Rencontre du ... 3ème Type ? (Jeff)

Observer de loin, manipulant à souhait, le tout dans le confort privilégié de son antre était certes très amusant mais à longue, comme tout, cela devenait routine et bien sûr Berith s'ennuyait. Son cher "frère" semblait trouver absurde qu'il puisse s'ennuyer en étant, comme il était, constamment occupé à pourrir la vie aux petits humains. En fait, plus que d'ennui on pourrait parler d'envie de diversification. Il voulait parfois voir de près, chasser en live, sentir l'émotion de l'instant. Et pourquoi pas, découvrir parfois des spécimens qui se démarquaient un peu...

Perché sur la Pierre du village, en mode invisibilité absolue, il passa un bon moment à suivre les évolutions des habitants. C'était amusant de voir leur révérence, leur humilité, leurs échines courbées et entendre leurs paroles soumises, implorantes. Mais encore plus marrant était de voir leur réaction quand l'envie lui en prenait de contrarier l'un en profit de l'autre. Ça criait, ça réclamait, ça se sautait sur le râble en faisant bellement la pagaille! Et lui? Il aurait été chiche d'applaudir et siffler!

Le spectacle fini, Berith allait prendre le large quand une retardataire aux vœux du jour se pointa. La miss ne montrait aucune des qualités désirables chez un quémandeur. Pour l'humilité on y repasserait avec cette petite. Elle fit sa demande comme si la Pierre était une espèce de McDo Drive In et jeta ses diamants comme si elle n'avait aucune idée de la valeur de ceux ci. Tant pis pour elle. Les beaux petits cailloux brillants disparurent sans délai. Jeff se frotta les mains, en rigolant en douce.

La commande de Madame! Elle en tira un tête. Point de choucroute garnie, genre Brasserie Alsacienne. De La bière!? Pfft! Une méchante limonade. De la Mousse au Chocolat? Là, elle pouvait toujours rêver. Berith en aurait pleuré de rire face à tant de déconfiture. Qu'elle se fâche tout rouge fit un bel effet. Allant même jusqu'à larguer un coup de pied à la Pierre. Quel manque de respect! Bien sûr, ça fit mal. Son vocabulaire, par contre, était des plus choisis, Jeff apprécia cet éclat démontrant du caractère. Ça le changeait un peu des autres, brebis bêlantes.

Alors, pas satisfaite avec le repas?

Gentil sursaut! Il venait d'apparaître, comme si rien, de nulle part et souriait de toutes ses belles dents, tout en la détaillant sans gêne.

Tu as une drôle de façon de demander. Faut savoir s'y prendre!...Oui, tu as payé, c'est vrai...mais encore là, ça manquait de respect!


Elle ne se priva pas de le regarder à son tour avec une suffisance assez surprennante, sans aucune crainte évidente, ce qui pour commencer le mit un peu mal à l'aise.Il aimait effrayer les gens et là,c'était raté.

Dommage pour toi, tu auras perdu tes diamants, on voit que tu n'as pas eu à bouger ton petit doigt pour les avoir!...Non, la Pierre ne rembourse pas! Pas de satisfaction garantie!...Injuste? Voudrais bien savoir à qui tu iras te plaindre!

Il éclata de rire en l'entendant marmonner quelques malédictions outragées.

Et tu penses rester assise là?...À ton aise, moi je vais aller manger.Un repas succulent! Si tu veux, suis moi!

Charmante façon d'inviter une fille. Mais bien sûr, il n'en avait que faire des bonnes manières,lui! Sans attendre sa réponse, il prit le chemin menant à la plage, sachant qu'elle lui emboîterait le pas.

Sous un grand parasol rouge, était dressée la table, avec une perfection soignée jusqu'au dernier détail.

Avec un sourire désabusé, Berith considéra la jeune femme qui s’étant levée d’un bond, l’avait, comme c’était prévisible, suivi. Sa petite remarque d’instants auparavant laissait clairement établi que la miss ne connaissait pas le plus élémentaire des respects pour qui la nourrissait.

J'aimerais bien savoir qui est derrière tous ça que j'aille lui botter les fesses ...

Il avait éclaté de rire, alors, la considérant narquois :

Suis sûr que si tu le savais, tu n’oserais même pas y penser, à lui botter les fesses !

Elle avait fait comme si rien ou n’avait pas idée de quoi faire, cette deuxième option était, plus que sûr, la bonne mais il ne se donna pas grand mal à sonder son esprit. Il se révélerait sans problèmes. Il suffisait de la voir, pâmée d’admiration, salivant presque face à la table superbement garnie. À croire qu’elle était absolument affamée.

Dites ... Je ...euh ... je pourrais goûter rien qu'un petit peu ?

D’un geste large de la main, sans départir de son air suffisant, Berith l’invita à se servir.

Fais toi plaisir, c’est là justement pour cela !

Restant en retrait, il réprima mal une moue en la voyant se ruer sur la nourriture comme si cela faisait des siècles qu’elle n’avait pas vu un quignon de pain. Les femmes que Jeff avait l’habitude de fréquenter avaient des manières exquises, n’admettant jamais avoir faim, minaudant devant leur plat orné de portions rachitiques mais élégantes, mangeant du bout des lèvres et en laissant la moitié avant de déclarer que c’était exquis, raffiné, délicieux…ou tout autre bobard bien tourné.

Il la regarda engloutir son festin sans y prendre part. Il se contenta de boire du vin en suivant d’un œil grave ses faits et gestes. Soit, elle n’avait pas de manières mais au moins on pouvait dire en sa défense qu’elle savait tirer parti de la situation. Qu’une femme se contente de manger sans parler tenait de l’illusion, apaisé le plus pressant de sa fringale, le demoiselle daigna enfin se tourner vers lui.

Je m'appelle Zoé et vous ?

Jeff.

Je ne vous ai pas croisé dans le village ... Vous venez du bateau ou de l'avion ? À moins que vous étiez là avant non ?

IL posa sa coupe de vin et l’octroya d’un regard insondable, un petit sourire en coin.

Non, je ne vis pas au village. Non, ni du bateau ni de l’avion. Et oui, cela fait longtemps que je suis…par là !

Elle s’en faisait des idées, la petite. Penser que les villageois n’étaient pas bien disposés envers elle n’était pas une erreur. Ils ne manquaient pas de raisons, mais bien sûr, cela n’était pas passé par sa jolie tête. Il fallait dire que la miss n’avait pas fait de grands efforts pour se gagner la sympathie des ses concitoyens, à part bien sûr, celle du toubib du coin.

Ne te fais pas de souci pour les autres, Zoé. Qui sait ? Tôt ou tard ils te reconnaîtront quelque qualité. Vraie ou imaginaire, cela revient du tout au même.

Aucun besoin de s’efforcer à percer son esprit. Il était léger et accessible. Trop même. Elle n’était pas mal faite de sa personne et avec quelques soins, on pouvait même en faire une beauté. Son caractère ne serait pas un obstacle. Il connaissait son histoire, ses chagrins, ses carences, peines et ambitions. La pauvre avait souffert d’être mal aimée de son père taraudé par la mort de son fils, Thomas. Sa mère avait joué les indifférentes. Zoé, innocente, avait cru pouvoir prendre les rênes de sa vie.

Mais pour le moment, Miss Eperly pensait au bien être de son prochain.

Dites vous penser que je pourrais emporter un peu de nourriture pour ...

Il la regarda longuement, sans gêne, la détaillant puis d’un claquement de doigts fit disparaître la somptueuse table et tous les mets.

Non !, dit-il, coupant, mon fort n’est pas la charité et je n’admets pas qu’on en fasse à mes dépends ! C’est toi que j’ai invitée, pas ce ramassis d’égarés bons à rien ! Laisse les plier l’échine, humblement, ils s’y prennent si bien !...Surtout ne proteste pas, je déteste qu’on essaye de me circonvenir !...Si tu crois qu’ils t’aimeront pour cela laisse moi te dire que tu te trompes lourdement…Comment je le sais ? Et bien, parce que JE le sais, tout simplement, contente toi de ce que je dis.

Il la sentait prête à quelque réplique voulue cinglante mais ne lui en laissa pas le temps.

Écoute, je n’ai aucune envie de donner de grandes explications. Tu as attiré mon attention et encore là, contente toi de le savoir. Tu colles mal dans le coin mais JE pourrais faire que tout cela change… Pourquoi ?...Parce que j’en ai envie, voilà !

La miss se rebiffait, cela prouvait qu’au fond, elle avait quand même un certain esprit combatif.

Qui Je suis ?...Regarde et dis moi…

Un geste suffit…la mer se retira de la grève.

Observe l’horizon, Zoé…observe bien !

Monstrueuse, la vague grandissait à vue d’œil…et Il riait !