( petit bémol) tes attentions envers Dan.. Ouais, ouais, je le connais ce refrain de l’ami fidèle ! … C’est lui qui m’a charcuté le cerveau, je te rappelle…
Non, je ne suis pas stupide ! Tu crois que j’avale ses pilules ? Suis pas suicidaire !... Si, il veut ma peau ! J’ai donné ses cachets à analyser à Olliver. Tu sais ce qu’il a trouvé ? De l’arsenic ! … Le poison des rois, le roi des poisons… Je devine que tu vas trouver une explication thérapeutique mais pas aux doses prescrites, Olliver est formel. Ça te la coupe, hein ? Si tu veux d’un assassin, je m’incline, je rends mon tablier.


Il joignit le geste à la parole et dénoua les cordons de cette protection.
NeiI ne s’attendait pas à ça mais Dieu que c’était bon. La suite mérite censure.


Quand les invités débarquèrent, beaucoup remarquèrent qu’une entente nouvelle régnait dans la maison…

Sans aucun effort à fournir, Neil se crut enfin à sa place. Sous le regard complice de Lind, il put se montrer un hôte digne de ce nom. Courtois, affable, plaisantant facilement, aux yeux de tous l’ancien Neil était de retour. Que Lind batte froid Dan était un régal. De temps à autre, il nota une sorte de malaise dans l’assemblée. Dans l’ensemble tout allait bien mais… Il se passait quelque chose d’indéfinissable entre Miss Borija et Luke Walker. Ou il rêvait ou c’était à couteaux tirés là. Il ne chercha pas à approfondir, trop heureux d’échapper aux attentions de la vipère de service.
Entre l’entrée et la dinde, le petit Nick passa de bras en bras. Quand il atterrit dans ceux de Neil, tous lurent son émotion :

Faudra que tu nous donnes ton truc, Luke.

Plusieurs têtes opinèrent dans le même sens. Luke demeura avec son sourire énigmatique qui en disait long sans rien dire du tout.

La dinde prête au découpage, très révérencieux Neil rendit les grâces :


Merci Seigneur pour tes bienfaits. Merci pour cette table bien garnie, ces amis réunis, cette chaleur qui…

Miss Borija n’était pas venue seule. Elle avait tenu à s’afficher avec un pâle individu qu’elle décrétait haut et clair comme étant son « fiancé » retrouvé. Plus pâle que ça, tu meurs.
Sans un réflexe de Dan, le nez du gars aurait atterri dans la purée au moment des grâces. Aspersions au visage, claques, Jeff Night revint à lui, perdu, malheureux. Il s’excusa et, remis, se rassit devant son assiette qui se garnit copieusement.
Les mets étaient délicieux et les vins généreux. Avec Louis à table, ambiance assurée.
Ses anecdotes sur sa vie antérieure ne manquèrent pas mais c’est surtout celles concernant son après résurrection qui déclenchèrent l’hilarité générale. Avait-il réellement mangé du mammouth, volé sur le dos d’un dragon, été tué deux fois de l’autre côté ? Hélène parla d’un samouraï qui découpait les gens plus vite qu’un chef-coq des concombres. Les dames demandèrent alors à Neil ce qu’était devenu le Nippon.

Je… je ne savais même pas que j’étais resté seul avec lui, peut-être s’est-il coupé par accident ? rigola-t-il. Ou fait hara-kiri ?

Quelques bons mots fusèrent en retour. C’était réellement une atmosphère incroyable qui régnait là. À croire que tous les soupçons, doutes, jalousies et rancœurs n’existaient plus.
Quand Jeff, un peu pompette, raconta les bêtises de son toutou, tous se tordirent et voulurent connaître l’animal qui attendait son maître dehors. Louis, là-dessus, demanda des nouvelles de son bébé.
Une fois de plus Chesterfield tomba des nues. Jenny dut lui « rappeler » l’épouillage subi de la part de Colbert. C’était un peu frustrant que tous ses amis en sachent plus long que lui sur lui-même.
Mais il n’eut pas le temps de s’atermoyer avec des états d’âmes. On avait voulu connaître Ding, on fut servi. Le facétieux macaque, que les Walker pensaient avoir laissé chez eux, avait apparemment trouvé un copain dehors. Il voulait rentrer ? Lui aussi. La porte de la terrasse était entrouverte…
Tout le monde resta paf quand une très grosse bête surmontée d’une petite surgit dans la salle à manger y créant une pagaille monstre dans l’unique but de sauter sur les genoux de son papa.
Des assiettes valsèrent par terre, des verres se brisèrent. Très excité Colbert sautait de l’un à l’autre en poussant des hurlements perçants. Il défit des chignons, secoua des serviettes, jusqu’à ce que Luke, sévère, lui tende un fruit. Si le singe se calma, Ding en rajouta. Après avoir copieusement « embrassé » son maître, il avisa la carcasse de la volaille, la happa et détala avec Jeff à ses trousses qui le rappelait comme un fou.


On devrait peut-être lui donner un coup de main. C’est très mauvais les os de volailles pour un chien. Ça ne vaut pas l’arsenic, mais c’est aussi mortel…

Comprenne qui peut. Tiens, ce cher Dan virait de couleur…
On s’arrangea à la comme on peut pour rendre aux lieux un peu de dignité. Lucrèce était très embarrassée par ce désastre en assurant remplacer tous les objets brisés. Personne n’en voulait à personne, on en rigola plus qu’autre chose.

Jeff revint dans un drôle d’état juste pour la distribution des parts de tartes au potiron. Le toutou était sauf. Lui, par contre, avait dû lutter pour maîtriser son fauve et lui reprendre la dépouille de la dinde en se fichant en l’air plusieurs fois. Il alla se rafraîchir à la salle de bains où Neil lui prêta quelques vêtements. Pourquoi cette idée lui vint-elle ? Neil se crut « obligé » de lui dire deux mots en privé :

Nous n’avions pas encore eu l’occasion de nous rencontrer avant ce soir. J’imagine que vous avez eu vent de certaines rumeurs… Je puis vous assurer qu’elles sont fausses. Dans le fond, nous nous ressemblons, vous et moi… Nous débarquons. J’espère que toutes ces mauvaises langues se tairont. Soyez le bienvenu, Jeff.

Une poignée de main franche ensuite, Neil retourna s’occuper des invités.
Les dames papotaient dans un coin en sirotant des liqueurs, les hommes dans un autre. Neil dut interrompre Lind car il était encore paumé dans sa propre maison :

A-t-on des cigares ici ? Je fumais, non ?

Elle avait espéré que ce petit vice lui serait passé. Pas que Chesterfield soit un grand fumeur mais, dans certaines occasions…
Lind accepta de lui ouvrir le bon tiroir.
Présentant sa boîte à tous les hommes, il pinça un peu Dan, pour rigoler :


Je sais que c’est contraire à la bonne santé selon l’ordre des médecins, mais tout poison est bon à petites doses, n’est-ce pas toubib ?


Les traits de Richard s’éclairèrent en s’emparant d’un de ces bâtonnets bruns que Louis regarda avec horreur les comparant à des excréments séchés, sans parler de la tête d’Achille qui n’essaya même pas. Luke en accepta un, Jeff aussi.
Pour ne pas incommoder les dames avec leur épaisse fumée, les messieurs s’installèrent sur la terrasse, un verre de scotch en main. Louis téta une petite bouffée et crut recracher ses poumons.
Par le biais des historiques qui, tous, travaillaient pour la municipalité, Neil put avoir une idée globale de la gestion actuelle du village.
Dans l’ensemble, cela tournait rond. Bien sûr, quelques groupuscules de dissidents végétaient menés, en douce, par Bones et ses fidèles.


Doit-on craindre un coup de force ? demanda Neil au chef de la milice. Et pour la plaque, sait-on la contrôler, maintenant ?


On lui assura que tout baignait et on profita d’une bonne fin de soirée entre amis.
Quand les derniers se retirèrent, Neil s’avoua claqué. Il dit :


On rangera demain, si tu veux bien.

Un embarras profond le saisit dans le couloir des chambres. Devait-il prendre la porte de droite ou celle du fond ? Lind, en riant, trancha la question.
Quelques confidences s’échangèrent sur l’oreiller :

Je crois que je vais reprendre le boulot… non, pas demain quand même. Après-demain ? Je suppose qu’il faudra que je me réadapte à ça aussi… Tout m’a l’air si compliqué.
Parle-moi un peu des Walker ? Ce Luke est étrange ou c’est mon idée ?... Sais pas, j’ai eu l’impression d’être scanné plusieurs fois… Et ce Jeff, tu en penses quoi ? Il a l’air aussi paumé que moi, non ?... Malheureux ? Je dirais qu’il a beaucoup de chance avec Lucrèce qui… AÏE ! Pourquoi tu me pinces comme ça ? Ah…(ébahi) Qu’est-ce que tu vas imaginer ? Ce sujet est clos, ma chérie et, pour ma part, il n’a jamais existé.


Ils passèrent un long moment à discuter avant d’enfin en écraser.


Le lendemain, après avoir aidé Lind aux rangements, Neil se sentit nerveux. Il avait rendez-vous avec McIntosh pour un bilan complet. D’aune part, il savait devoir s’y soumettre, d’une autre il n’avait aucune envie de se retrouver entre ses mains assassines. Il aurait bien demandé à Lind de l’accompagner mais détestait l’idée de jouer avec le feu. Ce n’était pas en lui mettant sa femme sous le nez que le toubib finirait par changer ses idées sur elle.
Bourré de recommandations par sa chère moitié, Chesterfield promit d’éviter d’envenimer les choses et de ne pas démolir Dan à la première occasion.
Dès qu’il entra dans le cabinet du docteur, Neil fut surpris par l’attitude de ce dernier. Fébrile, il commença l’auscultation en posant une foule de questions pressantes auxquelles Neil répondit honnêtement :


Non, j’ai bien eu quelques nausées mais pas trop. Des contractures ? Parfois. De la confusion ? Je pense être redevenu assez logique. Qu’est-ce qui t’ennuie, toubib ? …Les pilules, je ne les ai pas prises, juste deux ou trois mais je me sentais pire alors j’ai arrêté… Une erreur ?


Dan parut réellement soulagé. Selon ses dires, un récent préparateur en pharmacie avait cafouillé avec les dosages des substances si bien que les cachets de Neil contenaient 10 fois plus d’arsenic que prévu.

… ouais, je suis chanceux ! *Dommage, hein ?*


La sincérité de McIntosh semblait tangible mais allez savoir s’il n’avait pas inventé cette fable pour se couvrir ? L’avenir le dirait…
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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptyDim 1 Juil - 9:56

Dormir !? Qui y songeait ? Pas elle en tout cas. Assistée de la colère du juste, Lindsay fulminait pour de bon.

S’il est si buté, idiot et aveugle…opération ou pas, il peut aller au diable…j’en ai marre. Triple abruti…si on m’avait dit que je devais passer une honte pareille…Ah, non…mais il ne me la refait pas !...Qu’il s’arrange tout seul…Déjà sur le bateau il était imbuvable…enfin, il a changé, c’est vrai…mais voilà…c’est du « Chassez le naturel, il revient au galop ! » tout craché…Que la Lucrèce voit ce qu’elle fait avec…

Et ainsi de suite. Sans trop de remords de l’avoir abandonné à son sort improbable, avec pour seule compagnie une bouteille d’eau minérale, elle continua à pester tout en emplissant ses valises dans l’unique espoir que sa colère surpasserait le chagrin qui lui broyait le cœur. Sournoises, les larmes lui échappaient. Elle ne voulait pas de cette faiblesse qui l’achevait mais cessa bientôt de lutter, recroquevillée dans un coin de ce lit si heureusement partagé jadis, Lindsay laissa crever sa peine et pleura toutes les larmes de son corps.

Neil, son prince charmant. Elle ne pouvait pas le voir autrement, ne voulait pas le faire, c’est ainsi, qu’elle, folle rêveuse, l’aimait de toutes ses forces, de toute sa dévotion sauf que ce Neil là n’était plus…à sa place, cet inconnu qui avait cru pouvoir la berner…

Je veux MON Neil…je le veux de retour…comme avant…, soliloquait elle, perdue, étouffée par cette douleur qui lui brisait l’âme.

Le matin arriva sans avoir fermé l’œil. Tout à coup elle avait hâte de quitter cette maison. Bagages amenés à la porte il ne restait qu’à attendre que Jenny arrive mais voilà que Monsieur apparaissait en titubant de manière plus que douteuse.

*Génial, manquait plus que cela…il a vidé le scotch !*


Et de lui tenir un discours qui, malgré tout, la fit frémir. Le seul problème est qu’il posait les questions et donnait aussi les réponses, comme quoi il résulta qu’elle déménageait chez Dan, qu’il savait qu’entre eux il y avait plus que de l’amitié. De peu il leur donnait leur bénédiction mais avant, enfonça au mieux son clou :

Je me débrouillerai mais… tu vas me manquer… Je sais que je t’ai aimée, et que tu m’aimais aussi… Si c’est fini tant pis, pardon…

Et le tout avant de s’écrouler comme une masse, la faisant hurler de terreur.

NEIIIILLLL !!!! Oh mon Dieu…Neil, ne me fais pas ça…Neil !!!

Affolée, elle parvint quand même à constater qu’il respirait encore…et avait de la fièvre ! Appeler au secours était son unique option. Neil était trop grand et lourd pour songer à essayer de se débrouiller seule mais bien entendu, les voisins ne sont jamais là quand on en a besoin…Elle paniquait joliment quand Jenny débarqua et elle n’était pas seule.

LUKE !!!! Oh mon Dieu, Luke Walker…j’ai des hallucinations ?

Non, elle n’en avait pas mais sans trop de temps pour s’extasier de ce retour inopiné il fallut s’occuper de Neil qui, faute de secours immédiat, continuait étendu sur le carrelage. Luke prit en charge l’opération et peu après il reposait dans son lit, à l’étage. Il brûlait de fièvre et avait des moments de délire pendant lesquels il disait n’importe quoi. Dan, venu à la rescousse, diagnostiqua un ébranlement nerveux et sans doute une petite infection de rien du tout. Il semblait bien insouciant en rendant son verdict.

Comme cela ? Tout juste…un petit rien du tout !? Mais voyons…on n’a pas 40° de fièvre pour un p’tit rien…et Neil n’est pas du genre à tomber dans les pommes pour rien !

Bourré de médicaments, Neil vogua dans les limbes incertains du délire pendant encore trois jours. Un délire fort instructif, selon Lindsay qui ne quitta pas son chevet. Elle en apprit des choses, découvrit des facettes, reconnut des angoisses et entendit très souvent son nom…Elle tenait sa main, comme depuis trois jours, quand il ouvrit enfin les yeux.

Tu es là ?


Qu’est ce que tu crois ?, et cédant à une impulsion venue du cœur, elle l’embrassa doucement sur la bouche, où d’autre voulais tu que je sois ?

Personne n’avait pu la convaincre d’être ailleurs pendant ces trois jours de crise. A peine si elle avait consenti à descendre manger quelque chose, vite fait, alors que Jenny, Amelia, Hélène ou Sissi prenaient brièvement le relai. Elle avait dormi, d’un œil, dans un fauteuil près du lit .

Il faudrait du temps pour que Neil récupère ses forces mais au moins avait il accepté délaisser sa théorie d’être victime de quelque intrigue tordue ourdie par son associé Phil et acceptait les faits tels qu’on les lui présentait.

Je sais, ce n’est pas facile d’admettre du jour au lendemain…moi-même j’ai parfois du mal à croire tout ce que nous avons vécu depuis notre arrivée ici. Ne te force pas…Ça viendra petit à petit…

Viendrait ? Viendrait pas ? Elle s’y prenait avec autant de tact que possible, sans le brusquer, lui présentant, très naturellement, tous ceux qui s’approchaient pour lui parler, lui souhaitant un prompt rétablissement la plupart, bien que ne manquât pas l’étourdi qui venait lui demander une conseil sur ceci ou cela. Ceux là, elle les rabrouait poliment et continuait comme si rien.

Et voici la fameuse Pierre…je t’en ai parlé. Elle domine la vie du village…et nous pourvoit de beaucoup de ce dont nous avons besoin…biens sûr, il faut payer…regarde…

Elle déposa un diamant et obtint en échange des articles de toilette.

C’est la seule façon d’avoir certaines choses que nous ne pouvons pas encore produire…au début, elle nous fournissait tout…

Rêveusement, elle évoqua leur arrivée, les efforts pour s’adapter à ce monde étrange mais non exempt de charme. Après tout ne leur avait il pas permis de reprendre leur vie à zéro, la refaisant à leur façon ? Du moins pour elle qui comparait cette aventure sans pareil à un exorcisme de ce hier guindé et exigeant dont elle brossa un tableau rapide et sa détails. Par contre elle parlait de lui, de long en large, le décrivant avec humour teinté de certaine mélancolie, racontant des anecdotes…

*Dépeindre sa vie comme en parlant d’un tiers…au moins il rigole !*

Elle beaucoup moins, ce n’était pas facile. Neil était charmant , facile à vivre, en rien exigeant.

*Le coloc idéal, quoi !*

Tacitement, l’accord était passé, ni l’un ni l’autre ne semblait prêt à dépasser la limite imposée par cette situation singulière. Ils s’entendaient à merveille, comme des bons amis obligés à partager le même toit. L’attrait existait, néanmoins. Lindsay le découvrait dans son regard qui s’attardait souvent à suivre ses faits et gestes, dans son sourire…

Elle adorait son expression éberluée lors de ces mises à jour.

On a fait la révolution ?

Oh oui ! Et comment ! Tu as damé le pion à cet tyran de Higgins et remis les pendules à l’heure…pas étonnant que tous t’adorent…*Comme moi !*

Il n’en revenait pas.

Et j’ai gagné deux fois les élections ?


Mais oui, crois moi…tu étais imbattable. Les autres candidats ne valaient rien à côté de toi…Non, je n’exagère rien…tu peux demander à n’importe qui…non pas à Richard ou Achille, eux n’étaient pas encore là alors…C’était avant l’attaque des conquistadores et des pirates…la preuve…à peine revenu, ils te réélisent de nouveau…

Des conquistadores ont mis le village à sac ?

Ta stratégie ne leur en a pas laissé le temps, n’empêche qu’ils…

Elle coupa court la réminiscence de son enlèvement, aucun besoin de lui embrouiller encore plus les idées. Parlant de la disparition de Luke , elle emboîta avec l’expédition et les divers et incroyables avatars survenus avant et après leur séparation, sans s’attarder en détails inutiles….et surtout sans mentionner trop souvent le nom du toubib. Déjà assez de le voir tous les jours…mais à ce thème, Lind ne voulait pas volontiers y penser.

La zone 51 est quelque chose que tu dois voir de tes propres yeux…déjà que tu penses que j’exagère avec le reste, là tu ne me croirais pas la moitié…demande à Louis de t’y emmener, après tout tu l’en as nommé administrateur…pas de souci, il s’en tire comme un roi…enfin comme ce qu’il est. Oui, Neil…c’est vrai…c’est bien lui…le Quatorzième du nom !

Peu à peu, il assumait bien que mal la réalité de leur monde. Luke aida grandement à cela, avec sa patience d’ange et ses explications débordantes de bon sens. Néanmoins Neil ne voulait pas entendre parler de reprendre ses fonctions…pour le moment. Elle aurait juré qu’il avait peur d’affronter tant de responsabilités d’un seul coup mais se promit de ne pas le brusquer…pas trop du moins !

L’approche de Thanksgiving raviva la nostalgie parmi la plupart des rescapés. Cela faisait presque deux ans déjà qu’ils avaient été arrachés de leurs vies normales pour se voir transplantés dans cet univers incongru où il leur avait fallu recommencer avec un semblant de normalité. Autant s’y prendre le mieux possible. L’année d’avant cela leur était passé par-dessus la tête, trop occupés à organiser leurs existences mais là la coutume reprenait ses droits et tous s’efforçaient de reprendre la tradition…comme avant.
La Pierre dut en exaucer des vœux hors commun. Tous voulaient recréer l’ambiance de leur chez soi perdu, goûter les mêmes mets, se réunir entre amis faute de vraies familles. Lindsay ne dérogea pas.

Thanksgiving ? Tu es sûre ?

Et certaine. On va avoir du monde…Qui ? Prépare toi, ils ne seront pas des moindres…Louis et Hélène, Richard et Amelia, Achille et Sissi, Chris Banks et Gloria, Luke et Jenny, Dan…et bien sûr…ton bras droit au Conseil…Miss Borija qui soi disant vient accompagnée

Elle guetta la réaction de son mari mais celui-ci resta comme si rien, plutôt intéressé par l’énorme dinde qui trônait, vidée et plumée, sur le plan de travail.

Géante, non ? Quand Luke me l’a apportée ce matin, j’ai cru que c’était une autruche !

Je… je peux t’aider ? Je ne suis pas doué, je te préviens !

Pas doué ?...Tu veux rire…à côté de toi, je suis minable en cuisine…essaye toujours, tu verras !

Il fut le premier surpris de ne pas s’émincer le doigt à la pair des oignons.

Tu vois, je te l’avais dit…il y a des trucs qui sont comme faire du vélo…


Fais ceci, je fais cela…elle se trouva en train de raconter un peu de tout et n’importe quoi, l’âme légère, le cœur en joie, retrouvant comme si rien leur complicité d’antan. Riant de bêtises, laissant leurs regards se sonder…et puis alors que tout allait si bien il fallut que Neil pose LA question :

Lind, franchement, sincèrement, dis-moi : es-tu heureuse avec moi ?

Prise de court, elle sentit son cœur s’arrêter pour démarrer la seconde d’après à 200 à l’heure. Incapable de piper mot, elle dut le laisser interpréter son silence.

C’est ce que je pensais : tu ne l’es pas. Je suis désolé, tellement désolé. Tu mérites mieux que moi. Tu aimais l’autre, celui d’avant. Je fais des efforts mais… oui, peut-être que je suis toujours là ; je voudrais tant te le rendre ! … Malgré tout, je sens qu’au fond de toi tu m’en veux. Dis-moi pourquoi.

Et bien ! Le moment était venu de mettre cartes sur table et puisqu’on ne pouvait autrement, Lindsay décida, d’une fois pour toutes, de vider son sac et pour s’y prendre, on peut dire qu’elle s’y prit de maîtresse façon. Un peu hors d’elle, ce qui n’était pas coutume, la jeune femme ne tut rien de ce qui la taraudait depuis un bon moment déjà. Tout y passa, sans omettre détail.

Je quoi ? Moi et Lucrèce ? Mais… Répète ? … J’ai imaginé que… ? Suis peut-être con mais pas à ce point ! Stop, tu vas trop vite… Achille, Lucrèce, moi ?...

Tu as tout compris…Lucrèce, Achille, toi…et Dieu sait qui d’autre…Tu en bavais…mais oui…et comment !...Je n’aurais jamais cru que tu sois capable de ça…

Et Neil se s’écrouler…de rire ! Un comble ! Mais voilà qu’il trouvait une merveilleuse explication à cette hilarité inappropriée.

Tu dérailles, c’est pas possible. Je vais te dire un truc : dans mes rêves, il n’y a que toi. Jamais QUE toi. Si j’avais fait ce dont tu m’accuses, Borija devrait au moins apparaître une fois, non ? Ben non. C’est de TOI que je rêve tous les soirs. J’adore ton rire, tes traits d’esprits, ta douceur… tout chez TOI !

De quoi en rester paf de chez paf ! Mais avant qu’elle n’en revienne il avait rajouté une couche…la couche.

Sauf( petit bémol) tes attentions envers Dan…

Dan n’est qu’un bon ami !, protesta t’elle, vexée, tu le sais…

Ouais, ouais, je le connais ce refrain de l’ami fidèle ! … C’est lui qui m’a charcuté le cerveau, je te rappelle…

Je t’en prie, tu ne vas pas aller jusqu’à dire qu’il a mal agi…il t’a sauvé la vie !

La suite la laissa muette de stupeur. Aux dires de Neil, Dan avait tout simplement voulu l’empoisonner en lui administrant des pilules à l’arsenic.

Mais voyons…Dan ne ferai jamais une chose pareille…

Il rebattit sa noble théorie avec des assertions contondantes.

Ça te la coupe, hein ? Si tu veux d’un assassin, je m’incline, je rends mon tablier.

Et de l’enlever. Pour la première fois de son existence, Lindsay Fairchild, épouse Chesterfield, envoya au diable les bonnes manières tant rabâchées et sautant pratiquement sur son mari, l’embrassa avec une fougue dont on ne l’imaginait pas capable.

J’en ai marre…t’en souviens, t’en souviens pas…tu es à moi et je t’aime…tu peux comprendre ça, non ?

Il comprit très bien…incroyablement bien.

Rayonnante, Lindsay, la parfaite dame de céans, accueillit les invités. Neil, à ses côtés ne se comportait plus comme le gentil colocataire…SON Neil était de retour ou du moins sur le bon chemin ! Flottant sur le nuage rose du bonheur retrouvé, Mrs. Chesterfield rata sans doute une paire de cases mais revint tout à fait sur terre quand son filleul échut dans ses bras. Qu’il était adorable, cet angelot joufflu, aux boucles blondes comme celles de son père. Son émotion était comparable à celle de Neil. Elle ne l’avait jamais imaginé ainsi, avec un bébé dans les bras et sentit son cœur éclater en l’entendant dire :


Faudra que tu nous donnes ton truc, Luke.

*OH, OUI…je voudrais tant…ce serait si merveilleux !*


Et en toute évidence, ils n’étaient pas les seuls émus par ce poupon doré. Tiens, Achille, tout grand et féroce qu’on le pensait, prenait un air plutôt bêtasse avec le petit dans les bras…Louis soupirait. Richard, cher homme, pareil à lui-même, restait impénétrable mais celui qui la surprit le plus fut le fiancé de Lucrèce…celui là, il avait l’air presque bouleversé…

Mais ses devoirs d’hôtesse demandaient d’autre chose qu’observer ses invités.
Tout alla bien jusqu’au début du dîner, Jeff Night fit presque un malaise à l’heure de la prière de rigueur mais on oublia rapidement cela dès que Louis, émoustillé par le vin et les mets présentés, prit la parole. On en rit aux larmes, suspendus aux royales lèvres. Que Night, d’abord si sombre, s’en mêle avec un bel humour, finit de dérider la soirée. Le clou fut, sans aucun doute, l’intervention du chien-vache de Jeff chevauché par un Colbert délirant…Que s’en suive la plus hilarante des catastrophes domestiques ne la gêna pas le moins du monde.

Ne vous en faites surtout pas…ce n’est pas si grave que cela , que sont quelques assiettes cassées pour ce qu’on a rigolé.

Hommes d’un côté, femmes de l’autre, la conversation allait bon train. Chez ces dames, le thème était évocateur, la maternité. Lindsay soupira. Il suffisait de voir l’expression ravie de Jenny pour deviner qu’elle était absolument comblée. Petit pincement d’envie. Elle n’était pas la seule. Hélène déclara sans ambages qu’elle serait très heureuse avec un enfant de son Louis bien aimé. Sissi ne sembla pas trop à l’aise avec le thème engagé alors qu’Amelia, en toute évidence n’y avait même pas pensé. Lucrèce demeura de marbre et Mrs. Banks alla même jusqu’à verser une larme.

On dériva gentiment vers un autre thème très à ton avec le premier : le mariage. Celles déjà mariées s’en déclaraient ravies, les autres ne manifestaient pas un grand engouement pour l’idée, sauf peut être Hélène et encore. Elles se déclaraient satisfaites avec la situation telle qu’elle était.

Mais coïncidence ou pas, ici…aucun des couples en union libre n’a fait long feu…étrange, non ?, commenta sentencieusement Mrs. Banks.

Lindsay soupira discrètement, sourit en offrant des boissons et les invitant à rejoindre ces messieurs.

*Mine de rien, Gloria leur a donné de quoi penser…on verra combien de temps cela leur prend !*

La soirée finit paisiblement en parlant sur divers faits puis chacun avec sa chacune, prit congé.

Je pense que celle-ci a été une soirée réussie. Tu te sens bien ?

À part s’avouer claqué, il se portait comme un charme mais en voyant tout ce qui restait à faire, dit :

On rangera demain, si tu veux bien.

Oui, c’est mieux comme ça…un peu de repos ne va pas nuire.


Ils montèrent à l’étage et l’hésitation de Neil à l’heure de se diriger vers sa chambre l’émut. Elle se donna de la contenance en riant et lui prenant la main :

Tu ne vas pas faire des chichis, non ?


Il n’en fit aucun. La vie reprenait à partir de cet instant.

Il y a une seule chose que je veux que tu saches, Neil Chesterfield…je n’ai aimé que toi de ma vie et j’ai toute l’intention de continuer sur la même voie !

Tout était dit. Qu’il faisait bon se lover contre lui et bavarder encore un peu avant de se laisser prendre par le sommeil, dans les bras de celui qu’elle adorait par-dessus tout.

Une fois que Neil eut décidé reprendre son poste, plus rien ni personne ne l’arrêta. Il lui avait, ce premier soir ensemble, fait part de doutes et réflexions, tous pertinents. Elle essayait, comme toujours, de s’y prendre de son mieux pour donner un avis sensé et pratique. Il devrait se réintégrer à la vie de tous les jours et parviendrait à mieux discerner chemin faisant. Le contrôle de routine au centre médical se passa sans encombres, non sans avant lui avoir presque fait la leçon :


Ne va pas chercher noise à Dan…il n’a la faute de rien, j’en suis sûre. Tout ce que tu voudras mais cela ne te donne pas le droit de lui refaire le portrait…tu as déjà essayé…Neil, non ! Tu n’es pas un homme des cavernes…Tu es le maire…faut quand même donner u peu d’exemple, non ?...Je t’aime…bien sûr que oui, gros idiot…un p’tit peu plus qu’hier et un p’tit peu moins que demain…allez, hop…tu vas rater ton rendez vous !

Quelques jours plus tard, il lui exposa une nouvelle idée : la création d’une banque, en avouant que le projet venait de Lucrèce. Elle tiqua.

*Encore celle là …on l’a jusque dans la soupe !*

Ah bon ? et depuis quand la Miss s’y connait en finances…tu vas m’excuser, c’est plus fort que moi…j’ai mes raisons pour me méfier d’elle…tu sais très bien de quoi je parle !...Ah bon…rien que ça ? Son ténébreux comme gérant, elle ne perd pas son temps pour placer ses pions, la demoiselle…tiens et le mec est capacité pour la place ?...Ma foi, mon chéri…si tu le crois…

La banque vit le jour et tout allait pour le mieux. Mr. Night semblait vraiment savoir comment s’y prendre. Et puis ce matin là, alors qu’elle faisait ses emplettes au centre village, la rumeur croissante la happa comme vague de fond : on avait essayé d’attaquer la banque, la Milice se trouvait sur place…elle arriva sur les lieux quand on évacuait Luke méchamment blessé. Elle n’eut le temps que de prendre Nick des bras de sa mère au désespoir suivant son mari avant d’aller chercher Neil pour en savoir plus long. Elle le trouva en conversation avec un Achille de passable mauvaise humeur, commentant le braquage le plus étrange de l’histoire

Mais comment ça…on n’a pas une explication rationnelle pour ce qui s’est passé ?

On n’en avait pas et il fallut s’en contenter. En attendant, elle devrait s’occuper de son adorable filleul, de la quoi faire oublier tout autre chose. Mrs. Dawson avertie de la situation apporta les affaires du petit en même temps que ce cher Colbert chez les Chesterfield. Neil en tira une tête en découvrant les changements survenus à sa paisible vie.

Nick restera avec nous jusqu’à ce que Luke soit tiré d’affaire…et Colbert, pas question qu’il soit sans surveillance…il est capable de n’importe quoi, le macaque…après tout avec un père adoptif comme le sien…Ah, tu ne sais pas ?...À ton avis qui peut nommer un singe comme un ministre royal ?...Touché…Sage, Colbert…laisse la tête de Neil en paix…il n’a pas de poux…allez, viens manger une banane…pas toi, mon chéri…je parle au singe !

Entre le petit Nick, énervé par le changement de décor, le manque de sa mère , la percée de sa première dent et Colbert toujours en mal de câlins, le peu de jours que Luke dut rester hospitalisé tinrent du tour de force. Quand Jenny vint récupérer son fils et le macaque, Lind était à point de se déclarer forfait.

Rien ne me ferait plus heureuse qu’avoir un enfant…ou deux ou trois…mais je suppose que la patience vient avec…pour le moment…je ne veux que dormir deux jours d’affilé…au calme !

Noël. Pour les effets leur premier, pour elle et Neil. Ils tenaient à le passer à huis clos, chez eux. La Pierre leur avait accordé un petit sapin, assez rachitique mais Lindsay s’arrangea pour le décorer et lui donner une aspect plus que passable. Comme maire en service, il fallut quand même faire acte de présence aux divers offices célébrés, se marrant d’y trouver les historiques à tous et chacun…même si Richard et Achille, peu habitués aux rigueurs religieuses, s’y endormirent sans arrière pensée. À la sortie du bon dernier on se souhaita un joyeux Noël et chacun s’en alla chez soi.

Dîner à deux, aux chandelles. En amoureux. Cela suffisait largement, comblant leurs rêves. Le bonheur était de retour. Que vouloir de plus ?

Matin de Noël. Ils firent la grasse matinée, se gâtèrent avec un délicieux petit déjeuner au bord de la piscine et puis Neil alla retrouver Banks avec qui il devait discuter certains de ces problèmes demandant solution immédiate.
Restée seule, Lindsay s’occupait de ses plantes quand une visite inopinée la surprit un peu. Sissi, Amelia et Hélène avaient besoin de ses conseils. On prit place face à un bon café et bavarda de tout et n’importe quoi jusqu’à entrer en plein dans le sujet de leur souci : organiser leur mariage.


Wow ! Vous me laissez soufflée…c’est merveilleux, mes félicitations ! …Mais enfin, il n’y a aucun souci à se faire, il suffira de fixer la date, remplir deux ou trois formulaires et en parler avec Neil, après tout c’est lui le Maire…Mais bien sûr qu’il s’acquittera ravi de la vie, n’en doutez pas !...Alors, c’est pour quand ?

Elles avaient pensé au jour de l’An.

Je ne voudrais pas jouer les trouble-fête mais le jour de l’An…c’est l’anniversaire de Neil et aussi le deuxième anniversaire du début de…notre aventure. Beaucoup d’entre nous sont arrivés ici, pile ce jour là…vous comprenez, n’est ce pas ?

Elles comprenaient. Le samedi d’après leur allait aussi bien. On ébauchait divers projets quand Sissi eut encore une demande.

Il faut aussi, Lind, que tu nous renseignes sur euh… les célébrants. Louis et moi sommes catholiques, et…

Sacrée colle.

On devra s’arranger avec les moyens à bord, Sissi…je comprends bien la teneur de cette requête…mais, malheureusement, nous ne comptons pas avec des religieux patentés parmi nous…enfin…pas de curé, pas plus que de pasteur ou rabbi…le seul que nous avons est Liu Chang…et il est moine bouddhiste.

QUOI ?

Amelia en riait aux larmes, Lindsay luttait pour ne pas l’imiter, Sissi semblait déconfite et Hélène n’ y comprenait rien.

Liu est un type incroyable…un véritable homme de Dieu, faute de M. le curé ou le légat du Pape, aux yeux du Seigneur, il fera parfaitement l’affaire, vous ne croyez pas ?

En tout cas, elles riaient comme des folles en la quittant.

L’anniversaire de M. le Maire n’était pas un évènement à prendre à la légère. Sans doute Neil aurait préféré le fêter en dans l’intimité avec des amis proches mais le village ne l’entendait pas de cette oreille et voulut rendre hommage à leur chef, le seul qui ait su si bien pallier les avatars de leurs existences et leur rendre la dignité d’une vie quasi normale. Divers comités avaient trimé depuis pas mal de temps pour donner aux festivités l’éclat voulu. Tous et chacun avaient apporté de leur petit ou grand effort. C’est ainsi que sur les douze coups de minuit, lors du réveillon monstre organisé en plein air, la St. Sylvestre devint fête d’anniversaire…Un feu d’artifice magnifique illumina la nuit de couleurs fastueuses suivi d’un Happy Birthday chanté avec plus d’enthousiasme que de talent par tout ce beau monde réuni là.

Bonne année, mon chéri…joyeux anniversaire…je t’aime ! Merci d’être là…pour moi, pour nous tous !

Et se fichant du public nourri elle l’octroya d’un baiser à lui en tourner la tête alors qu’on applaudissait, force vivats !
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Neil Chesterfield

Neil Chesterfield


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MessageSujet: Re: Cours après moi...    Cours après moi...  EmptyLun 16 Juil - 16:19


Il y a une seule chose que je veux que tu saches, Neil Chesterfield…je n’ai aimé que toi de ma vie et j’ai toute l’intention de continuer sur la même voie !


Pouvait-on rêver plus douce musique aux oreilles ?
Pour Neil c’était le cas.
Le retour à la « normalité » se poursuivit avec un sentiment de plénitude inédit depuis son opération au cerveau. Il avait fini par accepter l’incroyable ; être dans un coin retiré du monde où une Pierre magique accordait, parfois, ses bienfaits et où l’on pouvait côtoyer des personnages illustres disparus depuis des lustres.
Reprendre du galon l’effrayait assez mais avec Lindsay à ses côtés, il se sentait réaffirmé dans un égo qu’il n’aurait pas dû quitter sans des événements qui le surprenaient encore.
Par son travail, le village prospérait. Ses collaborateurs ne ménageaient pas leurs efforts, pas plus que lui ne le faisait. Ça tournait gentiment, tous semblaient assez satisfaits. Aussi fronça-t-il un peu le nez quand son adjointe principale- Lucrèce Borija- émit l’idée qu’une banque était indispensable au progrès. Neil pinailla beaucoup et tint à examiner consciencieusement la candidature de Mr. Knight au poste de gérant. Ne trouvant aucune faille dans ses dires, le poste lui échut et personne ne s’en plaignit sauf que, malgré les mesures de sécurité, la banque subit une tentative d’attaque qui, heureusement, fut déjouée assez rapidement mais pas assez pour éviter qu’un blessé ne soit décompté. Luke Walker reçut une balle dans le buffet et s’en sortit grâce à la générosité du gérant qui n’hésita pas à se faire vampiriser par les instances médicales.
Question générosité, Lind n’y alla pas de main morte en accueillant chez eux son filleul et… le singe accolé à Mrs. Walker : Colbert. Neil avait tout oublié à son sujet sauf ce qu’on lui avait rappelé lors du repas de Thanksgiving. Force fut de supporter la boule de poils facétieuse à souhait en attendant que Luke soit remis d’aplomb.
Ce fut une drôle d’expérience que de vivre avec un nourrisson et son ami singe. Pour le gosse, Neil était prêt à sacrifier sa tranquillité entre les couches et les biberons mais Colbert lui tapait sur le système. Sa tendre moitié eut plus à le supporter que lui-même qui, par sa fonction, était fréquemment sollicité en dehors du cadre familial.
C’est fou les problèmes qu’un village pareil pouvait entraîner. La répartition des tâches était établie avec soin, malgré tout on requérait sans cesse son avis sur ceci ou sur cela avec des débats parfois interminables.

La fête de Noël répandit une ambiance particulière. Afin de ne froisser aucune confession, les Chesterfield firent acte de présence aux différents offices organisés ; d’autres s’y soumirent aussi mais plus par obligation que par foi.
Lindsay s’était décarcassée pour que leur premier vrai Noël ensemble soit une réussite, il lui en fut reconnaissant même si ce tête-à-tête n’avait rien de commun avec les fastes dont il gardait le souvenir.

Puis, fatalement, le nouvel an succéda. Quelle idée avait-il eue de naître un jour pareil ? Maire et jubilaire, Chesterfield désira remercier ses administrés par des réjouissances à la mesure de l’événement. Ça lui coûta bien des diamants mais le plaisir que beaucoup y prirent valut la dépense. Discours obligé, Neil monta sur l’estrade :


Mes amis, oui ici nous sommes tous amis, je tenais en ce jour spécial à vous remercier de vos bons vœux mais surtout vous remercier de vos patience et ténacité. Il y a deux ans, jour pour jour, des catastrophes nous ont amenés en ces lieux étranges. Nous aurions pu nous la jouer à la « chacun-pour-soi » mais, au contraire, ENSEMBLE, nous avons surmonté la foule de défis qui nous attendait. Nos champs prospèrent, les élevages également : tous nous mangeons à notre faim ! Peu d’endroits dans le Monde peuvent en dire autant. Il nous manque encore énormément de choses en comparaison à notre vie antérieure mais regardez plutôt ce que nos efforts ont accompli ! Tout ce que nous avons, c’est à NOUS que nous le devons ! Et ça, c’est une récompense formidable à laquelle chacun a contribué. Aussi, je vous remercie d’avoir permis tout cela et vous souhaite à tous une bonne et merveilleuse nouvelle année !

Devoir accompli ! Neil reçut des congratulations diverses mais la meilleure fut de la part de son épouse qui, faisant fi des pudibonderies en vogue, ne se gêna pas pour lui prouver son amour devant tous.

Les derniers pétards éteints, le couple rentra sous son toit un peu éméché, il est vrai mais satisfait.
La routine reprit son cours… quelques jours.

Alors qu’un sempiternel conseil municipal avait lieu, Neil en fut tiré par l’irruption inopinée d’un trio singulier. Si le chef de la milice se permettait un tel geste, c’est qu’il y avait urgence.
En dehors du conseil, McIntosh, Achille et Richard lui remirent des documents alarmants. Trois personnes dont on ignorait tout avaient été appréhendées et s’étaient défendues avec vigueur avant de céder à l’influence de certaines drogues administrées par le toubib. Les aveux avaient de quoi en rendre plus d’un vert de trouille :

PATTON ? Pas de doute ? C’est leur chef ?

Allié à la reine d’Egypte, ça va barder, annonça Burton.

M***E !


Neil n’était pas sans connaître les hauts-faits de ce général américain, illustré surtout lors de la seconde guerre mondiale. Le pire était à craindre.
Les contre-mesures plurent aussitôt.
Rentré tardivement chez lui, Neil ne put dissimuler longtemps son abattement. Avalant le bourbon servi par une épouse soucieuse, il soupira :


Ça va faire du vilain : une armée veut nous tomber dessus !

Il lui résuma la situation en expliquant :

J’ai rouvert l’armurerie… Toutes les Pierres connues vont être sous haute surveillance… j’espère aussi que Patton n’aura pas de chars, sinon…


Lind semblait épouvantée, il fit son possible pour la rassurer.

Des jours angoissants suivirent dans des activités fébriles qui, bien sûr, ne passèrent pas inaperçues. Les réunions se succédèrent avec rapports succincts sur le déroulement des manœuvres en cours. On discuta énormément de stratégie en dévorant tous les traités découverts sur cette matière dans laquelle, hélas, personne n’excellait.
En ayant marre des questions soulevées par les villageois lors de ses brefs déplacements, Neil n’eut d’autre recours qu’une allocution publique.
La salle des conférences était bondée, le maire fit front et ne cacha rien des soucis proches :


… Nous espérons maîtriser la situation. Des bilans quotidiens seront affichés. Si les mesures s’avéraient insuffisantes, un plan d’évacuation est en place. Nous vous demandons de le suivre à la lettre… Bonne chance à tous.

L’attente se poursuivit avec de nombreux préparatifs dont d’autres beaucoup plus réjouissants. En effet, les historiques avaient décidé de convoler, les trois couples en commun. De sa vie, Neil n’aurait pu imaginer situation plus renversante. Des mariages il en avait déjà célébrés mais que l’honneur d’aussi illustres lui échoie…
Il ne s’encombra cependant pas de fioritures particulières dans le décor tout simple choisi pour les triples noces. Prônant les préceptes usuels, Chesterfield n’en était pas moins ému d’unir officiellement ces sommités d’époques révolues.

Après le rituel « religieux », une belle réception se déroula en parfaite harmonie. Impossible de ne pas être à l’aise avec les historiques, tous sympas dans leur style particulier. Les cadeaux de mariage avaient demandé bien des sueurs à Lindsay qui s’était débrouillée comme un chef afin de satisfaire les nouveaux époux.
Voir tout se beau monde si heureux rendit Neil étrangement mélancolique. Il ne put s’empêcher de prendre sa femme un peu à l’écart et, gauche, il avala d’un trait sa coupe de champagne avant de se jeter à l’eau :

Lind, ma chérie, euh… veux-tu m’épouser ? … Oui, je sais on l’est déjà… en principe, mais je ne m’en souviens pas du tout… alors, ça me fait bizarre… je me demande si ça compte dans un cas pareil, et…

Son rire valait tous les oui du monde, de quoi le rendre à la fois heureux et terriblement soulagé. Ils convinrent de recommencer quand l’avenir serait plus certain.
Tout aurait été parfait si deux invités tardifs n’avaient pas fait leur soudaine apparition. Ils avaient beau avoir l’air dans l’ambiance, fêter dignement les nouveaux époux et prétendre revenir de vacances, Chesterfield ne put se départir d’une suspicion malsaine.
Lorsque Jeff déclara sans ambages qu’ils avaient aperçu des troupes bizarres s’amasser non loin, on ne s’embarrassa pas de protocole pour les bombarder de questions. Les où, combien, qui, fusèrent de toutes parts.


Des centaines ? Armés comment ?

À bout de souffle, une estafette vint au rapport, confirmant les nouvelles alarmantes. Selon les dernières estimations, une troupe nombreuse et hétéroclite avait été aperçue.
Ses explications ne donnaient hélas qu’une vague, très vague idée de ce qui avançait vers eux.
Branle-bas de combat général, chacun savait – plus ou moins- ce qu’il avait à faire.
Neil embrassa rapidement sa femme puis courut à la maison commune devenue QG des opérations tandis que des formations se groupaient en attendant les ordres.
Les cartes furent étalées, on chercha à situer l’ennemi.
Comme nuit de noce, les historiques auraient pu rêver mieux, tant pis ! Nul responsable ne dormit beaucoup.
D’ingénieux systèmes de communication avaient été découverts : des walkies-talkies. Leur portée ne dépassait pas le kilomètre, malheureusement. Néanmoins, ils suffirent à rester en contact avec les postes avancés et d’obtenir des détails que l’on communiqua aux futurs assiégés tôt le matin.
Ainsi, comme les espions l’avaient avoué Patton et son armée étaient à leur porte. Pour une raison inconnue, ils stationnaient à plus ou moins deux kilomètres du village, comme en attente.
Devant le staff de crise réuni, Neil se gratta la nuque :

Bon… Ils n’attaquent pas directement, on peut donc supposer qu’ils vont vouloir d’abord estimer nos forces. Je pense qu’il nous faut envoyer des émissaires afin de connaître les intentions de ces gens…

Sa suggestion ne souleva aucune objection. Il restait à déterminer qui seraient les meilleures recrues. D’emblée, Richard fut désigné et Achille refusé. On connaissait assez ces hommes pour s’y fier. On débattit quant à qui lui accoler dans sa mission. Les femmes furent écartées d’office afin de ne pas risquer de froisser la susceptibilité de la reine Cléopâtre qui s’imaginait sans doute encore être la beauté incontestée de son nouveau royaume. S’il s’était agi de Patton seul, peut-être qu’Hélène aurait été un atout non négligeable, mais là…
Neil voulait en être également puisqu’il était, en quelque sorte, le « chef » du village mais les conseillers s’y opposèrent. Au cas où les choses s’envenimeraient, être privés de tête desservirait le village. L’air assuré, Walker se proposa en préconisant d’adjoindre Jeff Knight aux délégués.
Pas le temps de lui en demander les raisons. Après tout, nul ne s’y opposait, donc…

Après quelques échanges avec leur conjointe, le trio bardé de recommandations, et légèrement armé, s’éloigna en voiturette. On dut attendre le résultat des délibérations.
Nul ne resta à se tourner les pouces.
Avec pour science celle puisée dans les livres, Neil déploya les défenses.
Très tracassé, il s’octroya quelques heures de repos auprès de Lindsay qui tournait en rond en se rongeant les ongles. Il la rassura du mieux possible
:

Le poste avancé a vu nos émissaires passer devant lui il y a une demi heure, aucun bruit de combat n’a été rapporté… on doit attendre le résultat… Non, je t’assure, je ne m’en fais pas trop pour eux, Patton n’a pas la réputation d’un tortionnaire et Cléopâtre, à part ameuter les troupes, ne servait qu’au décorum… Oui, ils peuvent avoir changé, c’est ce qui m’inquiète un peu…

Il sommeillait vaguement dans les bras de son épouse quand son walkie-talkie grésilla. Vivement, il lui sauta dessus et écouta. Peu à peu, ses traits se détendirent. Il commenta pour Lind accrochée à son coude :

Ils sont repassés, tous intacts... Ils reviennent et apparemment tout va bien.


À son interlocuteur, il demanda :

Ont-ils donné des précisions sur… Ah ( déçu) On les attend, alors. Restez en position et avertissez-nous immédiatement s’il y a du nouveau.

Lind tint absolument à l’accompagner à la maison commune où ils coururent main dans la main avertir les autres.
Tous furent soulagés, et quand un peu de poussière annonça le retour des émissaires, on se précipita à leur rencontre.
Walker arrêta le véhicule électrique et sauta en dehors, imité par les autres. Une foule assez compacte les pressa aussitôt de toute part car la nouvelle de leur retour s’était propagée mieux qu’une traînée de poudre. La milice intervint pour laisser le trio passer. Les épouses ou compagnes trépignèrent d’impatience mais l’heure n’était pas aux retrouvailles.
Prestement, on se groupa dans le bureau de Neil qui attaqua aussitôt :


Ça va ? On ne vous a fait aucun mal dirait-on. Qu’avez-vous appris ?


Tout en se désaltérant des boissons proposées à la hâte, les trois hommes se relayèrent pour donner un compte-rendu le plus fidèle possible de leur mission. On les avait accueillis avec respect, comme des ambassadeurs étrangers, et bien traités. Il en ressortit un soulagement général : aucune intention belliqueuse n’animait ce groupe.

Donc, il y pacte de non-agression ? se réjouit Neil. Quelles en sont les conditions ?

Rien de plus normal, en somme. Tant que le village se tenait à carreaux, aucune attaque n’aurait lieu. La reine souhaitait même leur rendre visite, en toute simplicité amicale.

Peut-on se fier à eux ? demanda encore Chesterfield qui trouvait la mariée trop belle.

Les émissaires approuvèrent, Walker et Knight plus fort que Burton.
L’affaire fut conclue et des ordres stricts de surveillance passive distribués.

Dans le logis familial, Neil fut heureux des attentions de sa femme qui cherchait par tous les moyens de le détendre après ces heures de tension infernale.
Le dos massé délicatement par une Lindsay amoureuse, le maire se relaxa :


On a vraiment du bol ! D’après nos amis, ces gens ne feraient qu’une bouchée de nous… ils ont dénombré au pif près de trois cents soldats de tout poil… ils sont heureusement disciplinés et Patton les mène avec une poigne de fer... je ne sais pas exactement ce qu’ils fabriquent dans le coin, Burton m’a semblé moins enthousiaste que les deux autres sur leurs projets… On verra après la visite de Cléo… demain midi, normalement !

Il faudrait se préparer dignement pour l’événement mais en attendant Neil désira plutôt profiter des bonnes dispositions de son épouse que de se faire du mouron.

Parfaitement comblé, Neil en écrasait gentiment dans les bras de Lindsay quand une pétarade formidable se déclencha.
Déboussolé, le couple se leva à toute vitesse. Le temps d’enfiler un pantalon, Neil beugla :


Va au bunker, cueille tous ceux que tu croises au passage ! N’en bougez plus avant que l’on sache.

Il se rua dehors.
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